Les faux jumeaux à l'origine des faux pas - Le Moniteur des Pharmacies n° 2577 du 09/04/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2577 du 09/04/2005
 

Actualité

Enquête

La confusion est la principale source d'erreurs de délivrance. Car beaucoup de spécialités se ressemblent : noms, boîtes... Vigilance !

Parer un nouveau concept d'un anglicisme est toujours du dernier chic. Il en est ainsi des « look-alike » et « sound-alike » ou « produits de santé à présentation et à consonances semblables ». Si le Canada ou les Etats-Unis ont poussé leur réflexion jusqu'au point de pouvoir pointer du doigt et lister ces médicaments, le principe n'a pas encore pénétré la France. Or la grande majorité des témoignages rapportés au Moniteur (voir p. 17) lors de son sondage impliquait ces « faux jumeaux » visuels ou phonétiques. « Les confusions entre "look-alike" et "sound-alike" sont à l'origine de 25 % des erreurs médicamenteuses rapportées aux Etats-Unis », précise Bruce Lambert, chercheur à la faculté de pharmacie de Boston.

Un des responsables de la dénomination des spécialités pharmaceutiques à l'Afssaps, Antoine Sawaya, expose les règles qui encadrent les velléités créatrices des industriels : « Nous exigeons que les noms des médicaments ne se ressemblent pas trop, ni phonétiquement, ni visuellement. Ils doivent avoir au moins trois lettres de différence avec une spécialité déjà existante. » Problème : il existe plus de 16 000 spécialités répertoriées - en comptant les génériques - et la détection des « faux jumeaux » se fait pratiquement à la main. « Nous raisonnons en fonction du jambage, du nombre de lettres et de leur forme. Un "p" ressemble plus à un "y" qu'à un "b" », explique Antoine Sawaya. Soumis à l'exemple de confusion entre Biodalgic et Birodogyl (voir tableau p. 20), il confesse : « Il y a effectivement beaucoup de ressemblances entre ces deux spécialités. Il y a parfois des choses qui passent au travers de notre crible. » Confusion favorisée par le fait que les deux spécialités ont de bonnes chances de se retrouver sur une même ordonnance de dentiste, comme dans le cas qui a été rapporté au Moniteur. « Tout le processus se déroule en interne, de façon informelle. Cela fait d'ailleurs partie de nos projets d'identifier et de formaliser les règles de dénomination », note Jean-Hugues Trouvin, directeur du département de l'Evaluation des médicaments et des produits biologiques à l'Afssaps.

Champollion pour assistant.

Tous les pharmaciens connaissent le problème du décryptage des hiéroglyphes dont les médecins ornent parfois leurs ordonnances, en lieu et place d'un traitement et d'une posologie lisibles. Sans pierre de Rosette, l'erreur est possible. Si l'écriture manuscrite du nom de fantaisie de nouvelles spécialités est bien prise en compte par l'Agence, elle ne l'est pas sur des panels plus ou moins exhaustifs, avec différents types d'écritures. Quand on sait l'inventivité graphique des médecins...

La difficulté pour l'Afssaps est que leur refus d'accorder un nom de marque ne peut être justifié, puisqu'il n'existe actuellement pas de règlements opposables sur le sujet. En cas de litige, les industriels usent alors de tous les recours possibles. « Les noms de marque sont un sujet sensible, ce n'est parfois pas évident de refuser, même si nous ne cédons pas à la pression, reconnaît Antoine Sawaya. Nous fonctionnons depuis 1993 ou 1994, et les médicaments sortis avant n'ont pas bénéficié de ces analyses. » Le danger de confusion est donc plus élevé avec les médicaments commercialisés avant cette date.

Jean-Hugues Trouvin conclut à sa manière : « J'insiste, rien ne peut remplacer le dernier maillon humain. Il faudra toujours lire l'étiquette. Sinon, on en arrivera à des situations comme lors d'une transfusion où l'infirmière doit refaire le groupage sanguin du malade même si elle a une poche A+ et que la fiche au pied du lit indique A+. »

Plus le médicament est prescrit, moins il y a d'erreurs

Quantifier le risque de confusion entre deux médicaments est possible. Les travaux de Bruce Lambert, chercheur à l'Université de l'Illinois, à Chicago, tendent à le prouver. On peut distinguer trois explications à ces confusions : perceptuelle (trouble dans la vision), motrice (piocher dans le mauvais tiroir) ou cognitive (souvenir erroné).

Voilà pour la théorie, restait à l'appliquer. Les travaux du professeur Lambert montrent que plus le médicament est fréquemment prescrit, plus le risque d'erreur diminue. Le « voisinage » phonétique ou visuel est également important : plus une molécule ou une spécialité possède de proches cousins, plus le risque de les confondre est grand.

Après avoir passé à la moulinette d'un programme informatique la parenté des spécialités, en tenant compte de leur classe thérapeutique ou de leur posologie, le chercheur obtient une probabilité de confusion, outil aisément utilisable par la FDA - qui ne s'en prive d'ailleurs pas - pour accorder ou non un nouveau nom. Pour Le Moniteur, Bruce Lambert a accepté de cribler les erreurs que vous nous avez rapportés. A titre indicatif - et non prédictif -, ces résultats permettent de comparer la similarité orthographique entre les deux noms.

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