Les clefs du paradigme - Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004
 

INTERNATIONAL : OÙ SONT LES MEILLEURS SYSTÈMES DE SANTÉ ?

Cahier spécial

L'annuel

Les autorités sanitaires des pays industrialisés sont toutes confrontées à la même difficile équation. Comment permettre une équité d'accès aux soins tout en conservant un système de santé performant et en maîtrisant les dépenses de santé ? Trois grands modèles existent : les systèmes nationaux de santé, les assurances maladie et les sys tèmes libéraux. Tour du monde.

Les 30 pays de l'OCDE ont dépensé en 2001 des sommes records en soins de santé (en moyenne 8,3 % du PIB, soit un accroissement de 0,3 % par rapport à 2000). Les Etats-Unis, largement en tête, dépensent plus de deux fois la moyenne de l'OCDE (4 900 $ par personne contre 2 100 $).

Fiers que nous sommes de notre assurance maladie, nous lui pardonnons bien des défauts. Pourtant, un simple coup d'oeil à certains autres pays industrialisés suffit à en relativiser l'excellence. Trois grands modèles existent, par ordre décroissant d'implication du secteur public : les systèmes nationaux de santé (Royaume-Uni, pays scandinaves, Europe du Sud...), les assurances maladie (France, Allemagne, Japon...) ou les systèmes libéraux (Etats-Unis, Suisse, Irlande...). Les systèmes nationaux de santé sont entièrement contrôlés par l'Etat et financés par l'impôt. Pas de risques de dérapages financiers : il y a un budget à respecter. Au contraire des assurances maladie, dont ni les dépenses ni les recettes ne sont exactement prévisibles d'une année sur l'autre. Dans les systèmes nationaux de santé, l'impôt garantit une stabilité des ressources. Problème : les dépenses de santé augmentant sans cesse, ne restent alors que deux solutions : payer plus d'impôts ou tailler dans l'offre de soins. Le système libéral a opté pour une troisième voie : réduire l'implication de l'Etat à la portion congrue et laisser tout le reste au secteur privé.

La France, un « gros machin »

Les systèmes nationaux de santé procurent une couverture à 100 % pour tous sans conditions de revenus et toute la vie durant. La solidarité nationale joue à plein. Ce qui n'est pas le cas des assurances maladie basées sur la solidarité professionnelle et nourries par les cotisations des salariés et des entreprises. Dans un souci égalitaire, la couverture pour le risque maladie doit donc être étendue par des régimes dérogatoires. C'est l'exemple de la CMU en France : en 2000, seule 86 % de la population avait une assurance privée ou une mutuelle. La CMU a permis de faire grimper ce chiffre au-dessus de 90 %. Reste néanmoins un petit pourcentage exclu de tout remboursement en dehors du régime de base. « En France, un ouvrier sur dix n'a pas de mutuelle », déplore Bruno Palier, chercheur au Cevipof et div du « Que sais-je ? » sur La réforme des systèmes de santé.

Alors, l'assurance maladie à la française est-elle un « gros machin » pas si efficace que ça ? En 2000, l'OCDE la plaçait sur la plus haute marche du podium mondial. Et c'est certainement vrai en termes d'accès au soin : en France, la liberté à la fois du patient et du médecin est totale. Mais elle se paye. Les 9,5 % du PIB que nous dépensons annuellement pour notre santé en font aussi un des systèmes les plus chers au monde, derrière les Etats-Unis, la Suisse - deux tenants de la méthode libérale -, le Canada et l'Allemagne. Le coût moyen d'un système de santé efficace et généreux est de 8 % du PIB, chiffre auquel se tiennent à peu près la Suède, l'Italie ou la Norvège. A moins, assurés et praticiens doivent se restreindre. C'est le cas du Royaume-Uni. Paradoxalement, même en déboursant une part importante de son PIB, la France ne peut se targuer de résultats sanitaires hors du commun : un ouvrier français vit toujours cinq ans de moins qu'un cadre.

Les assurances maladie sont aspirées dans un cercle vicieux : les dépenses ne cesseront jamais d'augmenter alors que les recettes plafonnent, limitées par la démographie et la conjoncture économique. D'où un déficit galopant. Résoudre cette quadrature du cercle, c'est ce à quoi s'appliquent les gouvernements français depuis les années 70, sans y parvenir. La majorité des pays industrialisés faisant face aux mêmes problèmes, peut-être grappillerons nous quelques solutions en lorgnant sur la copie des autres ?

L'Allemagne, royaume des assureurs

Les assurances maladie allemande et française sont proches : chères et déficitaires. Dégainée fin 2003, la réforme Schröder est d'abord une rafale de tickets modérateurs (instauration de 10 Euro(s) par trimestre en médecine de ville, chose inédite jus-qu'alors) avec une salve également sur les médicaments : 10 % du prix sera dorénavant à la charge de l'assuré si il est compris entre 5 Euro(s) et 10 Euro(s), dans la limite de 2 % des revenus de l'assuré. Ajoutons-y des - nombreux - déremboursements de médicaments dits de confort et de certaines prestations (lunettes, lentilles, dents) ainsi qu'une augmentation du forfait hospitalier : les 420 caisses d'assurance maladie vont devoir se serrer les cordons de la bourse.

Les systèmes français et allemands sont frères, certes, mais pas jumeaux. Différence notable : les Allemands dont les revenus excèdent 3 375 Euro(s) par mois peuvent s'extraire de l'assurance maladie publique et passer au privé. Et ils n'ont que l'embarras du choix : l'Allemagne est le plus gros marché européen pour les assureurs privés. La réforme a également amené une grande nouveauté pour la pharmacie : « Les patients ont droit de se procurer des médicaments délivrés sur ordonnance auprès des pharmacies pratiquant la vente par correspondance ou via Internet dès lors que l'offre de ces dernières respecte les normes de sécurité allemandes », comme le précise le ministère allemand des Affaires étrangères. Une nouvelle brèche dans le monopole des officines !

43 millions d'Américains sans assurance maladie

Le système américain est une exception, un monstre produisant une mortalité infantile élevée (7,7 pour 1 000 naissances), de nombreux exclus et menant un train de vie somptuaire puisqu'il engouffre 14 % de son PIB. Avec d'un côté 8,4 millions d'enfants grandissant sans couverture sociale et de l'autre des cliniques privées dotées des équipements les plus modernes, force est de constater qu'il est à la fois le meilleur et le moins bon du monde. Cela ne tient qu'aux revenus du patient.

Les systèmes français et américain ont ceci de commun que le choix dans l'offre de soins est très libre : le patient décide, le praticien dispose. Mais là où la France a choisi de provisionner - à perte ! - par des cotisations salariales, le système américain a poussé la logique libérale jusqu'au bout, en laissant à une pléthore d'assureurs privés la charge que l'hégémonique assurance maladie française assume seule. Résultat : passé le choix de souscrire une bonne assurance privée à titre personnel ou par son employeur, reste l'embarras pour les autres. Et ils sont nombreux. Seules certaines franges de la population sont prises en charge par l'Etat avec les programmes Medicare (personnes âgées) et Medicaid (pauvres et chômeurs).

Quant à ceux qui ne sont ni vieux ni complètement démunis mais employés à temps partiel ou par des petites entreprises, soit 43 millions d'Américains, ils n'ont aucune couverture maladie !

Le Japon, empire sans pharmaciens

Le système de santé japonais est d'une épure très zen. Admirez plutôt : pas de généralistes, ni de spécialistes, ni de pharmaciens, au sens où nous l'entendons. Il n'existe pratiquement que des médecins omnipotents, qui se chargent du diagnostic, de la délivrance des médicaments et du suivi des patients. Tous les praticiens de ville sont donc propharmaciens ! Les médecins peuvent en outre hospitaliser certains patients dans leurs cabinets, qui servent alors de structures hospitalières légères d'une vingtaine de lits.

Le Japon dépense relativement peu d'argent pour son système de santé (7,2 % du PIB en 2000), alors qu'il présente des résultats sanitaires exceptionnels : la plus faible mortalité infantile du monde (3,2 décès pour 1 000 naissances) et une des plus grandes longévités. Mais l'hygiène de vie des japonais y serait aussi pour beaucoup. Le Japon combine parallèlement à des plateaux techniques de pointe la survivance du kanpô, la médecine traditionnelle. Le système est tourné vers ses aînés, en nombre grandissant dans l'archipel. La solution qu'a imposée en 2003 le gouvernement japonais pour faire face à l'accroissement des dépenses est le relèvement des tickets modérateurs : de 20 % à 30 % pour tous les salariés.

Les anglais ne paient pas le médecin

Bureaucratique et kafkaïen, le système anglais a très mauvaise réputation. Pourtant il ne souffrait que d'un mal : le manque de moyens financiers. Chose que Tony Blair s'est appliqué à résoudre en allouant au National Health System (NHS) une part croissante du PIB. Le budget a déjà gonflé de 10 % par an entre 2001 et 2004 et culminera à 9,5 % du PIB en 2010. Voilà de quoi remettre sur pied le NHS, auquel sont très attachés les Anglais : les patients ne déboursent rien, ni pour un médecin généraliste ni pour un spécialiste, le seul problème étant d'avoir un rendez-vous dans un délai raisonnable.

En pratique, tous les médecins sont fonctionnaires, seuls 200 spécialistes - basés majoritairement à Londres - pratiquent la tarification libre. Pour les médicaments, les patients s'adressent à l'une des 10 482 pharmacies de ville du Royaume-Uni, et paient un prix fixe de 6,2 livres par ordonnance. Les pharmacies sont remboursées du prix des médicaments directement par la NHS.

Le pays a récemment engagé un programme d'informatisation des dossiers médicaux de plusieurs milliards de livres. Les premiers seront en ligne dès fin 2004 et, d'ici à 2010, les 50 millions de patients du NHS devraient être répertoriés. Tout comme en Finlande, les dossiers comporteront tous les traitements et les prises en charge du patient.

La Chine se réveille enfin

Si la majorité des systèmes de santé des pays industrialisés sont maintenant bien rodés, d'autres pays ne sont qu'au début de la démarche. C'est le cas de la Chine, qui ne consacre que 2 % à 3 % de son PIB à la santé selon Médecins du monde, chiffre extrêmement faible. Est-ce que les dirigeants chinois suivront le raisonnement des sociétés occidentales au sortir de la guerre, qui stipulait qu'il ne pouvait y avoir de gain continu de productivité sans bien-être des ouvriers ? Rien de moins sûr pour l'instant tant les inégalités et les besoins sont gigantesques.

41 % des citadins ne peuvent encore accéder à des soins médicaux et la proportion est bien supérieure dans les campagnes. La res-tructuration qu'a amenée l'économie de marché a brisé l'ancien système de santé centré autour de l'unité de travail, le danwei. Même si le profil de mortalité en Chine ressemble à celui d'un pays industrialisé, 85 % à 90 % des décès sont dûs à des maladies non transmissibles et à des accidents, selon l'OMS, la tuberculose reste par exemple un problème majeur de santé publique. Elle représente, avec les maladies respiratoires et hépatiques (cancers du foie provoqués par le virus de l'hépatite B, en majorité), 6,5 % de la mortalité totale.

Autre axe délaissé par les autorités sanitaires chinoises : la prévention. L'empire du Milieu compte un quart des fumeurs dans le monde et, chaque année, la route y tue près de 100 000 personnes ! Pour la Chine et de nombreux pays en voie de développement, ne fait que commencer une longue marche vers le progrès social, car comme l'édicte la déclaration universelle des droits de l'homme : « Toute personne [...] a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse. »

Sources : Palier B., La réforme des systèmes de santé, coll. « Que sais-je ? », éd. PUF - Lambert D.-C., Les systèmes de santé, analyse et évaluation comparée dans les grands pays industriels, coll. « Economie humaine », éd. Seuil - Boyer S., Delesvaux C, Le risque maladie dans les assurances sociales : bilan et perspectives dans les PVD, CREDES 2000 - Les Réformes de l'assurance maladie en Europe, délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, rapport présenté en juin 2004 - Vers des systèmes de santé plus performants, rapport de l'OCDE, 2004 - Health care system in transition : Sweden, rapport de l'EOHCS, 2001 - Sandier S., Polton D., Systèmes de santé en transition : France, EOHCS, 2004 - Health care in eight countries : trends and challenge, EOHCS, 2002 ; Imai Yukata, Health care reform in Japan, Organisation de co-opération et de développement.

Suède : le paradis... des vieux

Vous voulez un aperçu du paradis ? On y trouve de bons résultats sanitaires pour un prix raisonnable (seulement 8,7 % du PIB !) et 100 % de la population couverte. Le système de santé suédois cumule les lauriers puisqu'il finit premier du classement de l'OCDE en 2002. Le tout est géré par les comtés, l'équivalent de nos Régions. Ce sont donc les impôts locaux qui financent les dépenses de santé. Les pays nordiques se sont d'ailleurs fait une spécialité de la décentralisation, la Finlande détenant une sorte de record en ce domaine puisque les soins sont gérés par les 448 municipalités du pays !

Le patient suédois peut choisir librement son médecin, et il aura à débourser de 11 à 15 Euro(s) de sa poche pour la consultation. La dispensation des médicaments est un monopole d'Etat : seule la Corporation nationale des pharmacies suédoises (Apoteket AB) en a la charge. Conséquence directe : tous les employés des 885 pharmacies suédoises, y compris les pharmaciens, sont salariés et fonctionnaires ! A des années lumière de nos conceptions libérales... Le système de santé suédois, exemplaire sur de nombreux points, aura néanmoins à affronter plusieurs défis à moyen terme : la réduction des délais d'attente et la prise en charge de ses aînés. Avec une personne sur cinq de plus de 65 ans, la Suède est le plus vieux pays du monde.

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