La spondylarthrite ankylosante - Le Moniteur des Pharmacies n° 2540 du 12/06/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2540 du 12/06/2004
 

Cahier formation

l'essentiel Rhumatisme inflammatoire chronique, la spondylarthrite ankylosante se manifeste de préférence chez l'adulte jeune. Cette affection pour laquelle un gène est identifié met aussi en cause des micro-organismes et l'inflammation intestinale. L'inflammation qui la caractérise atteint l'axe de l'appareil locomoteur engendrant des douleurs, un enraidissement, de la fatigue et des signes non rhumatologiques. Le traitement d'une spondylarthrite ankylosante repose sur un abord pluridisciplinaire. Outre l'éducation du patient, une kinésithérapie et une prise en charge médicamenteuse sont nécessaires. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont le traitement de choix pour ces patients habitués à en moduler les doses selon l'intensité de leurs symptômes. L'arrivée des anti-TNF-alpha a permis de progresser dans la prise en charge des formes réfractaires de la maladie.

ORDONNANCE : Un patient atteint de spondylarthrite ankylosante

Monsieur M., 35 ans, est suivi depuis sept ans pour une spondylarthrite ankylosante. L'évolution de sa maladie amène le rhumatologue à adopter une nouvelle stratégie thérapeutique, associant Novatrex, Chrono-Indocid et Cartrex. Afin de limiter la toxicité gastrique des AINS, un traitement par Mopral est ajouté.

LA PRESCRIPTION

Docteur Jean Laveir

Hôpital Pasteur

Service de rhumatologie

94130 Nogent-sur-Marne

Tél. : 01 41 29 75 78

94 3 99999 8

Le 2 juin 2004

M. Luc M.

35 ans, 75 kilos, 1,81 m

-#gt; Cartrex 100 mg : 1 comprimé le matin.

-#gt; Chrono-Indocid 75 : 1 gélule le soir.

-#gt; Mopral 20 mg : 1 gélule par jour.

-#gt; Novatrex : prendre 1 comprimé la 1re semaine, puis 2 comprimés en une seule prise la 2e semaine, puis 3 comprimés en une prise la 3e semaine. A partir de la 4e semaine, prendre 4 comprimés en une seule prise chaque semaine.

qsp 1 mois.

LE CAS

Ce que vous savez du patient

- Monsieur M., 35 ans., est suivi depuis sept ans pour une spondylarthrite ankylosante. Il est pris en charge à l'hôpital dans un service d'immunorhumatologie.

Les premiers signes de la maladie ont été des douleurs, de type inflammatoire, cervicales et lombaires, évoquant une sciatique et l'apparition d'une raideur matinale malgré la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens.

L'historique médicamenteux du patient conservé à l'officine est assez complet. Il a reçu un premier traitement anti-inflammatoire par diclofénac (Voltarène) au long cours en association avec une kinésithérapie régulière. Devant l'efficacité modérée de ce traitement, il a ensuite été traité par des gélules d'indométacine (Indocid) et des comprimés de sulfasalazine (Salazopyrine).

Ce dont le patient se plaint

- Depuis quelque temps, le patient se plaint d'acouphènes importants et de douleurs articulaires le matin au réveil.

- Ce que le rhumatologue lui a dit

Le médecin a attribué les acouphènes à la prise de Salazopyrine. Il a donc décidé de remplacer ce traitement par du Novatrex. Par ailleurs, il décide de modifier également le traitement anti-inflammatoire pour mieux soulager les raideurs matinales.

Afin de prévenir la survenue d'un ulcère, il ajoute un traitement préventif par oméprazole.

Enfin, il l'incite à continuer ses exercices de kinésithérapie.

La demande spontanée du patient

- Le patient demande si son état pourrait être amélioré par des cures thermales.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

-#gt; Une interaction classée « association nécessitant des précautions d'emploi » existe entre Novatrex et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (acéclofénac et indométacine). En effet, les AINS augmentent la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate par diminution de sa clairance rénale.

-#gt; L'association de Cartrex et de Chrono-Indocid entraîne une interaction « nécessitant des précautions d'emploi ou des ajustements posologiques ». Cette association de deux AINS peut augmenter la fréquence des effets indésirables (notamment gastro-intestinaux et hématologiques).

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies sont correctes.

AVIS PHARMACEUTIQUE

Le traitement de M. M. est justifié par l'historique de sa pathologie.

-#gt; Il est traité par l'association de deux types de médicaments : des AINS, traitement symptomatique de la douleur et de l'inflammation d'action rapide, et du méthotrexate, traitement de fond d'action lente.

-#gt; Les AINS constituent les médicaments de première intention de la spondylarthrite ankylosante. Leurs effets sur la raideur et les douleurs vertébrales et des articulations périphériques sont confirmés. L'association de deux AINS permet une couverture de tout le nycthémère :

- Cartrex est un AINS de courte durée d'action dont l'efficacité se manifeste pendant la journée.

- Chrono-Indocid a une libération progressive. L'administration de cette spécialité le soir permet une efficacité optimale et durable pendant toute la nuit et donc une diminution des douleurs de milieu de nuit, de la raideur et de l'engourdissement matinal.

-#gt; Le méthotrexate n'a pas d'AMM dans l'indication « spondylarthrite ankylosante ». Cependant, son utilisation dans la polyarthrite rhumatoïde a conduit les cliniciens à s'y intéresser dans la spondylarthrite ankylosante. Ainsi, après de nombreuses publications internationales, cette molécule s'emploie chez les malades souffrant de spondylarthrite ankylosante, selon les mêmes modalités que dans la polyarthrite. C'est un traitement de fond de seconde intention.

-#gt; L'oméprazole vise à prévenir les lésions gastroduodénales secondaires dues à une utilisation prolongée d'AINS. Monsieur M. est donc considéré comme un patient à risque, même s'il est jeune, sans antécédent d'ulcère gastroduodénal.

-#gt; La kinésithérapie, élément essentiel de la prise en charge de la spondylarthrite ankylosante, permet de lutter contre les déformations articulaires et rachidiennes.

INITIATION DU TRAITEMENT

-#gt; Comme le patient tolère moins bien la sulfasalazine, le rhumatologue choisit de la remplacer par le méthotrexate à faible posologie (moins de 20 mg/semaine) bien qu'il n'ait pas l'indication dans la spondylarthrite ankylosante. L'instauration de ce traitement s'effectue de façon progressive. Pour M. M., la posologie initiale de un comprimé la première semaine est augmentée chaque semaine par paliers de 2,5 mg durant 4 semaines.

-#gt; L'oméprazole est ajouté pour une meilleure tolérance au niveau gastro-intestinal du traitement par deux AINS au long cours.

-#gt; Ayant déjà suivi un programme d'activités physiques avec un kinésithérapeute, le patient poursuit les exercices physiques appris à domicile.

SUIVI DU TRAITEMENT

Un suivi biologique, clinique et radiologique est indispensable pour évaluer la réponse au traitement d'une part et prévenir l'apparition de certains effets indésirables d'autre part.

Méthotrexate

Une attention particulière doit se porter sur sa toxicité hématologique, rénale, hépatique, cutanée, pulmonaire et neurologique.

-#gt; Compte tenu de l'association méthotrexate-AINS, un bilan hématologique (NFS, plaquettes) doit être réalisé toutes les semaines pendant les trois premiers mois puis cette surveillance devient mensuelle. Une toxicité hématologique centrale peut parfois être responsable de thrombopénie, de neutropénie. Elle est le plus souvent réversible.

-#gt; Un suivi de l'état rénal (urée, créatinine, clairance de la créatinine) et de l'état hépatique (albumine, transaminases, bilirubine) est effectué tous les mois pour éviter une majoration des effets indésirables du méthotrexate.

-#gt; Le méthotrexate peut favoriser la survenue de complications infectieuses. Il importe de surveiller leur éventuelle survenue.

-#gt; Le méthotrexate peut également induire une toxicité pulmonaire même lorsqu'il est administré à faible dose. Il faut être particulièrement attentif à l'apparition de symptômes évocateurs (fièvre, toux sèche).

AINS

-#gt; Un suivi de la fonction rénale est aussi indispensable. L'inhibition de la synthèse des prostaglandines par les AINS peut entraîner une diminution de la perfusion rénale et une insuffisance rénale fonctionnelle.

-#gt; Un suivi de la numération-formule sanguine et de la fonction hépatique est également recommandé à cause des AINS. Des effets indésirables hématologiques (leucopénie, thrombopénie, aplasie médullaire, anémie) sont en effet possibles.

-#gt; Cartrex et Chrono-Indocid ont les effets indésirables communs aux AINS. La plupart sont de nature gastro-intestinale (dyspepsie, douleurs abdominales, ulcères, hémorragies digestives, perforations intestinales lors d'utilisation prolongée).

-#gt; Le système nerveux central peut être affecté (vertiges, céphalées, asthénie, acouphènes...).

-#gt; Préconiser une surveillance ophtalmologique régulière (risque d'effet indésirable oculaire du Chrono-Indocid).

Mopral

Les effets indésirables à surveiller sont les plus fréquents : diarrhée, constipation, douleurs abdominales, nausées, vomissements, céphalées et vertiges, éruptions cutanées, urticaires...

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Cartrex 100 mg : avaler le comprimé entier avec au moins un demi-verre d'eau ou un autre liquide. Il est préférable de prendre l'acéclofénac en mangeant, pendant le petit déjeuner. -#gt; Chrono-Indocid 75 : avaler la gélule au milieu du dîner afin d'améliorer la tolérance digestive. -#gt; Novatrex : prendre le comprimé, puis les comprimés, en une seule prise hebdomadaire, toujours le même jour. -#gt; Mopral 20 mg : avaler la gélule à jeun le soir ou pendant le dîner.

CONSEILS AU PATIENT

Gérer la toxicité des médicaments

- Il ne faut pas absorber les deux AINS en même temps.

- Toujours prendre les AINS au milieu d'un repas afin d'améliorer la tolérance digestive, même si le patient prend également un protecteur gastrique.

- En raison des effets hépatotoxiques additifs possibles des AINS, il est recommandé d'éviter de consommer de l'alcool au cours du traitement.

- En cas de vertiges ou autres effets indésirables du système nerveux central, il convient de s'abstenir de conduire un véhicule ou d'utiliser une machine.

- S'assurer que les analyses biologiques sont effectuées.

- Eviter les expositions solaires (photosensibilisation due aux AINS, méthotrexate).

Qualité de vie

- Avoir une alimentation équilibrée. S'il apparaît une perte de poids, augmenter la ration calorique et la ration protéique.

- Conseiller au patient de suivre régulièrement son programme de kinésithérapie.

- Des activités physiques telles que la natation, la marche et le ski de fond peuvent être proposées au patient. En revanche, le ski alpin peut être dangereux à cause du risque de chute, donc de fracture.

- Inciter M. M. à contacter les associations de patients.

- Les cures thermales peuvent avoir un effet positif sur les symptômes observés chez les patients souffrant de spondylarthrite ankylosante. Un certain nombre de stations thermales (Vichy, Barbotan-les-Thermes, Cauterets...) proposent des soins adaptés à des pathologies rhumatismales. Monsieur M. doit en parler à son médecin.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Cartrex 100 mg (acéclofénac)

- Anti-inflammatoire non stéroïdien.

- Indiqué dans le traitement symptomatique de la douleur et de l'inflammation dans l'arthrose, la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante.

- La posologie maximale est de 200 mg par jour en deux prises.

-#gt; Chrono-Indocid 75 (indométacine)

- Anti-inflammatoire non stéroïdien.

- Indications limitées chez l'adulte (de plus de 15 ans) au traitement symptomatique au long cours des rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante) et de certaines arthroses invalidantes et douloureuses.

- La posologie recommandée est de 1 à 2 gélules à 75 mg par jour en doses fractionnées.

-#gt; Mopral 20 mg (oméprazole)

- Inhibiteur spécifique de la pompe à protons H+/K+-ATPase de la cellule pariétale gastrique.

- Notamment indiqué dans le traitement préventif des lésions gastroduodénales induites par les anti-inflammatoires non stéroïdiens chez les patients à risque (notamment âge supérieur à 65 ans, antécédents d'ulcère gastroduodénal) et pour lesquels un traitement anti-inflammatoire est indispensable.

- Dans cette indication, la posologie est de 20 mg par jour.

-#gt; Novatrex (méthotrexate)

- Antimétabolite (inhibiteur de la dihydrofolate-réductase).

- Indiqué dans le traitement du psoriasis de l'adulte et la polyarthrite rhumatoïde.

- En rhumatologie, la posologie usuelle est comprise entre 7,5 et 15 mg par semaine.

Par Maxime Villiet, Virginie Alibert, Hélène Peyrière, service de pharmacologie médicale et toxicologie au CHU de Montpellier

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que la spondylarthrite ankylosante ?

La spondylarthrite ankylosante est un rhumatisme inflammatoire chronique débutant fréquemment chez le sujet jeune, plus souvent de sexe masculin et touchant avec prédilection l'axe de l'appareil locomoteur (bassin, rachis et paroi thoracique). Son pronostic est extrêmement variable.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Famille de rhumatismes inflammatoires

Certaines évidences cliniques et radiologiques, associées à des arguments génétiques, ont conduit à regrouper au sein d'une même entité diagnostique certaines affections rhumatologiques.

La spondylarthrite ankylosante est en quelque sorte le chef de file de ce groupe de rhumatismes inflammatoires comprenant également les arthrites réactionnelles, le rhumatisme psoriasique, les manifestations articulaires associées aux entérocolopathies inflammatoires chroniques (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) et un sous-groupe de rhumatismes chroniques infantiles. Cette entité correspond aux spondylarthropathies ou aux spondylarthrites.

La classification de ces maladies est l'objet d'un consensus international en cours d'élaboration.

Prévalence

La prévalence de la spondylarthrite ankylosante est variable suivant les populations étudiées. Ceci est en partie dû à la variabilité même de la prévalence du gène HLA B27 dans les différentes populations : la spondylarthrite ankylosante est d'autant plus fréquente dans une population que ce gène est présent dans la population générale concernée.

La prévalence des formes de spondylarthrite ankylosante ayant recours au système hospitalier a été évaluée par beaucoup d'études entre 0,1 et 0,2 %.

Récemment, la première étude française concernant la prévalence de la polyarthrite rhumatoïde et des spondylarthropathies montre une prévalence équivalente de ces deux affections (respectivement de 0,34 % et 0,31 %). Cette étude estime à 150 000 le nombre de patients touchés par les spondylarthropathies.

Sex-ratio

L'affection touche les deux sexes, même si elle est plus fréquente chez l'homme. Le sex-ratio retrouvé dans des études récentes varie de 2 à 3 hommes pour 1 femme atteints.

Age de début

Cette affection peut survenir à tout âge, mais son terrain de prédilection est l'adulte jeune, la moyenne d'âge de début retrouvée par la plupart des études se situant aux alentours de 26-27 ans.

PHYSIO-PATHOLOGIE

Faisant intervenir des mécanismes qui gouvernent les régulations de la réponse immunitaire et des facteurs bactériologiques propres à certains micro-organismes, la physiopathologie reste encore mal connue malgré la progression rapide des connaissances.

Les acteurs

Il est probable que les spondylarthropathies sont liées à une réponse immunitaire anormale, d'origine génétique, à des micro-organismes au contact des muqueuses.

- Les gènes

Une grande partie du déterminisme des spondylarthropathies paraît d'origine polygénique.

Le seul gène actuellement indiscutablement identifié comme étant associé aux spondylarthropathies est le HLA B27. Sa prévalence dans une population de patients atteints de spondylarthrite ankylosante est de l'ordre d'au moins 90 % alors qu'elle n'est que de 7 à 8 % dans la population caucasienne générale.

- Les micro-organismes

Le rôle des micro-organismes est souligné dans la physiopathogénie des spondylarthropathies. Ainsi, les arthrites réactionnelles sont déclenchées par une infection bactérienne muqueuse, essentiellement urogénitale ou digestive. Or un certain nombre de ces arthrites réactionnelles évoluent vers une spondylarthrite ankylosante vraie ou vers une autre forme chronique de spondylarthropathie. Il est possible qu'une stimulation bactérienne, survenant à distance de l'appareil locomoteur, intervienne insidieusement dans la physiopathogénie de toute spondylarthropathie.

- Le rôle de l'intestin

En dehors même de l'association de ces rhumatismes aux entérocolopathies inflammatoires, plusieurs équipes ont mis en évidence une inflammation de la muqueuse intestinale de patients atteints de spondylarthropathie et ce en dehors de tout symptôme digestif. Il semble exister une entérocolite histologique insidieuse chez une majorité de patients atteints de spondylarthropathies.

Les lésions

La cible anatomique principale du processus inflammatoire des spondylarthropathies est constituée par l'enthèse.

La première étape du processus inflammatoire semble se situer dans la plaque osseuse sous-chondrale (sous le fibrocartilage contenu dans l'enthèse). L'infiltrat inflammatoire à cet endroit provoque tout d'abord une érosion de cette plaque osseuse. Le processus de cicatrisation de cette érosion inflammatoire conduit à une fibrose dont la grande caractéristique est son évolution ossifiante, permettant l'« ankylose » de la maladie.

L'enthèse n'est pas la seule cible anatomique du processus inflammatoire des spondylarthropathies. On observe également chez environ un tiers à la moitié des patients de véritables arthrites.

SIGNES CLINIQUES

Les douleurs

-#gt; Les douleurs de l'appareil locomoteur répondent à un horaire typiquement inflammatoire : elles réveillent le patient en deuxième partie de nuit ; elles diminuent dans la journée avec l'activité ; elles s'accompagnent d'une raideur matinale.

-#gt; Le siège de la douleur est le plus souvent axial (surtout au début de la maladie), lombaire et/ou fessier. Les douleurs de la région fessière irradient souvent à la face postérieure de la cuisse, dépassent rarement le genou, réalisant une sciatalgie tronquée. Elles sont souvent unilatérales mais « à bascule » (alternativement à droite puis à gauche). Ces douleurs fessières correspondent à des inflammations des sacro-iliaques.

Le siège de la douleur peut être également, ou parfois seulement, dorsal, cervical ou dans la paroi thoracique antérieure.

-#gt; Les douleurs peuvent également correspondre à des enthésites périphériques : les plus fréquentes provoquent des talalgies, plantaires (à l'insertion de l'aponévrose plantaire sur le calcanéum) et/ou postérieures (à l'insertion du tendon d'Achille). Ces douleurs sont évocatrices du diagnostic.

-#gt; Moins souvent, les articulations périphériques sont douloureuses. Il s'agit en général d'oligoarthrite, touchant surtout les articulations des membres inférieurs, de façon asymétrique.

La coxite, atteinte de la hanche responsable de douleur inguinale et de la face antérieure de la cuisse, doit être traitée rapidement et énergiquement car elle peut grever lourdement le pronostic fonctionnel.

-#gt; Enfin, l'aspect « en saucisse » des doigts ou des orteils correspond à une tuméfaction globale d'un ou plusieurs doigts ou orteils, douloureuse, associée à une coloration d'un rouge soutenu. Cet aspect clinique est provoqué le plus souvent par l'association de ténosynovites de ces doigts ou orteils à des enthésites et parfois des arthrites. Il se voit surtout dans les formes associées au psoriasis ou dans les arthrites réactionnelles. Leur présence est très évocatrice du diagnostic de spondylarthropathie, même si des aspects similaires sont parfois rencontrés dans la sarcoïdose par exemple ou la maladie de Behçet.

La raideur

La raideur inflammatoire prédomine au réveil.

De durée variable, elle concerne essentiellement les régions douloureuses et les dépasse parfois.

Dans certaines formes où le processus d'ossification est vraiment actif, une raideur acquise, lésionnelle et donc constante s'ajoute à cette raideur inflammatoire.

La fatigue

Ce symptôme est fréquent. Il occupe une place importante dans le vécu des patients.

Les manifestations extrarhumatologiques

Parfois inaugurales, elles peuvent survenir à n'importe quel moment de l'évolution de la spondylarthrite ankylosante.

-#gt; La plus fréquente est l'uvéite antérieure aiguë. Elle est responsable d'un oeil rouge et douloureux, avec parfois une baisse de l'acuité visuelle.

-#gt; Le psoriasis toucherait à un moment ou à un autre 10 à 40 % des patients. Toutes les formes de cette affection cutanée peuvent se voir.

-#gt; Une atteinte inflammatoire de l'intestin peut être associée chez un peu moins de 10 % des patients, sous la forme d'une maladie de Crohn ou d'une recto-colite hémorragique.

-#gt; Enfin, des manifestations plus rares peuvent se voir telles que des troubles de la conduction cardiaque symptomatiques, des valvulopathies et en particulier des insuffisances aortiques, des fibroses pulmonaires apicales ou de rares syndromes de la queue de cheval.

ÉVOLUTION

-#gt; Les atteintes inflammatoires touchent avant tout la région lombaire et/ou sacro-iliaque. Elles peuvent se limiter à cette région, évoluant sur un mode continu ou par poussées entrecoupées d'intervalles libres (le plus souvent).

Le plus fréquemment, elles ont tendance à diffuser ensuite à d'autres régions axiales et des sites enthésiques périphériques voire à des articulations périphériques.

-#gt; L'évolution de la maladie est extrêmement variable d'un patient à l'autre en termes :

- d'intensité des symptômes,

- de siège des symptômes,

- de mode évolutif (en un seul tenant ou par poussées plus ou moins longues),

- et surtout par le caractère ankylosant ou non.

-#gt; Une ossification progressive a souvent tendance à se constituer, entraînant avec le temps une diminution de la souplesse rachidienne et de la cage thoracique.

Ce potentiel enraidissant est en lui-même très variable d'un patient à l'autre. Il va d'une ankylose totale du rachis en quelques années dans les formes sévères, à une absence de retentissement sur la souplesse axiale dans les formes mineures.

Dans les formes ankylosantes, l'ossification du rachis se fait souvent spontanément en position antalgique, c'est-à-dire en cyphoses lombaire et dorsale (position vicieuse fixée invalidante). L'ossification des articulations costovertébrales et costosternales rigidifie la cage thoracique et peut aboutir à une insuffisance respiratoire restrictive.

-#gt; Le pronostic est donc extrêmement variable selon les sujets, depuis des formes tout à fait bénignes jusqu'à des formes très sévères conduisant à des remplacements prothétiques de hanche chez des sujets de moins de 30 ans. Cette agressivité lésionnelle est heureusement rare et se démasque en général dès les premières années d'évolution de la maladie.

COMPLICATIONS

-#gt; Les complications peuvent découler de l'atteinte de l'appareil locomoteur avec en particulier une insuffisance respiratoire restrictive ou des fractures rachidiennes survenant pour un mouvement ou un effort modeste sur un rachis ossifié ayant perdu toute capacité d'adaptation aux contraintes mécaniques.

Ces fractures, outre la douleur, peuvent être responsables de complications neurologiques (paraplégie, quadriplégie).

-#gt; Toutes les complications des atteintes extra-articulaires de la maladie peuvent s'observer chez ces patients.

-#gt; Enfin, l'amylose, complication ayant rarement une expression clinique mais d'évolution redoutable (parfois mortelle), survient dans les formes ayant un important syndrome inflammatoire biologique pendant des années.

-#gt; La spondylarthrite ankylosante n'est pas une maladie mortelle à l'exception de rares formes compliquées (amylose, atteintes cardiaques gravissimes). L'espérance de vie des patients atteints est sensiblement normale.

Par le Dr Pascal Claudepierre, rhumatologue

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter la spondylarthrite ankylosante ?

Les objectifs du traitement d'une spondylarthrite ankylosante visent d'abord à lutter contre l'inflammation et la douleur mais aussi à prévenir l'enraidissement articulaire. Il repose aussi sur l'éducation du patient. Il s'agit enfin de prévenir le handicap dans le cas des formes sévères de la maladie.

La prise en charge thérapeutique de la spondylarthrite ankylosante a pour premier objectif le contrôle des symptômes. Il permet de restaurer le sommeil, d'obtenir une mise en route matinale aisée et un niveau de douleur diurne faible ou nul. Une bonne tolérance du traitement est nécessaire pour atteindre cet objectif global de restauration de la qualité de vie.

Ce contrôle des symptômes, bien toléré, est un objectif suffisant chez les patients ne développant pas de sévérité lésionnelle. Mais chez ceux dont la maladie s'accompagne d'ankylose et/ou de destruction articulaire, il n'est pas prouvé définitivement que le contrôle des symptômes s'accompagne d'une prévention ou de l'arrêt des lésions radiologiques.

Pour ces derniers, les médecins sont donc - peut-être plus pour très longtemps du fait des évolutions thérapeutiques récentes (anti-TNF-alpha) - contraints de poursuivre une prise en charge moins ambitieuse : limiter le plus possible les conséquences éventuelles des lésions si celles-ci se développent malgré le traitement symptomatique.

PRISE EN CHARGE GLOBALE

L'éducation du patient

Comme dans toute maladie chronique, il est nécessaire de développer l'éducation du patient le plus précocement possible.

-#gt; Mise en place avant tout par le rhumatologue, elle comprend des explications simples sur la nature de la maladie, son caractère chronique et le profil évolutif global.

-#gt; Elle essaie ensuite de dégager des éléments pronostiques personnels.

-#gt; Enfin, l'éducation sur le traitement comprend la notion d'effets secondaires toujours possibles, leur nature, les moyens de diminuer leur risque et la façon la mieux adaptée de les gérer (consultation, surveillance biologique, etc.).

L'abord pluridisciplinaire

Il est utile de prendre en charge le plus tôt possible les différentes facettes de l'affection.

-#gt; Il faut parfois faire appel à des intervenants paramédicaux qui peuvent être, outre le kinésithérapeute, l'assistante sociale, le psychologue ou l'ergothérapeute.

-#gt; Parmi les médecins, il faut savoir impliquer à bon escient, outre le médecin généraliste, le médecin du travail, ou d'autres spécialistes, en développant une stratégie thérapeutique de façon pleinement consensuelle.

-#gt; Le pharmacien peut également jouer un rôle déterminant dans l'aide à l'éducation du patient vis-à-vis de son traitement (observance, surveillance...) et dans la réorientation rapide vers le médecin si besoin.

-#gt; Chez certains patients, les cures thermales permettent d'obtenir une diminution de l'intensité des symptômes avec un effet rémanent. Elles sont aussi l'occasion d'une prise en charge plus globale qu'au cabinet et d'une éducation du patient.

KINÉSITHÉRAPIE

-#gt; La kinésithérapie est indispensable dans les formes enraidissantes ou de mauvais pronostic, à raison de deux séances au moins par semaine.

-#gt; Il ne faut pas l'imposer au long cours au patient dont la maladie évolue déjà depuis plusieurs années sans avoir aucunement affecté sa souplesse rachidienne ou thoracique.

-#gt; Dans les formes enraidissantes, la gymnastique respiratoire, le travail en extension, l'entretien de la mobilité sont associés à l'apprentissage de règles d'hygiène de vie et d'auto-exercices.

-#gt; Dans les autres formes, la kinésithérapie peut avoir un rôle antalgique et décontracturant.

TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX

Les AINS

Les AINS restent les traitements médicamenteux incontournables des spondylarthropathies. Ils permettent le plus souvent d'atteindre l'objectif de contrôle des symptômes de ces maladies.

-#gt; Il n'y a pas de hiérarchie validée en termes d'efficacité des AINS. Toutes les molécules de la classe peuvent être utilisées. La mention « spondylarthrite ankylosante » n'apparaît pas toujours dans les indications de toutes les spécialités. Pour certains AINS (acéclofénac, diclofénac, étodolac, flurbiprofène, ibuprofène, indométacine, kétoprofène, naproxène, méloxicam, piroxicam, sulindac, ténoxicam...), le traitement au long cours des rhumatismes inflammatoires chroniques, notamment la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante, figure dans leurs indications (voir tableau p. 13).

-#gt; Le rhumatologue doit rechercher pour chaque patient la bonne molécule, aussi bien en termes d'efficacité que de tolérance.

-#gt; La posologie doit être suffisante, c'est-à-dire la dose maximale recommandée lors de la phase d'attaque avec une prise vespérale d'action prolongée.

-#gt; Il faut ensuite apprendre au patient à faire varier la dose quotidienne de son AINS en fonction de l'intensité des symptômes, c'est-à-dire diminuer la dose lorsque les symptômes paraissent contrôlés, puis tenter d'arrêter si tout se passe bien. Lors de cette dégression, la prise vespérale à libération prolongée est maintenue en dernier (celle du matin est d'abord supprimée).

-#gt; Si le patient a pu arrêter son AINS sur une période de quelques jours à parfois quelques mois, il doit le reprendre lors de la réapparition de symptômes.

-#gt; Pour améliorer la tolérance de l'AINS, souvent pris au long cours, un traitement symptomatique des éventuelles épigastralgies par un inhibiteur de la pompe à protons (oméprazole, lansoprazole, pantoprazole) peut être instauré.

-#gt; En cas d'échec de plusieurs AINS classiques, le recours à la phénylbutazone est envisageable. Indiquée dans cette pathologie, elle peut permettre de « rattraper » certaines situations « réfractaires ». Une surveillance hématologique (NFS) et urinaire (protéinurie) est alors nécessaire, en plus de la surveillance des effets secondaires de tout AINS.

-#gt; Deux AINS différents ne sont jamais associés en une même prise, pas plus qu'à l'aspirine à dose antalgique.

-#gt; Chez certains patients, les antalgiques des autres classes constituent un appoint thérapeutique utile sur des symptômes résiduels.

PRINCIPALES INTERACTIONS DES TRAITEMENTS

Les corticoïdes

-#gt; A l'inverse de la polyarthrite rhumatoïde, les corticoïdes par voie orale à faible dose (moins de 10 mg/j de prednisone) sont peu efficaces dans les spondylarthropathies.

-#gt; La toxicité engendrée par les doses élevées laisse très peu de place à la corticothérapie orale dans les spondylarthropathies.

-#gt; En revanche, les injections intra-articulaires peuvent rendre de précieux services dans les arthrites périphériques ou les sacro-iliites rebelles.

-#gt; Enfin, on peut recourir de temps à autre aux bolus intraveineux (perfusions de 0,5 à 1 g de méthylprednisolone trois jours de suite en hospitalisation) pour passer un cap ou en attendant l'efficacité d'un autre traitement mis en place.

Les traitements de fond

-#gt; Seule la sulfasalazine (Salazopyrine) a été correctement évaluée dans cette situation. Les principaux essais thérapeutiques montrent qu'elle est pourvue d'un certain effet symptomatique dans les spondylarthropathies mais que celui-ci n'est significatif que sur les manifestations articulaires périphériques. Elle est utilisée à la dose de 2 à 3 g par jour (hors AMM).

-#gt; Le méthotrexate (Novatrex, Méthotrexate Bellon) et, à un moindre degré, les sels d'or (Allochrysine) sont souvent proposés dans les formes articulaires périphériques rebelles par analogie avec la polyarthrite rhumatoïde, mais on ne dispose pas de preuve de leur efficacité dans les spondylarthropathies (ni d'AMM). Tout laisse à penser qu'ils ont peu d'intérêt, si ce n'est aucun, dans les formes axiales.

-#gt; D'autres traitements (hors AMM) ont été proposés dans des formes réfractaires tels que l'azathioprine (Imurel) et plus récemment le thalidomide (Thalidomide Laphal, à l'hôpital).

Les anti-TNF-alpha

Dans ce condiv d'options thérapeutiques finalement très limitées, sont apparues en 1999 les premières informations concernant le traitement de spondylarthrites ankylosantes réfractaires par l'infliximab (Remicade). Ce médicament anti-TNF-alpha (réservé à l'usage hospitalier) a initialement été développé dans la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn.

-#gt; Il existe aujourd'hui des preuves fiables de l'efficacité de l'infliximab dans les spondylarthrites ankylosantes réfractaires. Ces résultats dépassent les formes axiales pour concerner l'ensemble des spondylarthropathies. Ils ne sont pas limités au seul Remicade (anticorps monoclonal chimérique anti-TNF-alpha) mais concernent également l'étanercept (Enbrel), protéine de fusion équivalente au récepteur soluble p75 du TNF. Il s'agit probablement d'un effet de classe concernant les anti-TNF-alpha en général.

-#gt; Les essais du 3e anti-TNF-alpha disponible en France pour la polyarthrite rhumatoïde, l'adalimumab (Humira, anticorps monoclonal humain réservé à l'usage hospitalier), viennent de débuter dans les spondylarthropathies.

-#gt; Plusieurs études conduites « en ouvert » dans différents pays d'Europe et d'Amérique du Nord sont disponibles. Cinq études randomisées contre placebo en double aveugle ont été publiées (2 avec Remicade, 3 avec Enbrel). Toutes montrent à court terme une amélioration fréquente et nette de tous les signes cliniques de la spondylarthrite ankylosante, en particulier la douleur et la raideur matinale, mais également un contrôle des paramètres biologiques de l'inflammation. Ceci s'accompagne d'une amélioration significative de la qualité de vie de ces patients. L'amélioration observée dépasse nettement celle constatée avec tous les traitements essayés jusque-là dans ces maladies. Quelques publications de suivi à un an montrent que le bénéfice initial se maintient.

-#gt; Les effets secondaires des anti-TNF-alpha sont ceux que l'on connaît dans leur utilisation dans la polyarthrite rhumatoïde. Des précautions avant la mise en route de ces traitements et ensuite une surveillance vigilante sont justifiées.

Des réactions allergiques immédiates surviennent chez certains malades, pendant la perfusion d'infliximab ou sur le site d'injection pour l'étanercept, et, plus rarement, des allergies sévères.

Par leur spécificité de médicament intervenant dans le processus de la réaction immunitaire, ils exposent aux infections par des germes banals, mais aussi à des infections plus graves comme la tuberculose, probablement réveillée par le traitement. Ceci justifie le dépistage rigoureux de la tuberculose. Les autres infections peuvent être en partie prévenues par la surveillance et l'éducation ou traitées si elles surviennent, ce qui permet souvent la reprise du traitement.

Les effets secondaires rares incluent les réactions auto-immunes. La production d'autoanticorps est fréquente, mais seuls quelques lupus vrais, non sévères, sont relevés. Des troubles du système sanguin et lymphatique (anomalies de la numération sanguine) sont peu fréquents à très rares. Ce type de traitement peut également favoriser l'émergence d'affections neurologiques démyélinisantes (comme la sclérose en plaques). Une moindre protection anticancéreuse est envisageable, même si les données disponibles sont rassurantes. Néanmoins, la prescription doit être repensée en cas d'antécédents de cancers ou de maladies du sang, et une surveillance s'impose pour le contrôle des effets potentiels à long terme de ces traitements. L'insuffisance cardiaque non compensée est également une contre-indication au traitement, ainsi que, dans l'état actuel des connaissances, la grossesse.

-#gt; Des inconnues demeurent tels : une éventuelle toxicité au long cours chez des sujets jeunes, les modalités d'administration optimales au long cours (dose, fréquence, association de méthotrexate...), l'identification préthérapeutique des bons répondeurs ainsi que l'éventuel effet de frénation ou d'arrêt de la progression de l'ankylose.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

-#gt; Initialement, l'éducation, la prise en charge pluridisciplinaire, la kinésithérapie et les AINS dans les conditions précisées ci-dessus sont mis en place chez tout patient. Le contrôle des symptômes ainsi obtenu, le traitement se poursuit de la même façon, le patient adaptant sa prise d'AINS à l'activité du rhumatisme.

-#gt; Chez d'autres patients, le contrôle des symptômes ne peut pas être obtenu avec les seuls AINS, même associés aux antalgiques.

-#gt; Lorsqu'il existe des arthrites périphériques, on associe une ou deux infiltrations intra-articulaires de corticoïdes et un essai d'un traitement par la sulfasalazine pendant au moins quatre mois (3 g/j si toléré). En cas d'échec, devant une forme qui reste active, la sulfasalazine est arrêtée pour introduire un traitement anti-TNF-alpha, en l'absence de contre-indication.

-#gt; Pour les formes axiales, le recours à un anti-TNF-alpha est envisagé sans passer par l'étape de la sulfasalazine.

PERSPECTIVES

C'est le tout début d'une ère nouvelle dans la prise en charge des spondylarthropathies très actives ou sévères. Afin d'allier efficacité et sécurité maximale d'utilisation, aux rhumatologues d'intégrer rapidement ces nouvelles possibilités dans leur panoplie thérapeutique en développant les collaborations avec les médecins traitants et les pharmaciens. De nouvelles molécules de biothérapie, immunomodulatrices mais non anti-TNF-alpha, sont en développement dans la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn. A l'instar des anti-TNF-alpha, certaines de ces molécules devraient être utiles dans les spondylarthropathies.

Par le Dr Pascal Claudepierre, rhumatologue

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« La kiné concerne tous les patients »

Blaga Stenger est présidente de l'Association de lutte contre la spondylarthrite ankylosante et les spondylarthro-pathies associées (ALuSSA)

Que sont les écoles de spondylarthropathies ?

Les écoles de spondylarthropathies mises en place par l'ALuSSA correspondent à des réunions d'échanges, d'informations pluridisciplinaires, d'éducation et de formation des patients atteints de spondylarthropathies dont la spondylarthrite ankylosante. Ces groupes réunissent une dizaine de patients avec des médecins (généralistes, rhumatologues, gastroentérologues, radiologues...) et des paramédicaux (kinésithérapeute, infirmières...). Les pharmaciens sont les bienvenus ! Ces assemblées permettent aux patients de se rencontrer et d'avoir des réponses à leurs interrogations plus personnelles. C'est souvent au cours de ces réunions que la question de la grossesse est abordée. Quand un couple a un projet de grossesse, il doit en parler plusieurs mois à l'avance aux médecins. Ceci est valable aussi bien pour les femmes que pour les hommes malades. Les partenaires ne doivent pas avoir de craintes, la spondylarthrite n'influence pas la grossesse. Chez certaines patientes, la maladie s'améliore pendant la grossesse. A contrario, cet état peut déclencher une poussée inflammatoire.

A quels patients s'adresse la kinésithérapie ?

La kinésithérapie concerne tous les patients. Elle doit être instaurée dès le début de la maladie. Ce qui n'est pas souvent le cas, le délai moyen de diagnostic précis d'une spondylarthrite ankylosante étant de 7 à 9 ans. La kinésithérapie est la seule solution thérapeutique efficace et bien tolérée. Elle permet de retarder l'évolution de la maladie et d'empêcher l'ankylose et la soudure des articulations dans une posture vicieuse. Au départ le patient est suivi par un kinésithérapeute, il apprend des exercices qu'il fait quotidiennement (5 à 10 minutes une à plusieurs fois par jour selon les cas). Il s'agit de rééducation des membres, du rachis, du cou et de rééducation respiratoire essentiellement. Les patients doivent faire attention à ne pas faire de faux mouvements pour ne pas déclencher de crise. Ils doivent avant tout être à l'écoute de leur corps et de leurs capacités afin de mener une vie normale.

Blaga Stenger, interrogée par Véronique Pungier

CONSEILS AUX PATIENTS

Gérer la spondylarthrite au quotidien

-#gt; Au lever, commencer par sortir les jambes du lit en les faisant pivoter groupées vers le côté, ce qui permet ensuite un redressement du buste en douceur.

-#gt; Le « dérouillage » matinal est facilité par une douche chaude. En général, les douleurs axiales sont apaisées par le chaud. Les douleurs périphériques (avec chaleur) sont soulagées par le froid.

-#gt; Pour éviter les douleurs du talon, adopter un type de chaussure ou une talonnette qui mettent le talon en décharge. Une consultation de podologie est parfois nécessaire.

-#gt; Un coussin biseauté rend la position assise prolongée moins pénible et facilite la mise en position debout.

-#gt; L'utilisation d'un coussin rotatif ou d'un siège tournant facilite les rotations du buste, notamment en cas de fixation définitive du rachis.

Faciliter les déplacements

-#gt; Une carte « Station debout pénible » peut être utile.

-#gt; La conduite automobile nécessite des pauses de dérouillage. Un rétroviseur intérieur ou extérieur supplémentaire peut faciliter les manoeuvres pour les malades ayant un enraidissement du rachis dorsal et cervical.

-#gt; Le train est idéal pour les longs trajets (position assise mais mouvement possible).

-#gt; Faire du vélo avec un guidon en position haute.

-#gt; La statique étant souvent modifiée par les déformations (cyphose, hyperlordose), la prévention des chutes s'avère nécessaire.

Organiser le traitement

-#gt; Une consultation annuelle chez le rhumatologue est recommandée pour contrôler le bon maintien des postures. La rééducation peut être instaurée alors que le maintien du mouvement et des positions est encore possible.

-#gt; Conseiller au patient de relater au mieux à son généraliste et son rhumatologue ses épisodes douloureux (localisation, intensité, fréquence...) pour prévoir une posologie différente ou un traitement complémentaire à mettre en place dès le retour de la poussée. A l'officine, le malade cherche des moyens médicamenteux supplémentaires contre la douleur, qu'il convient d'avoir prévus face à cette situation.

Eviter les complications

-#gt; Reconnaître une uvéite : l'oeil est rouge et douloureux, la douleur est accentuée à la pression sur le globe oculaire. Il peut y avoir un flou visuel. L'absence de sensation de sable dans l'oeil oriente vers l'uvéite plutôt que la simple conjonctivite. Recommander une consultation rapide chez l'ophtalmologiste voire dans un service d'urgence ophtalmologique hospitalier.

Des poussées d'uvéite non soignées peuvent laisser des cicatrices et altérer la vision. La prescription du traitement adapté (le plus souvent un collyre à base de cortisone) doit être faite à l'avance pour être utilisée dès le début de la poussée face à une uvéite récidivante.

-#gt; Prévenir l'ostéoporose secondaire au syndrome inflammatoire important par un régime alimentaire adapté voire la supplémentation en calcium et vitamine D.

Régimes alimentaires et idées reçues

-#gt; On ne peut pas conseiller un régime alimentaire particulier, sinon un régime hypercalorique en cas de perte de poids et celui de la prévention de l'ostéoporose.

-#gt; Le « régime crétois » et la supplémentation en acides gras oméga-3 et 6 ont été évalués dans la polyarthrite rhumatoïde et semblent présenter un intérêt dans les maladies inflammatoires, en plus du bénéfice au plan de la prévention des maladies cardiovasculaires.

-#gt; Les régimes de faible apport calcique et protéinique sont donc à déconseiller formellement.

Une activité physique adaptée

-#gt; La kinésithérapie, les exercices personnels et la rééducation fonctionnelle sont suspendus pendant les poussées de la maladie. Peuvent être pratiquées de façon constante les postures et particulièrement celle d'hyperextension du rachis (posture du sphinx, en position allongée sur le sol, au moins 20 minutes par jour en lisant ou regardant la télévision). La balnéothérapie est également bien tolérée.

-#gt; La prévention de l'ankylose de la cage thoracique nécessite une surveillance par le kinésithérapeute et la pratique régulière d'exercices de dilatation (inspiration profonde bras levés ou ouverts, expiration profonde et repos).

-#gt; Les sports à proscrire sont ceux qui provoquent ou réveillent la douleur, instantanément ou, le plus souvent, la nuit suivant sa pratique. Sont recommandés ceux qui favorisent l'extension du rachis, ceux qui ne provoquent pas de chocs répétés sur les talons et les articulations (contrairement à la course à pied) et ceux qui favorisent, en décharge, une mobilisation douce des articulations (natation, particulièrement le dos crawlé). Ceux impliquant un risque de chute sont proscrits pour les patients dont le rachis est ankylosé.

-#gt; Les sports d'eau (y compris ceux de rame ou de voile) sont bien adaptés à la pathologie et au profil des patients. Attention cependant au froid et à l'humidité qui aggravent souvent l'état douloureux !

-#gt; Déconseiller l'excès d'activité sportive qui, du fait du soulagement immédiat que procure le mouvement chez certains malades, peut entretenir la crise inflammatoire.

-#gt; Pour la vie courante, les recours sociaux et l'information générale sur la maladie, diverses associations de patients sont à même de renseigner les patients et leurs familles.

Par Laurence Carton, présidente de l'association Spondylis

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

Spondylis

Hôpital Henri-Mondor, service de rhumatologie, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil -

Tél./fax : 01 49 81 97 01, http://www.spondylis.org

Association nationale dotée d'antennes régionales, Spondylis réunit des personnes touchées ou concernées par les spondylarthropathies. Auparavant appelée ACSAC (Associations contre la spondylarthrite ankylosante et ses conséquences), elle se propose d'écouter, d'informer les patients et de lutter contre les spondylarthropathies. Outre une permanence téléphonique, elle organise des rencontres entre patients pour les aider à dépasser leurs angoisses, échanger leurs expériences. Spondylis assure une veille des évolutions nationales et internationales concernant la recherche, le diagnostic et le traitement des spondylarthropathies (informations disponibles sur son site). L'association organise aussi des journées d'information médicale et sociale et diffuse un bulletin d'information à ses adhérents (« Spondyl'info »).

Association française des spondylarthritiques (AFS)

CHU de Rennes, Hôpital Sud, service de rhumatologie, 16, bd de Bulgarie, BP 90347, 35203 Rennes Cedex 2 -

Tél./fax : 02 99 64 73 84, http://www.afs.fr.st

Association de malades, l'AFS accueille tout d'abord les patients et leurs familles : écoute, partage de témoignages d'autres malades, diffusion d'informations médicales en particulier grâce à une brochure (« Spondylarthrite info »). Cette association cherche à permettre une amélioration de la connaissance des spondylarthropathies et des conséquences sur l'entourage des patients pour empêcher leur isolement ainsi qu'à participer aux différents essais cliniques. L'Association française des spondylarthritiques participe avec les autres associations de patients notamment à la sensibilisation des pouvoirs publics pour que ces affections soient reconnues.

Association de lutte contre la spondylarthrite ankylosante et les spondylarthropathies associées (ALuSSA)

BL 325 La Cité des Associations, Ville de Marseille DAVA 93, La Canebière, 13233 Marseille Cedex 20 - Tél. : 04 91 40 54 48

Affiliée à l'Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR), l'ALuSSA constitue une troisième association de patients atteints de spondylarthropathies. Elle prend part à l'organisation de colloques, de forums, de congrès, de réunions locales et régionales destinés à informer et à éduquer les patients. Des permanences téléphoniques sont assurées, des rencontres entre patients organisées. Les patients peuvent aussi prendre part à des groupes de parole, de rééducation, de relaxation et de sophrologie. L'ALuSSA peut aussi aider les patients au cours de leurs démarches administratives.

LIVRES

La spondylarthrite en 100 questions

Maxime Dougados, André Kahan, Michel Revel, groupe hospitalier Cochin, Assistance publique-Hôpitaux de Paris

« La spondylarthrite en 100 questions » est une brochure qui vise à aider les patients souffrant de spondylarthrite ankylosante à mieux connaître leur maladie. Elle aborde l'ensemble de la pathologie en posant 100 questions (sur la maladie, ses traitements médicamenteux ou non, les aides administratives, les règles d'hygiène de vie...) et en y répondant avec un langage adapté à tous. Les malades sont informés sur toutes les facettes de l'affection afin de leur faire comprendre la nécessité de suivre la prise en charge thérapeutique de cette maladie. Distribuée par les rhumatologues et par les associations de patients.

Les étapes du diagnostic

Principaux éléments cliniques à rechercher pour le diagnostic de spondylarthrite ankylosante, sachant que l'association d'au moins deux d'entre eux est très évocatrice :

- des rachialgies inflammatoires ;

- des arthrites asymétriques ou prédominant aux membres inférieurs ;

- des douleurs de fesse « à bascule » ;

- des doigts ou orteils « en saucisse » ;

- des douleurs des talons inflammatoires (ou d'une autre enthèse) ;

- un psoriasis ;

- une entérocolopathie inflammatoire ;

- une uvéite antérieure aiguë ;

- une urétrite, cervicite ou diarrhée aiguë dans le mois ayant précédé l'arthrite ;

- une histoire familiale de spondylarthropathie ou d'uvéite ou d'entérocolopathie ;

- et une sensibilité très nette et rapide des symptômes à l'action des AINS.

Une spondylarthrite ankylosante se diagnostique en recherchant l'ensemble de ces items chez tous les patients chez lesquels on découvre l'un d'entre eux au moyen d'un interrogatoire à la recherche d'antécédent personnel ou familial évocateur et d'un examen clinique ciblé (psoriasis, doigt en saucisse...).

Si le diagnostic ne peut être retenu à ce stade, une sacro-iliite radiologique est recherchée au moyen d'une radiographie de bassin de face.

En l'absence de sacro-iliite radiologique, le médecin s'aide d'une recherche de l'antigène HLA B27 ou d'un test thérapeutique aux AINS.

Le scanner des sacro-iliaques voire l'IRM peuvent aider dans certaines situations.

Principaux diagnostics différentiels

- La spondylarthrite ankylosante doit être différenciée des autres lombalgies :

- communes (discale) ;

- infectieuses (spondylodiscite tuberculeuse) ;

- tumorales (bénigne : ostéome ostéoïde ; maligne : métastases, lymphomes).

- Une sciatique tronquée peut évoquer une spondylarthrite ankylosante, mais aussi :

- une « vraie sciatique » et ses causes discales, infectieuses, tumorales ;

- les autres causes de sacro-iliite avant tout infectieuses (tuberculose, brucellose, pyogènes).

La surveillance des patients

Un patient atteint de spondylarthrite ankylosante doit être pris en charge conjointement par le médecin généraliste et le rhumatologue.

La fréquence des consultations avec le rhumatologue varie avec l'ancienneté de la maladie, son évolutivité et sa sévérité.

Au départ, 2 ou 3 consultations rapprochées (1 mois) au moins sont nécessaires pour les premiers essais de traitement et surtout l'éducation du patient.

Puis le rythme s'espace à environ deux consultations par an dans les formes peu évolutives voire une par an après des années d'évolution stable.

Dans les formes plus évolutives ou agressives, des suivis plus rapprochés sont nécessaires pour des ajustements thérapeutiques.

Le suivi porte sur l'activité du rhumatisme (douleur : siège, intensité ; raideur : durée, intensité ; fatigue : intensité ; arthrites éventuelles, enthésites éventuelles), les mensurations (pour vérifier l'absence d'enraidissement), la tolérance clinique et biologique au traitement.

Le traitement chez la femme enceinte

Pendant la grossesse d'une patiente souffrant de spondylarthrite ankylosante, on utilise le moins de médicaments possible.

Si un traitement médicamenteux est nécessaire, le recours aux AINS est possible pendant les cinq premiers mois de la grossesse seulement (à l'exception du célécoxib).

Peuvent également être prescrits le paracétamol, ponctuellement l'association du paracétamol et du dextropropoxyphène et exceptionnellement la corticothérapie.

La sulfasalazine peut éventuellement être maintenue en cours de grossesse.

Les principales contre-indications

- AINS classiques : antécédents d'allergie ou d'asthme lors de la prise de la molécule ou d'un autre AINS, ulcère gastroduodénal en évolution, hémorragies gastro-intestinales, insuffisance hépatique sévère, insuffisance rénale sévère, insuffisance cardiaque sévère non contrôlée (acéclofénac, diclofénac, ibuprofène, indométacine, kétoprofène, naproxène), lupus érythémateux disséminé (ibuprofène), grossesse à partir du 6e mois. Avec la forme suppositoire : les antécédents récents de rectite ou de rectorragie.

- Phénylbutazone : ulcère gastroduodénal en évolution, insuffisance hépatique sévère, insuffisance rénale sévère, insuffisance cardiaque, HTA non contrôlée, diathèse hémorragique (hémopathies), atteinte des lignées sanguines d'origine médullaire ou périphérique (ou antécédents), affections thyroïdiennes, lupus érythémateux disséminé, syndrome de Sjögren, grossesse à partir du 6e mois. Avec la forme suppositoire : les antécédents récents de rectite ou de rectorragie.

- Sulfasalazine : hypersensibilité connue aux sulfamides et salicylés, déficit en G6PD, porphyrie intermittente aiguë et porphyrie variegata.

- Méthotrexate : insuffisance rénale ou hépatique sévère, insuffisance respiratoire chronique, grossesse et allaitement.

- Sels d'or : néphropathie hématurique ou protéinurique, insuffisance hépatique ou rénale, altérations hématologiques importantes, antécédents de dépression médullaire toxique, stomatite, lupus érythémateux disséminé, insuffisance cardiaque, maladie de Still.

- Infliximab : tuberculose, infections sévères, insuffisance cardiaque modérée à sévère.

- Etanercept : septicémie (ou risque), infection évolutive.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !