PHILIPPE LAMOUREUX : « On ne peut pas faire d'éducation pour la santé au comptoir » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2574 du 19/03/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2574 du 19/03/2005
 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

Le directeur général de l'INPES* commente les premiers résultats d'une expérimentation associant médecins et pharmaciens autour de l'éducation pour la santé.

« Le Moniteur » : Quels enseignements tirez-vous de cette expérimentation concernant le rôle du pharmacien en matière d'éducation pour la santé du patient ?

« Le Moniteur » : Le pharmacien est un acteur majeur du développement de l'éducation pour la santé car il est ouvert sur la ville et souvent très accessible. Ceci est très important, notamment face aux adolescents. De plus, nous n'avons pas constaté de spécificité particulière d'intervention du pharmacien par rapport au médecin. Mais la démarche d'éducation est d'autant plus facile et opérante qu'il y a une équipe au sein de l'officine suffisante pour permettre de dégager du temps ainsi qu'un aménagement permettant de s'isoler pour un entretien. La plupart des professionnels de santé (pharmaciens et médecins) témoignent que l'expérimentation a entraîné une modification de leurs pratiques et a engendré une relation différente avec les patients, centrée autour de la santé et non plus autour du risque. La profession pharmaceutique est souvent innovante : les pharmaciens ont innové dans leurs pratiques beaucoup plus que les médecins.

Qu'en est-il de la complémentarité médecin-pharmacien ?

L'étude montre que cette complémentarité a du sens. Elle a été réelle quand il a fallu concevoir les projets, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à une véritable collaboration en termes de reconnaissance mutuelle et de partage d'informations sur le patient. Cette collaboration peut être facilitée par une formation ensemble, la construction de projets communs. Mais médecins et pharmaciens exercent des professions libérales et les comportements demeurent très « individualistes ».

Est-ce que tous les pharmaciens d'officine peuvent faire de l'éducation pour la santé ?

Oui, mais il existe deux obstacles à ne pas sous-estimer : le manque de temps et le manque de formation. En revanche, quand ces deux obstacles sont levés, l'étude montre que l'on peut faire de l'éducation pour la santé à l'officine. Tout se joue autour de la relation soignant/soigné. Le professionnel de santé doit pouvoir construire une relation faisant appel à la participation active du patient avec une confiance réciproque, une écoute active, une empathie. Il existe des techniques facilitant ce type de dialogue. Les pharmaciens sont capables de développer cette compétence et de modifier leurs pratiques dans ce sens. Mais cela implique que le pharmacien organise sa disponibilité et un espace dédié. On ne peut pas faire d'éducation pour la santé au comptoir.

* Institut national de prévention et d'éducation pour la santé.

L'éducation pour la santé expérimentée par les pharmaciens et les médecins sera présentée à Pharmagora par l'INPES le lundi 21 mars à 11 h 45 sur le plateau TV.

Une grande première entre médecins et pharmaciens

Il aura fallu quatre ans (2001 à 2004) à l'INPES et à l'Assurance maladie pour mener à bien une expérimentation conduite par des généralistes et des pharmaciens en matière d'éducation pour la santé auprès d'adolescents, de femmes enceintes et de personnes âgées. Généralistes, pharmaciens, éducateurs pour la santé et CPAM ont conçu et expérimenté des démarches d'éducation pour la santé dans cinq villes (Amiens, Lyon, Nîmes, Nord Isère et Rouen). Vingt médecins et quatorze pharmaciens ont suivi 185 personnes. L'approche était « populationnelle » et non pas en fonction du risque comme c'est le cas le plus souvent. Résultat : une démarche d'éducation pour la santé est réalisable par les professionnels de santé sous condition de formation, rémunération, appui d'une structure experte en éducation pour la santé, élaboration collective des projets, outils appropriés. « Il a fallu s'habituer à un langage spécifique, souligne Stéphane Bord, médecin généraliste rouennais. J'ai travaillé avec des adolescents et cela a profondément modifié mes rapports avec ces patients et surtout leur regard sur nous. Mais il faut une grande disponibilité, difficile au quotidien. » Les professionnels de santé ont été indemnisés pour le temps passé en réunion, formation et entretien prolongé avec les patients. « Nous avons tenu à cette rémunération. Même si elle était surtout symbolique, c'est un premier pas vers la reconnaissance de l'acte éducatif, explique Robert Pujol, officinal et membre du comité de pilotage national. Généralistes et pharmaciens se sont découverts et reconnus mutuellement. » Conséquence : le partage du dossier du patient s'avère indispensable. Les professionnels de santé impliqués ont modifié durablement leurs pratiques avec une approche plus globale du patient en tant qu'individu. Reste à réfléchir à l'intégration de ce type de démarche dans la pratique quotidienne, ce qui demandera une révolution !

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