La menace alimentaire - Le Moniteur des Pharmacies n° 2547 du 04/09/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2547 du 04/09/2004
 

ALLERGIES

Actualité

Enquête

Plus de 3 % des adultes et 8 % des enfants sont victimes d'allergies alimentaires dans notre pays. Et ces chiffres ne cessent d'augmenter d'année en année. Face à ce problème de santé publique, le pharmacien a un rôle intéressant à jouer, tant sur le plan commercial que de l'information.

Déguster des fruits de mer, des fraises ou un simple dessert au kiwi n'est pas toujours synonyme de plaisir des papilles. Pour les personnes allergiques à certains aliments, cela peut en effet tourner au cauchemar. A chaque écart, à chaque erreur au cours d'un repas ou d'une collation la sanction tombe, rapide et systématique : une dermatite, un choc anaphylactique voire la mort. Pour les patients, cela suppose donc une organisation quotidienne extrêmement rigoureuse car il leur faut s'assurer de l'absence de substances dangereuses dans tous les ingrédients, aussi bien dans les plats préparés que dans les sauces et les liants.

2,1 % à 3,8 % de la population française serait concernée selon une étude publiée en 2001 par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Et la fréquence tendrait à augmenter d'année en année. Entre 1982 et 1995, les formes sévères auraient été multipliées par cinq ! Attention, il s'agit bien là d'allergies alimentaires et non de l'ensemble des réactions adverses consécutives à la prise d'aliments, de type intoxications et intolérances.

« Tous les allergologues avertissent depuis dix ans d'une augmentation des manifestations cliniques d'asthmes, de rhinites allergiques, de dermatites atopiques induites par la nourriture », indique Sébastien La Vieille, médecin de santé publique, épidémiologiste à la Direction de l'évaluation des risques nutritionnels et sanitaires de l'AFSSA. Généralistes et spécialistes constatent également que le nombre de consultations pour allergies flambe, particulièrement en pédiatrie. Car si elles sont présentes à tout âge, les allergies alimentaires touchent plus particulièrement les moins de 15 ans : 8 % seraient atteints !

Autre indicateur de cette flambée allergique : la consommation d'antihistaminiques systémiques. D'après les statistiques de l'assurance maladie, on a observé en 2002 une dépense de 132 millions d'euros, soit une hausse de 3,6 % par rapport à 2001. Cette progression des remboursements des médicaments antiallergiques pourrait être en partie imputable à des problèmes alimentaires. « Mais pour pouvoir affirmer avec certitude que le nombre de malades s'élève, une seconde enquête de grande envergure (30 000 personnes) serait nécessaire », précise toutefois Sébastien La Vieille. Enfin, comme le fait remarquer Céline Menetrey, allergologue au CHU de Limoges, « il faut tenir compte d'un meilleur dépistage et d'une meilleure prise en charge médicale. Les allergologues sont plus vigilants sur ce dossier qu'auparavant ». Les chiffres de prévalence constatés aujourd'hui s'expliqueraient aussi en partie par une plus grande vigilance des professionnels de santé.

Un problème récemment pris en compte.

Prévalence non négligeable, altération du mode de vie des patients, pronostic vital potentiellement mis en jeu, il n'est pas illégitime de parler de réel menace de santé publique. Sans pour autant dramatiser, les allergies alimentaires, longtemps mésestimées, doivent aujourd'hui être considérées avec la plus grande des attentions. Plusieurs centres hospitaliers universitaires l'ont compris et dans les services d'allergologies on trouve de plus en plus de spécialistes des allergies alimentaires. A Toulouse et à Nancy notamment, on s'intéresse depuis quinze ans au sujet.

Le CICBAA (Cercle d'investigation clinique et biologique en allergie alimentaire) est né de cette préoccupation en 1993. Ce véritable observatoire regroupe l'essentiel des allergologues sensibilisés au thème. Ses publications, via la revue Alim'Inter, font référence dans l'Hexagone. Médecins non allergologues, diététiciens et personnels de santé mais aussi représentants des associations de patients s'y sont d'ailleurs rattachés sous la forme de l'association des Amis du CICBAA. Tous peuvent y trouver des renseignements pratiques précieux.

Car une fois les observations scientifiques publiées, encore faut-il qu'elles parviennent aux patients. Comme le reconnaît Daniel Piveteau, membre de l'Association française pour la prévention des allergies (Afpral), l'une des plus actives en France, « beaucoup reste encore à faire en matière d'information mais nous essayons d'informer au mieux la population, en relation avec les médecins et les industriels. Petit à petit, les choses bougent. Des aliments sûrs, spécialement élaborés pour les allergiques, sont maintenant disponibles. La loi sur l'étiquetage a changé. Soyons tout de même vigilants, continuons notre travail et tâchons d'alerter le grand public dès que nécessaire ».

L'information est en effet essentielle car, ne l'oublions pas, nourrisson ou quinquagénaire, homme ou femme, tout le monde est une victime en puissance. Mais pas forcément aux mêmes aliments. Les allergènes changent avec l'âge. Avant quinze ans, ce sont les produits d'origine animale, c'est-à-dire le lait, l'oeuf, les viandes, le poisson ou les crustacés, qui sont fréquemment en cause : 53 % des cas. Le champion toute catégorie étant l'oeuf, incriminé dans plus d'un tiers des cas. Mais la consommation d'arachide pose de plus de plus de problèmes, avec déjà près d'un quart des allergies alimentaires pédiatriques à son actif. « L'introduction récente d'aliments exotiques dans nos assiettes ne laisse rien présager de bon, si ce n'est l'allongement de la liste des allergènes » ajoute Céline Menetrey.

En outre, deux facteurs préoccupent les pédiatres : l'accroissement des polysensibilisations, c'est-à-dire des allergies alimentaires impliquant simultanément plusieurs aliments, et l'apparition de plus en plus précoce des sensibilités à l'arachide. Cette dernière devient prédominante à partir de trois à six ans et, contrairement à l'allergie aux protéines de lait de vache, elle ne guérit que rarement. « C'est donc un problème qui, dans les années à venir, risque de se perpétuer sévèrement sur la population adulte. »

Chez l'adulte justement, les végétaux (fruits et légumes) sont le plus souvent incriminés (84 %). La fréquence de ce type d'allergies augmente avec l'âge, parallèlement à l'acquisition de la sensibilisation pollinique. Latex (kiwi, avocat, banane...), rosacées (abricot, pêche, poire, pomme...), ombellifères (carotte, céleri, persil...), noix et arachide : les fruits de ces cinq groupes d'aliments sont responsables de 50 % des allergies alimentaires chez l'adulte.

La dernière décennie a vu une forte progression des allergies au latex, désormais à la seconde place, et celles, plus récentes, au sésame. Une modification des habitudes expliquerait en partie ce constat. En effet, le risque allergique dépend évidemment beaucoup de ce que l'on mange. C'est le principe du « Dis moi ce que tu cuisines je te dirai à quoi tu vas réagir ». Quasiment chaque pays présente sa spécificité. Ainsi, au Japon, les réactions au riz sont particulièrement élevées, tandis que dans les pays nordiques c'est le poisson qui est le plus fréquemment incriminé.

L'industrie agroalimentaire en partie responsable.

Hormis les traditions culinaires vernaculaires, diverses suppositions ont été avancées pour expliquer l'envolée de ces allergies. Parmi elles, les technologies agroalimentaires. L'emploi croissant de protéines comme additifs ou auxiliaires de fabrication constituerait un risque d'introduction d'allergènes masqués potentiellement anaphylactogène. Arômes, liants, huiles végétales, autant de produits qui renfermeraient des allergènes « invisibles » mais néanmoins nocifs.

L'exposition précoce des nourrissons à une plus grande variété d'aliments est aussi montrée du doigt. Si pendant longtemps on a recommandé une diversification avant quatre mois, aujourd'hui tous les spécialistes sont unanimes : dans l'absolu, l'idéal est d'allaiter pendant les quatre premiers mois puis d'introduire lentement et graduellement lait de vache, légumes, fruits, viandes, céréales...

N'oublions pas comme autres hypothèses les modifications comportementales telles que l'utilisation du biberon aux dépens de l'allaitement ou encore l'internationalisation de l'alimentation qui a vu arriver dans nos assiettes le kiwi ou le sésame responsables aujourd'hui de 4,4 % des allergies chez l'adulte contre 0,7 % il y a quelques années. L'exposition à une nourriture inhabituelle ne requiert pas nécessairement la traversée des océans. A preuve la flambée des allergies en ex-Allemagne de l'Est suite à la chute du mur de Berlin.

Une veille de tous les instants.

La multiplication des sites Internet, des articles dans la presse grand public, des émissions télévisées consacrées au sujet mais aussi les plats spécifiques et l'étiquetage plus précis participent à améliorer la qualité de vie, souvent altérée, des patients. Car pour le malade, allergie signifie éviction de certains aliments. La socialisation et l'intégration, surtout chez l'enfant, n'en sont que plus délicates. Restaurants, cantines, goûters chez les copains sont des lieux à risque. Suivre les règles diététiques demande donc une motivation importante et une organisation drastique.

Si tout n'est pas encore parfait, il faut noter que les industriels ont dû s'adapter à la demande d'une plus grande clarté des étiquetages sur les produits alimentaires. Fini la règle des 25 % qui n'obligeait l'indication des composants d'un ingrédient complexe - et donc d'allergènes potentiels - que s'ils représentaient plus du quart des substances présentes. La directive européenne publiée le 25 novembre 2003 contraint dorénavant à notifier la présence des allergènes les plus courants (voir encadré p. 26), quelle que soit leur proportion. A partir de cette date, les industriels de l'agroalimentaire ne pourront plus fabriquer des boissons ou aliments non réglementaires sur le plan de l'étiquetage. En revanche, ils pourront encore écouler leurs stocks pendant un an. « Reste que beaucoup d'aliments, notamment des produits artisanaux, ont des compositions qui demeurent floues et que le lupin, les épices de la famille des ombellifères (coriandre et graine de fenouil) et le curry (mélange variable de différentes épices) ne figurent pas dans la liste », regrette Daniel Piveteau.

Un rôle à jouer pour les pharmaciens.

Dans un tel condiv, le pharmacien peut tenir une place intéressante. Et participer plus activement au développement de l'information sur les allergies alimentaires et sur l'alimentation des jeunes enfants. D'aucuns pourraient arguer que les pédiatres et plus généralement l'ensemble du corps médical s'en chargent et que les pharmaciens ne sont pas les derniers à rappeler aux parents l'intérêt d'une diversification lente et progressive. On pourrait par exemple envisager de mettre à disposition du grand public des plaquettes informatives et des recommandations simples, éditées par des associations ou des organismes officiels. Cela se fait déjà dans nombre d'officines pour les pathologies courantes, il n'y a donc pas de raisons pour que les allergies alimentaires ne puissent, elles aussi, trouver un écho favorable auprès de la profession officinale.

Pour la population générale, cela permettrait de mieux connaître l'ampleur du problème et pour les groupes à risque d'avoir connaissance des dernières avancées médicales. L'information favoriserait aussi la disparition d'idées reçues ou de pratiques sans intérêt comme l'usage des laits hypoallergéniques pour les enfants allergiques aux protéines de lait de vache. Les laits hypoallergéniques sont uniquement des produits de prévention et non une thérapeutique de substitution. Leur but : empêcher la survenue de manifestations allergiques lorsqu'il existe un terrain à risque familial. Seuls les laits sans protéine (Neocate) ou ceux ayant subi une hydrolyse extensive des protéines (Alfaré, Pepti-Junior, Galliagène Progress, Nutramigen, Pregestimil) sont indiqués aux nourrissons allergiques.

Autre possibilité pour le pharmacien de s'investir : vendre des aliments sans allergènes. Bruno Pierre, créateur de la société Valpiform (spécialisée dans les aliments pour personnes allergiques ou intolérantes sous la marque Allergo), annonce une progression annuelle de 25 % de son chiffre d'affaires. C'est beaucoup mais « il faut relativiser car, en France et en Europe, peu d'entreprises comme la nôtre se sont inscrites sur ce marché. La demande est importante mais l'offre est faible. De plus, il faut bien différencier intolérances au gluten et allergies ». Cette distinction est essentielle car depuis 1996 certains aliments pour personnes intolérantes au gluten sont remboursables et facilement disponibles en officine. En revanche, le marché de l'allergie est plus récent, ne bénéficie pas de prise en charge et surtout il est plus anecdotique en termes de volume présent et vendu en pharmacie.

Un nouveau marché pour l'officine.

Pour se rapprocher des consommateurs les circuits de distribution ont évolué. Au départ, la vente par correspondance représentait l'essentiel des ventes. Aujourd'hui, seulement 20 %. « Nous avons voulu être encore plus proches des patients et sommes aujourd'hui référencés dans des grandes surfaces (Casino, Monoprix et quelques indépendants), les hôpitaux, les magasins de diététique et les pharmacies », précise Bruno Pierre. Mais l'officine ne représente toutefois que 3 % du chiffre d'affaires de Valpiform.

Pourtant les pharmacies semblent mieux placées que les autres secteurs de distribution pour détecter les personnes allergiques. La lecture de l'ordonnance et le dialogue suffisent à connaître la nature de la pathologie. Alors pourquoi une activité officinale aussi confidentielle dans ce domaine ? Peut-être parce que ce sont des produits avec une date de conservation courte (de 6 à 18 mois), ou encore qu'ils sont volumineux et demandent un facing important ou bien que leur valeur ajoutée est faible. On peut supposer aussi que beaucoup d'officinaux ne connaissent pas la possibilité de vendre ces aliments. « Notre politique est tournée vers le consommateur. S'il voit un intérêt à s'approvisionner en officine, nous développerons cette activité », assure Bruno Pierre. Fleuriraient alors sur les comptoirs cakes, substituts d'oeuf, biscottes, chocolats, coquillettes et autres pâtes pour pain et pâtisseries sans blé, oeuf, lait ou arachide.

La Pharmacie Maillol, à Toulon, a déjà fait le pari depuis plusieurs années de mettre en place un rayon diététique pour les personnes intolérantes et allergiques à certains aliments. Le but était de diversifier l'activité et de répondre à la demande des clients. A priori, madame Souche, la titulaire, ne le regrette pas : « Les produits sont nombreux et de bonne qualité et nous constatons une augmentation de nos ventes. »

A retenir

2,1 % à 3,8 % de la population française serait concernée (AFSSA, 2001).

Les moins de 15 ans sont les plus atteints (8 %).

Avant 15 ans, ce sont les allergènes d'origine animale (lait, oeuf, viandes, poisson, crustacés...) qui sont le plus souvent en cause. Chez l'adulte, il s'agit au contraire des allergènes d'origine végétale.

Les dernières années ont vu une hausse des allergies dues à l'arachide, au kiwi et au sésame.

Les principales causes : diversification précoce de l'alimentation chez le nourrisson, emploi croissant d'additifs ou d'auxiliaires de fabrication par l'industrie agroalimentaire, internationalisation de l'alimentation...

Depuis novembre 2003, les allergènes les plus courants doivent impérativement être mentionnés sur l'étiquette du produit, quelle que soit leur concentration.

A savoir

Sites Internet utiles

- CICBAA (Cercle d'investigation clinique et biologique en allergie alimentaire) : http://www.cicbaa.org

- Afpral (Association française pour la prévention des allergies) : http://www.prevention-allergies.asso.fr

- Valpiform (vente d'aliments destinés aux allergiques) : http://www.allergofrance.com

Les ingrédients dont la mention est obligatoire sur l'étiquetage

La directive européenne en date du 25 novembre 2003 contraint les industriels à notifier la présence des allergènes les plus courants, quelle que soit leur proportion. Auparavant, l'obligation ne concernait que les composants représentant plus du quart des substances présentes. La mention obligatoire concerne les :

- Céréales contenant du gluten (à savoir blé, seigle, orge, épeautre, Kamut ou leurs souches hybridées) et produits de base de ces céréales.

- Crustacés et produits à base de crustacés.

- OEuf et produits à base d'oeuf.

- Poisson et produits à base de poisson.

- Arachide et produits à base d'arachide.

- Soja et produits à base de soja.

- Lait et produits à base de lait (y compris le lactose).

- Fruits à coque, à savoir amandes (Amygdalus communis L.), noisettes (Corylus avellana), noix (Juglans regia), noix de cajou (Anacardium occidentale), noix de pékan [Carya illinoiesis (Wangenh.) K. Koch], noix du Brésil (Bertholletia excelsa), pistaches (Pistacia vera), noix de Macadamia et noix du Queensland (Macadamia ternifolia) et produits à base de ces fruits.

- Céleri et produits à base de céleri.

- Moutarde et produits à base de moutarde.

- Graines de sésame et produits à base de graines de sésame.

Un patch pour détecter les allergies aux protéines de lait de vache

Disponible en officine depuis quelques semaines, Diallertest est le premier test ambulatoire de tolérance aux protéines de lait de vache. Destiné aux enfants et aux nourrissons, il se présente sous la forme de deux patch-tests : un témoin et un autre chargé de lait en poudre. Les parents appliquent les deux systèmes transdermiques sur la peau et les laissent en place pendant 48 heures. 72 heures après la pose, le médecin effectue la lecture. S'il est positif, il préconisera l'éviction totale des protéines de lait de vache.

Diallertest permet la détection des réactions retardées de l'allergie aux protéines de lait de vache, les plus fréquentes, non liées aux IgE, mais pas des allergies immédiates. Il complète et enrichit donc les méthodes déjà existantes. Cependant, certains allergologues s'inquiètent déjà de l'absence de formation des généralistes. Sur le site http://www.allergique.org, on peut lire que « la lecture d'un patch-test est délicate pour faire la part entre allergie et irritation. [...] Nous craignons que l'absence de formation à la lecture de ce type de test ne conduise à des erreurs graves sur le plan diagnostique ».

Enfin, comme le précise le Dr Pierre-Henri Benhamou, qui a participé à sa mise au point, Diallertest ne permet pas de détecter une allergie au lait de vache avant qu'un bébé n'en consomme.

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