Le contrôle laisse à désirer - Le Moniteur des Pharmacies n° 2576 du 02/04/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2576 du 02/04/2005
 

ASTHME

Actualité

L'événement

Une étude menée par des étudiants de sixième année auprès de patients asthmatiques met en lumière l'insuffisance de la prise en charge. Et leur manque inquiétant de connaissances.

Je suis quelquefois gêné dans mes activités quotidiennes, je me réveille parfois la nuit, je prends un médicament contre les crises presque tous les jours... Mais mon asthme est bien contrôlé. » La grande majorité des asthmatiques interrogés dans le cadre d'une enquête en officine ne sont pas conscients de l'insuffisance de contrôle de leur asthme. « Il existe un décalage entre l'état réel du contrôle de l'asthme et le sentiment des patients », constate le Pr Geneviève Chamba, de la faculté de pharmacie de Lyon, coordinatrice d'une étude menée en 2003-2004 dans neuf facultés* par plus de 350 étudiants de 6e année option officine.

Pour étudier le suivi de l'asthme à l'officine, plus de 1 500 patients âgés de 18 à 50 ans et asthmatiques depuis plus d'un an ont été sollicités. Ils ont répondu à un questionnaire sur le contrôle de la maladie, son historique, la prise en charge médicale et médicamenteuse, son incidence sur leur qualité de vie... Les étudiants ont également mesuré leur débit expiratoire de pointe (DEP) à l'officine et recueilli les historiques médicamenteux. Toutes ces données ont permis de se prononcer sur la prise en charge des patients. Si les trois quarts des patients estiment leur asthme bien contrôlé, les faits démentent cette impression ! En réalité l'asthme est insuffisamment contrôlé chez 71 % des patients... Quatre sur dix ressentent une gêne dans leur activité quotidienne et un quart subit un essoufflement quotidien. Un tiers des patients se réveillent plus de deux à trois nuits par semaine à cause de leur asthme. Et 29 % utilisent des bêta-2-agonistes tous les jours !

Alors que les trois quarts des patients se sentent bien informés, ils sont très peu à identifier les signes annonçant une aggravation : un quart seulement cite les crises nocturnes et 10 % une hospitalisation ! Le niveau d'information des patients sur l'objectif de contrôle de leur maladie semble donc manifestement insuffisant. Les pharmacoépidémiologistes ont alors tenté de corréler le niveau de contrôle au mode de prise en charge. Et encore une fois, surprise ! Si les patients exclusivement suivis en milieu spécialisé sont les mieux contrôlés, comme on pouvait s'y attendre, ceux consultant en médecine générale et en pneumologie le sont beaucoup moins bien. « Ceci pose la question de la coordination spécialiste/généraliste qui semble dans ce cas inefficace, souligne Geneviève Chamba. La prise en charge est très variable selon les villes, des formations sur l'asthme pourraient être intensives dans certaines régions. »

Mesurer le débit expiratoire de pointe à l'officine.

Les pharmaciens ont aussi des progrès à faire. Un tiers seulement des patients ont déclaré avoir eu une démonstration des techniques d'inhalation à la pharmacie. « C'est beaucoup trop peu car ces dispositifs sont difficiles à utiliser et il serait si simple de faire une démonstration avec des placebos », suggère Geneviève Chamba. Pourtant les attentes des patients restent modestes. La moitié souhaite bien sûr des conseils sur le traitement mais 30 % seulement se prononcent en faveur d'une démonstration des appareillages ou de conseils sur la maladie. Toutefois, un patient sur cinq aimerait avoir la possibilité de contrôler son DEP à l'officine. « Cette mesure par le pharmacien est préconisée dans les recommandations pour le suivi du patient asthmatique de l'ANAES », remarque Geneviève Chamba. Et dans le cadre de l'étude, 90 % des asthmatiques l'ont acceptée.

Concernant la prise en charge médicamenteuse, un traitement de fond est prescrit à neuf patients sur dix. Il associe chez plus de 80 % des patients corticoïdes inhalés et bêta-2-agonistes de longue durée d'action, ce qui est conforme aux recommandations. En revanche, la consommation de traitement de la crise (bêta-2-agonistes d'action rapide utilisés par 71% des patients) est en moyenne de 7,2 boîtes par an, ce qui est considérable (14 % utilisent plus d'un flacon par mois).

Autre écueil dans la prise en charge : les effets indésirables. Plus de six patients sur dix déclarent en souffrir : fatigue (21 %), palpitations (21 %), irritation de la gorge (18 %), raucité de la voix (15 %), insomnies (11 %), maux de tête (11 %). Or, là encore, le défaut d'information entraîne des confusions chez le patient : il attribue au traitement les inconvénients du mauvais contrôle de la pathologie. En effet, la fatigue est corrélée à la fréquence des crises diurnes et nocturnes, l'insomnie aux crises nocturnes. Voix rauque et gorge irritée, dues à la prise de corticoïdes inhalés, pourrait facilement être minimisées en se rinçant la bouche après administration ou grâce à l'utilisation d'une chambre d'inhalation.

Face au besoin réel d'information des patients et à cette insuffisance de prise en charge, l'équipe lyonnaise souhaite poursuivre son approche du patient et propose une démarche simple et applicable à l'officine (voir encadré). Deux autres études sont déjà programmées pour l'an prochain : le suivi du patient hypertendu et l'étude de la prise en charge des pathologies hivernales afin de définir des « références pharmaceutiques opposables ».

* Amiens, Angers, Besançon, Caen, Dijon, Limoges, Lyon, Montpellier, Nancy. Dans chaque faculté l'étude a été coordonnée par un universitaire et/ou un officinal.

Chiffres

- 1 562 asthmatiques suivis (44 % d'hommes et 56 % de femmes).

- 30 % sont fumeurs !

- 37 % sont suivis par un généraliste seul, 11 % par un pneumologue et 52 % par les deux.

- Les deux tiers consultent leur généraliste tous les mois ou tous les trois mois.

- 32 % utilisent aussi les « médecines alternatives » : homéopathie, acupuncture et thermalisme.

La bonne attitude au comptoir

Cibler les patients susceptibles d'être mal contrôlés

Sexe féminin, IMC élevé, tabagisme, hospitalisation antérieure : en présence de ces facteurs prédictifs d'un contrôle insuffisant de l'asthme, être particulièrement attentif et d'adopter une démarche volontaire d'optimisation de la prise en charge.

Intervenir à chaque nouvelle prescription

A chaque nouvelle ordonnance faire le point avec le patient (donc tous les trois à six mois) en trois étapes.

- Mesurer le DEP en notant la valeur dans le dossier patient afin de pouvoir en apprécier l'évolution.

- Vérifier, grâce à l'historique médicamenteux, que la consommation de bêta-2-agonistes d'action rapide (type Ventoline) n'augmente pas.

- Poser systématiquement la question : « Avez-vous des problèmes de sommeil, à quelle fréquence ? »

Si le DEP est inférieur à 80 %, la consommation de bêta-2-agonistes d'action rapide est supérieure à deux boîtes sur six mois, ou s'il existe des réveils nocturnes, on peut soupçonner un défaut de prise en charge. Il faut alors discuter avec le patient sur la compréhension des objectifs, la facilité d'utilisation des inhalateurs, l'observance et les effets indésirables, le tabagisme... Si le dialogue s'avère inefficace ou si le contrôle de l'asthme est nettement insuffisant, contacter le médecin ou orienter le patient vers une consultation spécialisée.

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