« L'industrie ne veut pas être une variable d'ajustement » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004
 

PARTENAIRES : INTERVIEWS

Cahier spécial

L'annuel

Le syndicat de l'industrie pharmaceutique (Leem) se bat sur tous les fronts. Que ce soit dans le domaine de la recherche, de la réforme de l'assurance maladie, des génériques ou encore des déremboursements. Avec une ligne directrice : être au coeur des débats. Interviews croisées de Pierre Le Sourd et Bernard Lemoine, respectivement président et vice-président délégué du Leem.

« Le Moniteur » : Quels sont vos objectifs aujourd'hui, un an après votre élection à la présidence du Leem ?

Pierre Le Sourd : Nous avons trois objectifs pour la rentrée. Le premier est de créer un statut de l'innovation (durée de protection, prix garantis...). Deuxième objectif : établir un corps de doctrine sur les éléments d'attractivité à mettre en oeuvre pour que le progrès thérapeutique continue de se faire en France. On ne peut garantir un accès aux soins de qualité s'il n'y a plus de recherche fondamentale et clinique dans le pays, d'autant que le médicament de demain nécessitera beaucoup de plateaux techniques, d'imagerie médicale, de tests génétiques... Troisième but: continuer d'ancrer le Leem dans la société de demain. Plus qu'un statut d'expertise technique, nous voulons être un acteur du débat sur la santé publique.

Le Leem, qui dénonçait le problème d'attractivité de la France, participe au Comité pour la compétitivité de l'industrie pharmaceutique installé par Jean-Pierre Raffarin. Vous avez donc été entendu ?

Pierre Le Sourd : Nous saluons les principes affichés. Le groupe constitué par le Premier ministre porte en germe des engagements. C'est un signal fort que le Premier ministre se saisisse de cette question au lieu de laisser place au libre jeu interministériel. Il va falloir donner un contenu à certaines décisions, ce que nous espérons pour le début de l'année prochaine.

Le gouvernement a annoncé une hausse de 200 millions d'euros de la contribution de l'industrie. Faut-il voir cela comme du « donnant-donnant » ?

Pierre Le Sourd : Non. La réforme de l'assurance maladie apporte des garanties de retour à l'équilibre (volonté de régulation, contribution, génériques) et elle peut également permettre à la France de redevenir un acteur majeur du progrès thérapeutique.

Bernard Lemoine : La Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui ont aussi des comptes sociaux et un déficit public à gérer, ont réussi à ne pas faire interférer les questions d'exigence de maîtrise et les questions d'attractivité. L'industrie ne veut pas être la variable d'ajustement mais une part du processus de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il ne faudrait pas que la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance maladie fasse porter l'essentiel de l'effort sur le médicament, qui représente 15 % des dépenses.

Le gouvernement mise sur les génériques pour faire des économies, en espérant notamment qu'ils deviennent 50 % moins chers que les princeps.

Pierre Le Sourd : S'il y a là une marge de manoeuvre et des économies complémentaires pour la collectivité, nous ne pouvons pas être contre. Mais il ne faut pas oublier que le milliard d'euros d'économies apporté par les génériques vient de l'industrie d'innovation et de ses efforts faits en recherche-développement il y a dix ou quinze ans.

Bernard Lemoine : La politique actuelle est de développer les génériques. Nous ne sommes pas pour autant favorables à une marche forcée avec un élargissement aveugle des TFR qui peut être incompatible avec le cycle de vie des médicaments.

Certains laboratoires ont mis des freins au développement des génériques. Or la réforme de l'assurance maladie a prévu de limiter les stratégies de lutte anti-génériques. Qu'en pensez-vous ?

Pierre Le Sourd : La loi a parlé d'alignement sur la législation européenne du générique. Nous en avons pris acte, même s'il ne faut pas sous-estimer l'impact de la tombée des brevets d'une série de produits dans le domaine public pour l'industrie de l'innovation. Soit environ 80 milliards de dollars sur le marché pharmaceutique mondial.

Bernard Lemoine : Le générique en France représente aujourd'hui 13 % du marché en volume et 7 % en valeur, une part qui va doubler dans les deux ans. Ce développement ne déstabilisera pas l'industrie si on soutient l'innovation par une politique de prix et d'autres mesures. Là, nous pourrons parler de politique gagnant-gagnant : développement des génériques d'un côté et développement de l'innovation de l'autre.

Les importations parallèles sont désormais légales en France voire même encouragées par la Cour des comptes. Est-ce une menace pour les industriels ?

Pierre Le Sourd : Il est difficile de définir exactement la place du commerce parallèle de l'étranger vers la France. L'entrée de dix nouveaux pays dans l'Union européenne et l'alignement de la France, par un décret récent, sur la législation européenne peuvent créer un appel pour l'importation, mais la menace est prématurée.

Bernard Lemoine : Le sujet fait débat au sein de la Commission de Bruxelles. On ne peut pas nier un risque d'accentuation de la vulnérabilité de la France par rapport au flux d'import-export. Il est cependant peu probable que les nouveaux pays adhérents aient les capacités industrielles propres à provoquer des flux importants.

Les déremboursements sont désormais liées à la Haute Autorité de santé, qui devrait normalement décider sur une base scientifique, en toute indépendance. Cela répond-il à vos souhaits de transparence des décisions ?

Pierre Le Sourd : Le Leem est contre les remboursements qui ne sont pas basés sur un avis scientifique indépendant, et opposé à tout déremboursement qui n'est pas dicté par un impératif de santé publique. Les produits concernés représentent 6 % des remboursements, mais l'enjeu sociétal est important car ils contribuent au bien-être de milliers de Français.

Bernard Lemoine : Attendons la fin du processus de réexamen devant la Commission de la transparence prévue au premier semestre 2005. Nous verrons ce que dira la Haute Autorité de santé, cela dit, le gouvernement n'a pas créé cet organisme pour traiter spécifiquement des médicaments à SMR insuffisant mais dans un objectif global d'augmentation de l'expertise en France. Nous serons attentifs à ce que les critères pris en compte et les décisions éventuelles soient dûment motivés.

Le Leem a depuis près de deux ans une volonté de communication auprès des associations de malades, du grand public... Quid des professionnels de santé ?

Bernard Lemoine : Il est essentiel de mieux faire connaître l'industrie du médicament. Les baromètres d'opinion traduisent aujourd'hui une bonne perception de nos campagnes, mais notre communication doit tenir compte de l'ensemble des acteurs de santé. Avec Santé en action, qui regroupe toute la chaîne du médicament, nous avons une réflexion permanente sur le bon usage du médicament. Une de nos récentes actions vise à limiter les effets indésirables liés au mésusage du médicament chez les plus de 65 ans. Au-delà de l'iatrogénie, nous avons également en cours une réflexion sur la polymédication. Les pharmaciens sont bien sûrs associés à ces réflexions en matière de bonne observance.

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