« Le TFR ne tue pas le générique » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004
 

INTERVIEW : NOËL RENAUDIN

Cahier spécial

L'annuel

Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), est désormais un interlocuteur direct de l'officine au plan économique. Notamment en matière de négociation sur les génériques et les TFR. Un interlocuteur... déterminé.

« Le Moniteur » : Le CEPS sort-il renforcé de la réforme de l'assurance maladie ?

Noël Renaudin : Je ne sais pas si c'est le mot. Il en sort modifié avec l'augmentation de la représentation de l'assurance maladie obligatoire et l'intégration d'un représentant des complémentaires, mais il demeure une administration de l'Etat, investie des mêmes missions. On peut aussi parler de simplification dans la mesure où certains types de décisions, qui étaient jusqu'alors formellement de la compétence des ministres, comme le TFR ou l'éventuelle fixation unilatérale de prix ou de tarifs, deviennent de simples décisions du comité. Mais les ministres conservent évidemment le pouvoir d'orienter l'action du comité.

Lors du dernier Pharmagora, vous prôniez déjà certains recours au TFR. Aujourd'hui, les menaces de TFR pèsent à la fois par le bas (groupes insuffisamment substitués) et par le haut (groupes où le générique a atteint sa vitesse de croisière). Quel est aujourd'hui votre degré d'autonomie pour appliquer ces règles ?

Je répète que le comité agit dans le cadre des orientations ministérielles. Elles sont connues sur ce point : pas de généralisation ; utilisation du TFR lorsque les économies attendues de la tombée des brevets ne peuvent pas ou ne peuvent plus être obtenues par la croissance des génériques. Dans ce cadre, le Comité prendra ses responsabilités.

Mais il y aura quoi qu'il arrive des TFR ?

Oui, bien sûr. La question n'est pas de savoir s'il y en aura, mais à quelle dose et à quel moment. Il est en effet évident qu'il y aura des groupes où la pénétration du générique ne suffira pas - ou ne suffira plus - à obtenir les économies nécessaires. Les principes de mise en oeuvre des TFR seront établis après concertation avec les opérateurs dans le cadre du groupe de suivi décidé par le ministre de la Santé et de la Protection sociale, et qui a déjà tenu une première réunion.

Pourtant il est avéré que le TFR nuit aux génériques...

L'objectif de l'Etat et de l'Assurance maladie n'est pas d'abord de promouvoir les génériques mais de réaliser les économies nécessaires à la restauration de l'équilibre des comptes sociaux. La croissance des génériques est une excellente méthode pour faire des économies ; elle sera donc protégée. Mais dans les cas où cette méthode ne suffit plus, c'est le besoin d'économies qui prime. Au demeurant, contrairement à ce que certains redoutaient, on sait aujourd'hui que le TFR ne tue pas le générique, même s'il en contrarie la croissance.

Les représentants des pharmaciens estiment que les TFR ne sont pas justes, notamment parce qu'ils toucheront d'abord les substitueurs. Que leur répondez-vous ?

Que ce n'est pas exact, car les marges réglementées sont les mêmes sur les princeps et sur les génériques, avec ou sans TFR. La baisse générale des marges qui résulte du TFR s'applique donc également à tous les pharmaciens. J'ajoute que les pharmaciens qui substituent et qui y trouvent - m'a-t-on dit - un avantage financier spécifique conservent cet avantage différentiel s'ils continuent à substituer après le TFR. Il est cependant vrai que les pharmaciens qui se sont donné du mal pour substituer ont été à l'origine d'un avantage collectif important et qu'il faut qu'ils restent mobilisés. Ils seront donc écoutés attentivement dans le cadre du groupe de suivi.

Les marges arrière sont de plus en plus sur la sellette. Concernant la pharmacie, c'est vous qui êtes en discussion directe sur le sujet avec les syndicats de pharmaciens...

Il n'y a pas de remise en cause de la légitimité de principe de la coopération commerciale comme rémunération contractuelle de services rendus par des pharmaciens à des laboratoires exploitants. Ce qui n'est pas acceptable - y compris mais pas seulement pour des raisons juridiques -, c'est le montant évidemment abusif de nombre de ces contrats avec la disproportion manifeste entre les montants et les services rendus par les pharmaciens. Il faut donc y mettre rapidement bon ordre. Je suis convaincu que les représentants de la profession savent que c'est leur intérêt et qu'ils contribueront activement à la recherche d'une solution.

Vu ces montants, s'agit-il de remises déguisées ?

Ce serait aux juges de le dire si on devait en arriver là. Mais je suis personnellement certain que oui et qu'il s'agit donc, sur le fond, d'infractions pénales à la réglementation des marges.

On annonce des baisses de prix des génériques. Faut-il s'attendre à des baisses générales ou seront-elles ciblées ?

Il s'agira toujours de baisses ciblées car un critère essentiel de ces baisses sera la comparaison avec les prix pratiqués dans d'autres pays, et, de ce point de vue, les situations sont très différentes.

Avez-vous un commentaire sur les stratégies employées par les laboratoires pour contourner les génériques ? A commencer par la dernière en date expérimentée avec Zyrtec.

L'analogue du Zyrtec, le Xyzall, a été inscrit avec un prix tel qu'il ne coûte pas plus cher à la collectivité que les génériques de la cétirizine. Le CEPS n'a pas de raisons d'empêcher ce type de produit de venir sur le marché, il a juste des raisons d'empêcher que ce soit une occasion de ne pas faire les économies que l'on pouvait attendre des génériques. Mais que, à coût égal, l'antihistaminique vendu soit du Xyzall ou de la cétirizine, ce n'est pas notre affaire. L'arrêt de commercialisation du Zyrtec est un sujet différent. Mais à mon avis une très bonne idée. Je ne vois pas en quoi le fait que ce médicament reconnu, avec une marque notoire, soit en vente libre à l'officine nuirait à l'assurance maladie - bien au contraire - ni aux patients à qui il reste possible de prescrire et de rembourser Xyzall, de la cétirizine, ou tout autre anti-H1 de service médical rendu équivalent.

Un milliard d'euros d'économies en 2007 sur le générique... Peut-on y arriver sans obliger les médecins à respecter l'accord de juin 2002 ?

On y arrivera d'une manière ou d'une autre. Il y a plusieurs manettes pour cela : celle que tout le monde préférerait, c'est qu'il y ait une telle progression des génériques que le milliard arrive spontanément. Mais ça ne suffira pas. Pour faire bon poids, il y aura donc des baisses de prix des génériques. Et du TFR dans les cas où ce sera nécessaire. Ce sera mieux bien sûr quand les médecins seront plus nombreux à prescrire des génériques, mais je ne crois pas qu'on doive ni qu'on puisse les y obliger. Ils le feront dans le bon usage de leur liberté de prescription parce que c'est l'intérêt général et que c'est leur intérêt de promouvoir des économies - qu'il faudra faire de toute manière - par une méthode qui n'a d'inconvénients ni pour eux ni pour leurs patients.

Faudra-t-il un jour aller vers un forfait à la classe thérapeutique pour certains produits ?

Je souhaite qu'on puisse l'éviter. Cette technique présente des risques du point de vue de l'égalité d'accès aux soins. Si on devait en arriver là, il me semble qu'un objectif voisin pourrait être atteint par une action directe sur les prix, mais c'est un sujet difficile.

Attendez-vous de l'élargissement européen qu'il influence les prix français ?

Non. Nous ne revendiquons pas les prix qui pourraient être pratiqués dans des pays dont le pouvoir d'achat est très inférieur au nôtre. Il est juste que la France paye les prix des pays riches, même s'il faut faire baisser ces prix dans les cas où ils sont objectivement trop élevés.

La Cour des comptes prône le développement des importations parallèles. Quelle décote de prix envisagez-vous de fixer pour des produits importés ?

Je pense qu'une décote de prix serait contraire au droit français de la fixation des prix comme au droit européen relatif aux entraves non tarifaires aux échanges. Mais il faudra que l'assurance maladie y trouve quand même son compte et nous prélèverons donc à son profit une partie de la marge des importateurs.

Le rapport Camdessus laisse entendre que le monopole pharmaceutique est une entrave à la concurrence par les prix. Mais pourrait-il y avoir en France concurrence par les prix en matière de produits remboursés ?

La cause essentielle de l'absence de concurrence par les prix sur les médicaments remboursés, ce n'est pas le monopole des pharmaciens, mais le fait que la plupart des assurés ne paient rien et n'ont donc aucun intérêt à rechercher un prix plus bas. Si les prescripteurs ou les assurés avaient un intérêt à payer moins cher, on pourrait se demander si l'organisation de la distribution est optimale pour faire fonctionner cette concurrence, mais pour l'instant ce n'est pas le cas.

Une charte de bonnes pratiques de la visite médicale est en cours d'élaboration avec l'industrie. Qu'en attendez-vous ?

La loi sur l'assurance maladie prévoit que soit négociée entre le CEPS et le Leem une charte sur la visite médicale. On en attend une amélioration de la qualité de la visite médicale et un meilleur service au médecin dans le sens du bon usage du médicament. Lorsque le bon usage veut qu'on consomme moins de médicaments, les volumes baisseront. Mais le bon usage peut aussi conduire à prescrire un produit plutôt qu'un autre, ce qui ne génère pas de baisse de volumes mais un meilleur soin.

Philippe Douste-Blazy a déclaré que l'on ne peut pas ignorer les investissements des firmes pharmaceutiques sur le sol français. Le CEPS en tient-il compte dans l'orientation des prix ?

Le CEPS agit en fonction des orientations ministérielles. Je rappelle sur ce point que, conformément à ces orientations, le comité accepte des prix de niveau européen pour les innovations les plus importantes et garantit ce prix pendant cinq ans au moins. Cette pratique ne peut être que favorable à l'attractivité de notre territoire.

Les objectifs d'économies à atteindre en 2007 vous semblent-ils réalistes pour chaque poste ?

Ces objectifs seront atteints, c'est certain. Mais le problème n'est pas seulement là. Il est aussi de veiller à ce que, dans le même temps, ces économies ne soient pas « compensées » par un accroissement excessif des ventes par ailleurs. C'est donc le résultat en termes de progression réelle des dépenses qui comptera. Il faut en particulier que, dès 2005, et mis à part bien entendu le passage en ville des EPO qui va entraîner mécaniquement un très gros transfert de dépenses de la rétrocession vers les officines, la croissance des ventes de médicaments remboursables soit de l'ordre de grandeur du taux fixé par le Parlement, soit 1%. Ce résultat peut être atteint, mais cela suppose qu'en plus du versant prix du plan d'économies, le bon usage du médicament progresse significativement.

Pouvez-vous rappeler votre calendrier pour les grands dossiers en cours ?

Pour la rétrocession et les produits onéreux de la tarification à l'activité, nous publierons les prix avant la fin de l'année. Pour les prix des génériques, les premières baisses seront aussi connues avant la fin de l'année. La deuxième étape de TFR sera décidée, comme annoncé par le ministre de la Santé, fin décembre ou tout début janvier. Les discussions conventionnelles avec les laboratoires pour les médicaments encore protégés par un brevet, mais qui commencent à avoir un peu d'ancienneté, vont actuellement bon train. La préparation des mesures à prendre sur les conditionnements a également démarré.

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