L'officine revue et corrigée - Le Moniteur des Pharmacies n° 2588 du 25/06/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2588 du 25/06/2005
 

Actualité

Enquête

Le stage de six mois en sixième année permet aux étudiants d'avoir une bonne approche du travail quotidien dans une officine. Mais est-il aussi formateur qu'il devrait l'être ? Les titulaires sont-ils accueillants ? Comment les stagiaires voient-ils l'avenir ? Douze d'entre eux témoignent.

Le stage de six mois en officine au cours de la 6e année d'études accueille les étudiants ayant décidé d'embrasser la carrière officinale. Pour certains, pas de problème, il correspond bien à leurs attentes. Pour d'autres, c'est l'heure des désillusions. Mais tous ne manquent pas d'idées pour faire évoluer la profession : développement des services, investissement dans la prévention, mais aussi amélioration de l'agencement, management plus performant, etc.

Les critiques des étudiants vis-à-vis de leurs aînés concernent moins leur pratique professionnelle que leur implication vis-à-vis d'eux. Au final, une fois le stage terminé, ils ne se sentent pas vraiment prêts à l'installation, d'autant que, de l'avis assez général, les études ne les forment pas suffisamment à la pratique quotidienne, au conseil, au dialogue avec les patients. La plupart songent donc à acquérir de l'expérience avant de voler de leurs propres ailes.

Morgane (Rennes) : « Ce sera plus facile si je m'associe »

« J'ai accès à tout, mais il faut demander sinon on ne me montre pas spontanément. Ce qui me fait plaisir : le titulaire accepte mes idées, j'ai l'impression d'être sur un pied d'égalité. Comme lui, j'essaierai toujours de privilégier le suivi du patient et le conseil tout en sachant trouver un équilibre entre le commercial et le médical. Côté agencement, il y aurait des améliorations à faire : pour discuter plus facilement avec les clients, s'isoler si besoin. J'ai l'impression que les titulaires, surtout s'ils sont installés depuis longtemps, laissent tomber cet aspect, ils gardent leur officine telle que, même si elle est mal conçue. Je compte faire des remplacements avant de m'installer, j'espère ensuite pouvoir trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Je pense que cela sera plus facile si je m'associe. »

Mathieu (Marseille) : « Je serai un patron très présent »

« Je suis persuadé que le bon déroulement d'un stage dépend du titulaire mais aussi du stagiaire, de son implication, de sa curiosité. Il faut aller vers l'information pour l'obtenir ! Je ne me sens pas assez formé, notamment en matière de conseil. La formation pratique que l'on nous dispense à la faculté est un peu légère. Une fois installé, j'aimerais développer la gestion du personnel, en faisant en sorte que tout le monde soit motivé, avec plus de participation à l'entreprise, plus d'esprit d'équipe. Mais je serai aussi un patron très présent. Les problèmes arrivent souvent en l'absence du titulaire. »

Mathieu (Rennes) : « En fac, la formation est trop générale »

« J'ai été bien accueilli par l'équipe, on m'aide, on me fait progresser. J'ai une bonne vision de mon futur métier. En tant qu'adjoint, on a peu de responsabilités. J'espère donc m'installer assez rapidement. J'attendrai cependant d'avoir un peu plus d'expérience. Même si nous avons de bonnes connaissances scientifiques en sortant de la fac, la formation est trop générale, pas assez concrète, peu adaptée au conseil. Et rien ne nous forme au relationnel. Et puis les clients n'aiment pas trop avoir affaire à un jeune. Je passerai au minimum 45 à 50 heures dans mon officine : la présence du titulaire, c'est très important pour les clients. »

Isabelle (Aubagne) : « Je me débrouille seule »

« Mon stage consiste essentiellement à être au comptoir et à passer les commandes. Ici, on fait beaucoup de location de matériel. Comme on ne s'occupe pas trop de moi, que le titulaire n'a pas le temps, je me débrouille seule, je me renseigne mais ça n'est pas évident. En fait, je ne sens pas vraiment la différence entre le stage et les remplacements que j'ai effectués. L'officine est située dans un village, le conseil aux patients est donc très développé. C'est là que l'on s'aperçoit de notre manque de formation au dialogue, à tout le côté "éducation du patient". Le titulaire fait bien son métier, est très bon en conseil, a le sens du dialogue. Il me semble qu'il faut des années de pratique pour y arriver ! Il nous faudrait un enseignement plus concret pour être en mesure de donner rapidement des conseils simples. Je me vois comme un titulaire qui devra vraiment assurer : donner de bons conseils, gérer sa clientèle, son officine, ses rendez-vous... »

Géraldine (Asnières) : « J'ai l'impression d'être la main-d'oeuvre bon marché »

« Mon maître de stage m'a embauchée en me promettant un petit "plus" financier. Dès mon arrivée, il m'a mise au comptoir. Je n'ai rien fait d'autre et mes demandes n'y ont rien changé. En fait, ma formation ne semble pas le concerner. Ici, j'ai vraiment l'impression d'être de la main-d'oeuvre bon marché ! Je crois que les titulaires ont une certaine réticence à se dévoiler. Côté clients, on a vraiment l'impression que tout leur est dû, que ce qu'ils veulent avant tout c'est ne pas payer. C'est de plus en plus dur pour l'activité des petites officines de quartier. Je vois plutôt mon avenir dans une association pour gérer une officine plus importante. Je pense qu'en province le travail est plus intéressant, qu'il y a un meilleur suivi des clients, plus de possibilités de se développer. J'ai effectué ma 5e année hospitalo-universitaire à Montréal : le service y est très développé, notamment auprès des personnes âgées : réception des commandes par Internet, préparation des semainiers, livraisons, etc. Je suis rentrée avec beaucoup d'idées que j'aimerais pouvoir appliquer. »

Jean-Marie (Rennes) : « Le point noir, c'est la rémunération »

« Pour mon stage, j'ai choisi une officine en centre commercial. Mon maître de stage aime parler de son métier et, inversement, je le questionne beaucoup. Il m'apporte des conseils en matière de gestion, de management, tout ce que je n'ai pas appris à la fac et que je regrette. Le point noir, c'est la rémunération. Il serait logique de nous rétribuer sur la base salariale d'un étudiant qui travaille en officine. Sinon, le métier est vraiment intéressant, il touche à la fois à l'intellectuel et au relationnel. Et le rôle du pharmacien est amené à se développer. Il y a notamment un énorme travail à faire au niveau des personnes âgées : surveiller plus étroitement les ordonnances, les interactions, s'impliquer plus dans le maintien à domicile, etc. L'automédication gagne du terrain, il va y avoir de plus en plus de pathologies qui ne seront plus du ressort du médecin. Mais il ne faudra pas oublier de rester proche des patients. »

Gabrielle, (près de Montpellier) : « Les maîtres de stage devraient plus s'impliquer »

« Les maîtres de stage devraient s'impliquer plus dans notre formation. Pour eux, on est là pour travailler. Point. Heureusement, mes parents sont pharmaciens, je connais donc toutes les facettes du métier, mais les autres stagiaires ? Une bonne gestion de l'équipe, pour moi, c'est important, c'est un "plus" pour l'officine. Il faut d'abord bien choisir ses employés, créer ensuite une bonne entente, une dynamique de groupe, savoir enfin les motiver, les impliquer dans l'activité. Je vois ma future officine avec une belle façade, un vaste espace de vente, c'est crucial pour attirer la clientèle. »

Julie (Paris) : « Il nous manque une formation plus conséquente en gestion »

« Ici, à Paris, les clients n'écoutent pas vraiment nos conseils, ils sont en général très pressés. Ils croient tout savoir, veulent le produit qu'ils ont vu sur Internet, etc. Tout leur est dû, y compris le médicament listé. C'est dommage car il n'y a plus de respect du pharmacien, plutôt une dévalorisation du métier. Pourtant, notre rôle devrait être de plus en plus important : j'ai vu des erreurs de la part des médecins, il faut vraiment vérifier toutes les ordonnances.

Ce qu'il nous manque durant nos études : une formation plus conséquente en gestion et en management. C'est bien d'avoir son diplôme, ce serait encore mieux si l'on sortait en sachant aussi bien gérer une entreprise. Mon autre souhait serait d'avoir une formation continue en langues - notamment en anglais - adaptée au métier, pour pouvoir mieux communiquer avec les étrangers. »

Nathalie (près de Montpellier) : « L'officine n'est pas une dépendance de la Sécurité sociale ! »

« Avec la carte Vitale, les clients sont déresponsabilisés, ils ne se rendent plus compte du coût de la santé et, lorsqu'il y a un dépassement, ils ne comprennent pas. Cela se ressent sur le contact qu'on a avec eux. L'officine, c'est aussi un commerce, pas une dépendance de la Sécurité sociale ! Pendant les stages, on s'aperçoit qu'il n'est pas toujours facile de communiquer avec les gens. J'ai effectué ma 5e année hospitalo-universitaire aux urgences psychiatriques, c'était passionnant, cela m'a appris à mieux aborder les patients difficiles. Ce qui me dérange, c'est qu'à l'officine tout le monde peut écouter ce que chacun dit. Un espace de confidentialité, c'est important. Une fois installée, j'aimerais avoir du temps libre, une certaine qualité de vie. Suivre les formations continues, je trouve que c'est quelque chose de tout à fait normal pour un pharmacien. Je le fais déjà. »

Jean-Baptiste (Montpellier) : « Je ne veux pas travailler comme mon père, titulaire »

« La façon dont les clients sont assistés par le système de santé me choque. La carte Vitale simplifie le travail du pharmacien mais les clients sont moins sensibilisés à l'aspect économique du médicament. Par ailleurs, les clients, très informés avec Internet, la presse, etc., croient savoir ce qu'il leur faut, veulent vérifier par eux-mêmes les effets indésirables, les contre-indications... C'est difficile parfois de dire à quelqu'un qu'il doit continuer son traitement. Pour se faire entendre, le pharmacien doit être très persuasif et avoir une formation pointue, en particulier avec la sortie hospitalière. Ma principale déception reste la formation : pas de gestion, pas assez de stages. Mon père est titulaire, il n'a pas d'assistant, pas de vacances, vit quasiment dans son officine : je ne pars pas pour travailler autant, je veux une vie à côté. »

Nadine (Paris) : « J'aimerais aménager ma future officine différemment que ce qui existe »

« Je trouve que l'aspect commercial prend trop souvent le pas sur l'aspect scientifique. Pourtant, il y a un gros travail à faire notamment au niveau des ordonnances : il faudrait vraiment tout vérifier, notamment les posologies pour éviter les erreurs de délivrance. Concernant l'accueil des clients, la promiscuité me dérange : il manque une zone de confidentialité mais il ne faut pas non plus que le client se sente trop isolé. A mon avis, l'agencement est plus conçu pour présenter et vendre les médicaments que pour mettre les clients à l'aise. J'aimerais personnaliser ma future officine, l'aménager différemment de ce qui existe. Développer aussi d'autres services comme les conseils sur la diététique, sur l'esthétique, et embaucher pour cela des spécialistes. Bref, ne pas répondre uniquement à la demande par la vente d'un produit. »

Antoine (Marseille) : « J'aimerais devenir pharmacien prescripteur »

« Pour donner de bons conseils, j'essaie de me tenir au maximum informé, je lis la presse professionnelle, je discute avec le titulaire. Une fois installé, je souhaiterais développer l'information et le dépistage de certaines maladies, comme l'asthme, l'hypertension, le diabète : il y a en effet beaucoup de malades qui s'ignorent. Pour moi, il faudrait que le pharmacien s'implique plus dans la santé publique, donc soit plus présent, plus à l'écoute. Malheureusement, il manque souvent du temps... Une autre évolution intéressante serait de devenir pharmacien prescripteur. »

A retenir

- Que le stagiaire se montre curieux. La réussite ne dépend pas que du maître de stage !

- Se renseigner sur le maître de stage est indispensable. L'officine en bas de chez soi n'est pas forcément idéale.

- Les stagiaires aiment leur métier, qui allie « intellectuel » et « relationnel », mais se heurtent de plein fouet à la réalité du comptoir : des clients déresponsabilisés.

- Les études n'abordent pas assez la gestion et le management. Or le stage ne comble pas ce manque. Autre grief : la faiblesse de la formation initiale en matière de communication.

- Un échos récurrent : la faiblesse du salaire. Le risque d'être (seulement) considéré comme main d'oeuvre à bon marché peut exister.

- In fine, si le stage leur a donné envie de s'installer, ce ne sera pas au détriment de la vie privée.

A noter

Notre site Internet propose des infos pratiques sur les aspects réglementaires des stages en officine (Comment devenir maître de stage ? Quelle est la rémunération d'un stagiaire en 6e année ? Que peut faire un stagiaire en pharmacie ?) : Moniteurpharmacies.com, onglet « Documentation », rubrique « Documents de référence », mot clé « Stage ».

Vous y trouverez également l'annuaire des facultés de pharmacie en France et les coordonnées des associations et corporations d'étudiants (onglet « Etudiants »).

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