Gare à l'ingérence ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2548 du 11/09/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2548 du 11/09/2004
 

Actualité

Enquête

Conseiller privilégié, l'expert-comptable est aussi le plus souvent l'homme de confiance du pharmacien, voire le confident. Mais où s'arrêtent les limites de son pouvoir ? Portrait d'un professionnel des chiffres.

L'expert-comptable, c'est le médecin généraliste de l'entreprise !, compare un titulaire retraité. Le mien a suivi mon officine depuis sa création jusqu'à sa transmission, l'a aidé à vivre et à grandir. Je pouvais lui demander presque tout. » L'expert-comptable, homme clé de l'officine, est certainement le conseiller le plus proche du titulaire, tant sur le plan de son organisation comptable que sur des problèmes économiques, fiscaux, juridiques, financiers, sociaux ou encore patrimoniaux. Conseiller privilégié du titulaire, il est aussi le plus souvent son homme de confiance, à qui il a intérêt à ne rien cacher.

Comme la majorité de ses confrères, Jean Claeys, titulaire à Ailly-le-Haut-Clocher (Somme), confie la tenue de sa comptabilité à son expert-comptable. C'est la mission la plus connue, qui consiste à décharger le chef d'entreprise de l'enregistrement comptable des opérations, de l'élaboration des comptes de fin d'année et de l'établissement des déclarations fiscales et sociales. « Il m'apporte une sécurité et joue le rôle de garde-fou, explique Jean Claeys. Je l'emploie pour que l'entreprise tourne rond, et quand il constate que ce n'est pas le cas, c'est à lui de prendre les devants et de m'indiquer les mesures correctives à mettre en oeuvre. Par contre, quant tout se passe bien, il n'intervient que si je le sollicite. »

« C'est rassurant d'avoir un spécialiste des chiffres derrière soi qui vous alerte à la moindre fausse note », apprécie Nathalie Sebert, exploitant majoritaire d'une SELARL à Toufflers (Nord) depuis trois ans. Pour Alain Dulac aussi, pharmacien installé à Bourges (Cher), l'expert-comptable doit être le garant de la bonne marche de l'officine. « Son rôle est d'adresser des signaux quand il constate des dérapages dans la gestion de l'officine. » Un point sur lequel les attentes de cet officinal ne sont pas pleinement satisfaites : « Il intervient a posteriori, par la force des choses, après vérification et analyse des comptes annuels... Or il faudrait, pour bien faire, que son temps de réaction soit beaucoup plus court. »

Bien choisir son expert-comptable.

Aujourd'hui, rares sont les pharmaciens qui tiennent eux-mêmes leurs registres comptables ou disposent d'un comptable interne, limitant ainsi le recours aux services d'un expert-comptable au strict nécessaire. Il faut savoir, en effet, que les entreprises commerciales ont l'obligation de faire viser leurs déclarations de résultat par un expert-comptable. Mais, au-delà de la tenue ou de la vérification des comptes, c'est l'analyse que l'on peut en faire et les enseignements que l'on peut en tirer qui sont importants. « C'est là que notre rôle en tant que conseil prend toute son importance, souligne Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet ArythmA. Nous apportons à nos clients la sécurité dont ils ont besoin sur les plans administratif, comptable, financier, fiscal, juridique et social. »

Michel Watrelos, du cabinet Conseils et Auditeurs associés, estime que le conseil et l'assistance de l'expert-comptable doivent être présents à toutes les étapes de la vie professionnelle : « Notre rôle est primordial avant, pendant et après l'installation, en particulier au démarrage où il faut aider les jeunes diplômés à mettre le pied à l'étrier. » Pour Michel Watrelos, laisser à des non-spécialistes le soin de réaliser le montage financier initial peut, s'il se révèle hasardeux ou mal ficelé, porter un coup fatal à l'entreprise. A contrario, il estime qu'il est dangereux d'aller trop loin dans la mission de conseil et réprouve les immixtions de confrères dans la gestion du patrimoine privé ou la rédactions d'actes. « L'expert-comptable doit rester un professionnel de la comptabilité », martèle-t-il. Dominique Leroy, expert-comptable du cabinet Norméco, titulaire d'un DESS de gestion patrimoniale, considère au contraire que cette compétence « est très complémentaire du métier de base » et constate « une demande plus forte des pharmaciens en matière de conseils dans la gestion et le développement de leurs affaires professionnelles ou privées ».

Conseil ou gourou ?

« Mon expert-comptable n'est ni un conseil ni un gourou, analyse Bernard Pénicaud, titulaire à Niort (Deux-Sèvres). Je ne le rencontre qu'une heure par an, au moment de la clôture du bilan... Il s'en tient à sa mission de base et ne manifeste pas l'envie de m'apporter conseils et vision prospective. » Une attitude qui n'est pas vraiment surprenante : l'expert-comptable de ce pharmacien est un « généraliste ». Aujourd'hui, il songe à en changer au profit d'un cabinet spécialisé, mais pas forcément de proximité.

« Leurs études ne les ayant pas préparés à devenir des chefs d'entreprise, les pharmaciens font preuve d'humilité et ont la prudence de demander conseil avant d'agir ou d'investir, même pour l'achat d'une nouvelle croix de pharmacie, explique Bernard Fernandes, associé de la Sapec, un gros cabinet parisien (580 pharmacies dont 70 % à Paris et en Ile-de-France, 70 collaborateurs). Ils ne font rien sans notre bénédiction et notre conseil est suivi quasiment à 100 % ! »

Mais les professionnels des chiffres refusent de se considérer comme les « grands gourous de la pharmacie ». « Les pharmaciens sont de véritables chefs d'entreprise, ils gèrent des affaires de plus d'un million d'euros de CA en moyenne, du personnel, des stocks, des achats, investissent en matériel informatique et en agencement... », fait remarquer Michel Watrelos. Pour lui, s'il devait y avoir un grand gourou en pharmacie, ce rôle incomberait davantage à certains responsables de... groupement. Pour Olivier Delétoille, il ne fait aucun doute que le pharmacien est bien aux commandes de son entreprise. « La confiance n'empêche pas le contrôle. Les officinaux n'obéissent pas aveuglément et nous demandent de rendre des comptes. Et lorsqu'ils ne sont pas satisfaits de notre travail, ils ne se gênent pas pour nous le faire savoir. »

Dominique Leroy reconnaît tout de même que « l'expert-comptable contribue un peu à changer le pharmacien, mais sans jamais avoir d'emprise sur lui », à l'inverse de certains conseils en pharmacie « qui mettent la pression sur leurs clients pour les diriger dans un sens donné ».

Ainsi, dans certaines régions (en Normandie ou dans le Nord-Est par exemple), les experts-comptables sont à l'origine d'un nombre important de montages de SEL en cascade.

De leur côté, les pharmaciens ne sont pas prêts à lâcher les manettes. « Sans pour autant se substituer à nous, l'expert-comptable peut avoir un avis prépondérant sur des sujets importants comme le passage en SEL ou les investissements professionnels, souligne Alain Dulac. Aussi précieux soit-il, « l'expert-comptable sera toujours un salarié de l'officine et le titulaire fera toujours ce qu'il a envie de faire », considère Jean Claeys. Jeune titulaire, Nathalie Sebert a besoin d'une conduite accompagnée. « S'il n'y avait que moi, j'appellerais chaque fois mon expert-comptable avant de prendre une décision », confesse-t-elle, ce qui n'est pas dans les habitudes de son associé, plus âgé. Si consultation il y a, « elle se déroule toujours sous la forme d'une discussion et d'un échange, et malgré la confiance que j'accorde à mon expert-comptable, je reste le maître à bord », précise-t-elle.

Fidélité.

Reste qu'il faut pouvoir se sentir bien avec son expert-comptable, car la qualité de la relation repose en grande partie sur une confiance et une estime réciproques. Si ces conditions sont réunies, il est rare que les pharmaciens changent de crémerie, même si, dans le cadre de leur parcours de titulaire, ils sont amenés à changer de lieu d'exercice. « Les pharmaciens sont d'une fidélité extraordinaire si vous leur rendez service », constate Bernard Fernandes. « Ils n'hésitent pas à suivre leur expert-comptable si celui-ci change de cabinet », confirme Olivier Delétoille. Il n'y a donc pas de concurrence farouche entre les cabinets spécialisés en pharmacie. « Les principaux apporteurs de nouvelles affaires sont nos propres clients qui vantent les services de notre cabinet à d'autres confrères, et la meilleure façon de toucher la profession reste encore l'aide à la première installation des jeunes diplômés », ajoute Bernard Fernandes.

A savoir

- L'expert-comptable doit vous présenter toutes les missions qu'il peut assurer et préconiser celle la mieux adaptée à votre situation et à vos objectifs. La décision vous appartient. De son côté, l'expert-comptable conserve la possibilité de refuser la mission si elle lui semble inadéquate.

- L'expert-comptable doit, au préalable, rédiger une lettre de mission présentant les prestations proposées au client et les conditions financières. Elle devra également rappeler les normes générales de la profession ainsi que les normes spécifiques relatives à la mission qu'il propose.

- L'expert-comptable engage sa responsabilité pour les travaux qu'il exécute. Toutefois, celle-ci ne saurait se confondre avec celle de dirigeant. Elle ne peut être mise en cause que s'il a commis une faute dans l'exercice de ses fonctions et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute commise et le préjudice subi.

- Ce professionnel des chiffres a une obligation de moyens et non de résultats. Il peut se faire assister par ses associés, des collaborateurs salariés ou des experts indépendants. Il peut déléguer une partie de ses travaux mais doit conserver la maîtrise de l'exécution et la responsabilité finale de sa mission.

- En tant que membre d'une profession libérale, il se doit d'exercer ses fonctions dans le respect des règles de déontologie définies par la profession. Comme son client pharmacien, il est inscrit à un ordre professionnel. En cas de litige, vous pouvez demander au conseil régional de l'ordre des experts-comptables d'intervenir en conciliation ou en arbitrage, ce qui évitera la voie judiciaire.

Entre 7 500 et 12 000 euros d'honoraires annuels pour une pharmacie moyenne

Les services rendus par l'expert-comptable sont rémunérés sous forme d'honoraires, librement convenus avec son client, et exclusifs de toute autre rémunération, même indirecte. Les barèmes sont d'ailleurs interdits. La mission étant contractuelle, tout doit être précisé dès le départ dans la lettre de mission, à laquelle il est recommandé d'annexer une répartition précise des travaux à effectuer par l'expert-comptable d'une part et son client d'autre part.

Les tarifs horaires peuvent donc varier sensiblement selon la nature de la prestation : « 25 à 30 Euro(s) de l'heure pour la tenue de la comptabilité, 60 à 80 Euro(s) de l'heure pour l'établissement et la révision des comptes, 100 à 160 Euro(s) de l'heure pour une mission de conseil qui, huit fois sur dix, concerne le passage en SEL, la gestion des difficultés ou la préparation de la vente de l'officine », explique Olivier Delétoille.

Selon lui, il faut compter environ 150 heures de travail par an pour une pharmacie moyenne (un million d'euros de chiffre d'affaires et employant quatre ou cinq salariés), rien que pour la tenue de la comptabilité, la révision annuelle des comptes, la déclaration d'IR et des charges sociales, l'établissement des bulletins de paie, le tableau de bord, les conseils... Soit une facture annuelle comprise entre 7 500 et 12 000 Euro(s) environ.

1 850 pharmaciens adhèrent aussi à un centre de gestion

Un certain nombre de pharmaciens n'hésite pas à faire appel parallèlement à un centre de gestion agréé (CGA). Son rôle : apporter une assistance et une aide à la gestion moyennant une cotisation annuelle de 250 euros hors taxes. « Deux avis valant mieux qu'un, les pharmaciens viennent nous voir pour conforter les dires de leur expert-comptable », affirme Reine Masson-Diarra, directrice du CGA national des pharmaciens d'officine, auquel adhèrent 1 850 pharmaciens.

Indépendamment des avantages fiscaux inhérents à l'adhésion, cette structure fournit une fois l'an à chaque adhérent un dossier de gestion où figurent tableaux comparatifs des bilans et comptes de résultat, ratios caractérisant la situation économique et financière de son officine, une étude personnalisée faisant l'analyse et la synthèse de ses résultats, des outils de veille économique permettant une analyse comparée des différents chiffres obtenus. Au sein du CGA, des experts-comptables offrent leurs compétences et des conseils en gestion. Ils ne tiennent pas la comptabilité des adhérents mais vérifient la vraisemblance et la cohérence des déclarations fiscales. Des formations sont également proposées.

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