Méga magot - Le Moniteur des Pharmacies n° 2570 du 19/02/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2570 du 19/02/2005
 

Actualité

Enquête

Propulsés sur le devant de la scène grâce au livre « Guérir » de David Servan-Schreiber, les oméga-3 préviendraient les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'inflammation, les dégénérescences rétiniennes et auraient même un effet sur la dépression. Découverte scientifique ou coup de pub ? Tout serait question de dose et de provenance.

Qu'est ce qui peut bien nous prédisposer, nous Occidentaux, aux maladies cardiovasculaires, au diabète de type II, à l'obésité ou aux troubles psychiques ? Réponse des épidémiologistes : notre alimentation, qui s'est progressivement appauvrie en oméga-3 et enrichie en oméga-6. Que sont ces fameux oméga ?

Oméga-3 et oméga-6 sont deux familles d'acides gras polyinsaturés essentiels. Polyinsaturés, car ils contiennent plusieurs doubles liaisons (selon la position de la première double liaison, les acides gras oméga-3 se distinguent des oméga-6). Essentiels, car l'organisme ne sait pas fabriquer les précurseurs de ces deux familles et est contraint de les puiser à l'extérieur.

Le chef de file de la famille des oméga-3 est l'acide linolénique, présent exclusivement dans le règne végétal. Ses dérivés sont l'acide eicosapentaénoïque et l'acide docosahexaénoïque. Dans l'organisme, l'acide linolénique se transforme au niveau du foie en acide eicosapentaénoïque et en acide docosahexaénoïque. Mais cette conversion physiologique est trop faible (moins de 1 %, sauf chez la femme enceinte où elle atteint 7 à 8 %) pour couvrir les besoins. D'où l'intérêt de rechercher également acides eicosapentaénoïque et docosahexaénoïque dans l'alimentation. Contrairement à l'acide linolénique, ces derniers ne sont pas fabriqués par les plantes supérieures mais par le plancton marin.

Le chef de file ou précurseur de la famille des oméga-6 est l'acide linoléique. Son principal dérivé est l'acide arachidonique. Mise à part une analogie structurale, les oméga-3 et les oméga-6 n'ont aucun lien de parenté. Aucune transformation métabolique ni substitution fonctionnelle n'est possible entre ces deux familles. En revanche, oméga-3 et oméga-6 partagent les mêmes enzymes métaboliques et entrent ainsi en compétition. Un excès d'apport en acide linoléique compromet la production d'acide eicosapentaénoïque et d'acide docosahexaénoïque à partir de l'acide linolénique.

Aucune limite de surdosage.

Pour un menu riche en oméga-3, les salades de mâche et de pissenlit seront assaisonnées d'huiles végétales de colza, de noix ou de soja riches en acide linoléique. La part belle sera également faite aux poissons des mers froides (saumon, sardine, hareng, thon, maquereau, anchois...). Grâce au phénomène de bioaccumulation, les chairs de ces poissons sont concentrées en acides eicosapentaénoïque et docosahexaénoïque que l'on trouve en début de chaîne alimentaire dans le plancton.

A côté de ces sources naturelles en oméga-3, certains produits issus d'animaux nourris avec de la farine de lin, la plante la plus riche en oméga-3 (oeuf, lait, viande), sont enrichis de ces acides gras. D'autres produits alimentaires sont enrichis directement grâce à l'adjonction d'huiles de poissons. Ainsi, un lait enrichi directement via un ingrédient riche en oméga-3 devient une « boisson lactée » alors que l'enrichissement indirect ne modifie pas la dénomination légale de vente.

Les apports nutritionnels conseillés (ANC) en acide linolénique sont fixés à 2 g par jour chez l'homme adulte et 1,6 g chez la femme adulte. Les apports conseillés en acide docosahexaénoïque sont de 0,12 g par jour chez l'homme adulte et 0,10 g chez la femme adulte. Or l'alimentation de la quasi-totalité des individus ne couvre pas l'ANC. La raison ? Notre alimentation s'est appauvrie en oméga-3 depuis que nous consommons des animaux nourris aux grains de maïs, et l'industrie a privilégié les huiles les plus stables, donc les moins riches en oméga-3 (tournesol, arachide).

Dans La Vérité sur les oméga-3 (éditions Odile Jacob), Jean-Marie Bourre écrit que, dans l'alimentation occidentale, le rapport entre oméga-6 et oméga-3 est de 15 à 50, alors que la valeur conseillée est de 5.

Teneur en oméga-3 des poissons en g/100 g

Aucune limite n'a été déterminée quant au surdosage en oméga-3. En revanche, une limite maximale d'apport (dose au-delà de laquelle l'intérêt nutritionnel n'est plus avéré) en acides eicosapentaénoïque et docosahexaénoïque a été établie à environ 2 g par jour.

Attention aux fausses allégations !

Au niveau neuronal, les oméga-3 entretiennent la fluidité des membranes et facilitent les connexions d'une cellule à l'autre. Au niveau rétinien, ils jouent un rôle dans la transduction du signal lumineux. Par ailleurs, ils exercent un effet antiagrégant plaquettaire, diminuent la viscosité sanguine et augmentent la déformabilité des hématies. Ils possèdent également un effet antiarythmique, stimulent le facteur de relaxation de l'endothélium, réduisent les triglycérides, augmentent le HDL-cholestérol et participent au processus anti-inflammatoire. Cet ensemble d'effets explique leur mise en avant dans différentes pathologies cardiovasculaires, inflammatoires et psychiatriques.

Seule l'allégation « participe au bon fonctionnement du système cardiovasculaire » est autorisée par l'AFSSA. Pour cela, le produit doit réunir trois critères : être « source d'acides gras oméga-3 » ou « riche en acides gras oméga-3 », participer au rééquilibrage des apports en acides gras oméga-3 et ne pas contenir plus de 150 mg de cholestérol (pour 100 g). Comme pour n'importe quel autre produit alimentaire, toute revendication relative aux propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie est interdite, sous peine de tomber dans le champ de définition du médicament par présentation.

Toutefois, les sujets dépressifs ont des taux significativement plus bas en oméga-3 que les sujets témoins, et l'intensité des symptômes dépressifs est corrélée à cette déplétion. De plus, le rapport oméga-6/oméga-3 est plus élevé chez les dépressifs. Une étude épidémiologique a également mis en évidence une relation inverse entre le contenu en DHA du lait maternel et le « baby-blues ».

Le mécanisme de l'effet antidépresseur repose sur deux arguments. Les oméga-3 incorporés dans les phospholipides membranaires participeraient à la plasticité neuronale, notamment au niveau des synapses, optimisant la fonction des récepteurs sérotoninergiques. Les oméga-3 pourraient aussi intervenir en modulant les interleukines pro-inflammatoires mises en cause dans la dépression. Même si les allégations des compléments alimentaires paraissent un peu fantaisistes, elles semblent reposer sur une vérité physiologique.

Marie-Hélène Bonfait : « Même une boîte de sardines peut faire l'affaire ! »

Doit-on consommer des oméga-3 même si l'on est en bonne santé ?

Oui. Le Programme national nutrition-santé a souligné l'importance de ces acides gras. L'apport quotidien nécessaire est évalué à 2 grammes par jour. Or, les enquêtes de consommation alimentaire montrent que nous ne couvrons que 30 à 40 % de nos besoins journaliers. En revanche, nous consommons des acides gras oméga-6 en excès. Ils ne sont d'ailleurs pas étrangers à l'augmentation de l'incidence de l'obésité car ils favorisent la multiplication des adipocytes.

Que faut-il envisager en pratique diététique pour recommander un bon rapport entre oméga-6 et oméga-3 ?

Il faut rééquilibrer ce rapport en abaissant notre consommation en oméga-6 et en augmentant l'apport en oméga-3, pour obtenir un ratio idéal de 5. En pratique, cela consiste à éliminer de notre alimentation l'huile de tournesol et à la remplacer par l'huile de colza ou l'huile de noix. L'huile de colza est la plus riche en oméga-3. Deux cuillères à soupe par jour couvrent 90 % des apports nutritionnels conseillés. Il faut aussi oublier les produits industriels tout prêts, trop riches en oméga-6, et faire une halte chez le poissonnier ! Tous les produits de la mer (crustacés, coquillages, poissons sauvages ou d'élevage, à condition que leur nourriture soit satisfaisante) sont d'excellentes sources en oméga-3. Même une boîte de thon ou de sardines font l'affaire !

Interview de Pilar Galan, directrice de recherche à l'INRA

Vous êtes coordinatrice de l'étude Su.Fol.OM3. Quel est son objectif ?

Savoir si un apport supplémentaire en folates, vitamines B6 et B12 et/ou en oméga-3 diminue la survenue de récidives de pathologies ischémiques chez des sujets coronariens avérés ou ayant présenté un accident vasculaire cérébral. C'est un essai de prévention secondaire.

Su.Fol.OM3 (pour « supplémentation en folates et oméga-3 ») est un essai d'intervention en double aveugle. N'y sont inclus que des sujets de 45 à 80 ans ayant présenté dans l'année écoulée soit un infarctus du myocarde, soit un syndrome coronaire aigu sans nécrose, soit un accident vasculaire cérébral. La cohorte des 1 700 patients recrutés à ce jour est randomisée en quatre groupes qui reçoivent quotidiennement soit des acides gras oméga-3 (acide eicosapentaénoïque/acide docosahexaénoïque) et un placebo, soit une association de folates, vitamines B6 et B12 et un placebo, soit l'association de folates, vitamines B6 et B12 et les oméga-3, soit deux placebos. La supplémentation est programmée pour cinq ans (de 2003 à 2008) à des doses nutritionnelles.

Le bénéfice des oméga-3 sur la mortalité cardiovasculaire n'est-il pas aujourd'hui prouvé ?

En l'état actuel des connaissances, nous avons de fortes présomptions. Mais il existe encore des chaînons manquants pour affirmer qu'il existe un lien de causalité. Les conseils alimentaires destinés à la population font l'unanimité. Mais en termes clinique et thérapeutique, il n'y a pas aujourd'hui de consensus sur la prise d'oméga-3 de façon systématique.

Quand seront connus les résultats de Su.Fol.OM3 ?

Le point de sortie est prévu pour 2008, avec une analyse intermédiaire en 2006. Si les résultats s'avèrent probants, l'étude sera interrompue afin qu'on ne retire pas leur chance aux patients inclus dans le groupe placebo d'obtenir un bénéfice lié à la prise d'oméga-3.

Pour en savoir plus : http://sufolom3.cnam.fr.

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