Il n'y pas d'évolution sans évaluation

Les cadres à haut potentiel sont les dirigeants de demain. Afin de les faire évoluer vers les postes auxquels on les destine, certains laboratoires ont mis en place un processus de développement des talents, parfois très formalisé. En ligne de mire les diplômés des grandes écoles ou d'universités... y compris les jeunes pharmaciens prometteurs à double formation (écoles de commerce, mastère, etc.).

Comment les entreprises procèdent-elles pour dénicher leurs futures élites ? « Nous avons établi un système d'entretiens bisannuels qui sert de base à l'appréciation des performances : si les objectifs ont été dépassés, si le projet confié a été mené à bien, si la manière d'y arriver est en phase avec nos règles de fonctionnement, nous avons affaire a priori à un haut potentiel. Il faut ensuite une validation dans le temps », indique Catherine Even, directeur des ressources humaines chez Chauvin Bausch #amp; Lomb.

Bien connaître chaque collaborateur, le voir évoluer en situation, évaluer son comportement avec les autres est essentiel. Comme le souligne Marina Aillaud, DRH chez Laphal : « Nous misons beaucoup sur notre présence sur le terrain. Cela nous permet d'observer le fonctionnement au quotidien des cadres et donc de repérer plus facilement ceux que l'on peut faire évoluer vers de hautes fonctions. »

Le stage, un très bon test.

L'entretien d'embauche permet-il de cerner avec précision le profil du candidat ? « Quand on a l'habitude, on arrive à détecter les jeunes talents dès l'entretien d'embauche (les candidats en passent deux de 2 h 30 chacun !), mais c'est l'évaluation annuelle qui permet surtout de les reconnaître par le biais de leur classement ("excellents" voire "très excellents") au moins deux années de suite », commente Patrick Paikine, directeur « people et organisation » chez Novo Nordisk.

Autre voie pour se faire apprécier : le stage. « Le stage est un très bon test car le diplôme ne fait pas tout. Nous donnons aux stagiaires de vraies missions, des responsabilités. Et pour évaluer leurs résultats, nous tenons compte à la fois de leurs performances et de leur comportement », précise Marie Gautier-Loisel, responsable du recrutement et de la mobilité et DRH chez Bristol-Myers Squibb.

Comment savoir si une entreprise a misé sur vous ? Le plus souvent, ce n'est ni formalisé ni même annoncé. Mais certains détails ne trompent pas : entretiens réguliers (mises au point sur la carrière envisagée...), bilan de compétences, proposition de formations (management...), nouvelles fonctions avec de nouvelles tâches, participations à des groupes de travail (parfois internationaux), responsabilité d'un projet... « Lors des entretiens nous mettons en place un plan de développement individuel qui va permettre de combler les lacunes, de se développer sur des points d'amélioration, par le biais de formations par exemple », signale Catherine Even.

Un pool pour les talents.

Certaines entreprises ont créé un programme spécifique pour développer les talents et étudier le potentiel évolutif de leurs cadres. « Nos meilleurs cadres sont intégrés dans un "talent pool", véritable centre d'accélération intégrant formation au leadership, travail sur des projets internationaux, etc. Ce "talent pool" est en lien avec le "plan de succession" qui consiste, pour les dirigeants, à examiner chaque année le potentiel des cadres, à former et développer les meilleurs pour les amener à leur succession », explique Patrick Paikine.

Et de telles pratiques sont de plus en plus fréquentes, en particulier dans les grands groupes. « Le "talent pool" nous permet d'évaluer non seulement les performances mais aussi le potentiel et la marge d'évolution individuels. C'est un procédé participatif : nous demandons aux cadres de remplir un "dialogue de carrière" dans lequel ils mentionnent leurs aspirations, les rationalisent, parlent de leurs contraintes (mobilité...). Ceci est discuté et validé par le management et intégré dans le plan de succession », indique Dominique Roussel, DRH chez Bristol-Myers Squibb.

Le temps nécessaire pour accéder à de hautes fonctions est très variable. « Certains évoluent rapidement, en dix-douze ans. En production, l'évolution peut être encore plus rapide et on peut très jeune avoir l'opportunité de manager de grosses équipes. Mais il faut parfois calmer les ardeurs de certains et insister sur le fait qu'il est nécessaire de faire ses preuves avant ! », observe Marie Gautier-Loisel.

Quels types de postes élevés peut viser un pharmacien ? Directeur de production, patron de division, directeur général... « Pour vous donner un exemple, notre vice-présidente France-Benelux est pharmacienne : elle est passée auparavant par les fonctions de chef de produit, directeur marketing puis directeur général Belgique », rapporte Patrick Paikine.

« Mais attention, modère Marina Aillaud, chacun a ses limites : on peut être compétent à un niveau, mais pas forcément au niveau supérieur. Dans tous les cas, la maturation est nécessaire. Puis l'évolution vient toute seule... »