La leucémie lymphoïde chronique - Le Moniteur des Pharmacies n° 2517 du 10/01/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2517 du 10/01/2004
 

Cahier formation

l'essentiel La leucémie lymphoïde chronique est la plus fréquente des leucémies de l'adulte. Elle atteint essentiellement la personne âgée et sa découverte est souvent fortuite, à l'occasion d'un bilan sanguin qui révèle un nombre de lymphocytes parfois considérable. L'espérance de vie n'est écourtée que dans les stades avancés de la maladie (stades B et C), mais la leucémie lymphoïde chronique est une maladie incurable. Les principales complications sont infectieuses. L'abstention thérapeutique est de règle au stade A de la maladie. Le traitement, aux stades B et C, fait appel aux chimiothérapies par agent alkylant, analogue des purines ou anticorps monoclonal. L'irradiation corporelle, l'allogreffe et l'autogreffe de moelle sont proposées dans les formes résistantes au traitement médicamenteux.

ORDONNANCE

Une nouvelle poussée de leucémie lymphoïde chronique

Monsieur V., 63 ans, atteint de leucémie lymphoïde chronique, ne répond plus au traitement par Chloraminophène, déjà effectué à trois reprises. Un nouveau traitement cytostatique, Fludara, est prescrit par le médecin, sous couvert d'un traitement préventif antibiotique (Bactrim Forte) et antiviral (Zovirax).

LES PRESCRIPTIONS

Docteur Jacques Grassi

Médecine interne

Hôpital de Lamorlaye

60260 Lamorlaye

Tél. : 03 41 29 75 78

60 3 99999 8

Le 5 janvier 2004

M. Jean-Louis V.

66 ans, 1,65 m2

(1,65 m, 60 kg)

-#gt; Fludara 10 mg : 6 comprimés par jour pendant 5 jours. Cure à renouveler tous les 28 jours.

-#gt; Bactrim Forte : 1 cp au cours d'un repas lundi, mercredi et vendredi.

-#gt; Zovirax 200 mg : 1 cp 4 fois par jour à intervalles réguliers.

-#gt; Lederfoline 25 mg : 2 cp par semaine, le jeudi.

qsp 1 mois, AR 2 fois

LE CAS

Ce que vous savez du patient

- Jean-Louis V. 66 ans, retraité, est un de vos patients habituels. Une leucémie lymphoïde chronique a été diagnostiquée il y a 7 ans. Depuis, M. V a été traité à trois reprises par Chloraminophène.

Ce dont le patient se plaint

- Il a consulté son médecin pour une sensation de fatigue anormale et un essoufflement au moindre effort. Il vient également d'avoir une poussée d'herpès labial.

Ce que le médecin lui a dit

- Les résultats des analyses de sang montrent un nombre élevé de lymphocytes 50 000/mm3 (normale : 1 000 à 4 000/mm3). Compte tenu de la sensation de fatigue et des nouveaux ganglions perçus à la palpation, le médecin a diagnostiqué une nouvelle poussée de leucémie lymphoïde chronique.

Il préfère prescrire cette fois-ci un nouveau traitement, Fludara en comprimés à la place du Chloraminophène qui ne semble plus efficace.

Pour éviter tout risque d'infection pulmonaire pendant le traitement, le médecin a prescrit un antibiotique (Bactrim Forte), accompagné de Lederfoline. Il a également prescrit du Zovirax pour éviter les récidives de poussées d'herpès. M. V. doit reconsulter son médecin dans un mois après avoir effectué une nouvelle analyse de sang.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Cette ordonnance ne présente pas d'interaction médicamenteuse répertoriée. Toutefois, l'association Fludara-Bactrim Forte entraîne une addition potentielle d'effets indésirables hématologiques et nécessite un contrôle biologique fréquent.

ANALYSE DES POSOLOGIES

-#gt; La posologie recommandée pour Fludara per os est de 40 mg/m2/j. Dans l'ordonnance de M. V., la posologie de six comprimés par jour correspond à la surface corporelle du patient (1,65 m2). Celle-ci peut être déterminée à partir du poids et de la taille du patient grâce à une abaque (Guide Pratique des médicaments Dorosz, http://rfx.free.fr/JMedSurf.htm ...). Cependant la répartition des prises dans la journée n'est pas indiquée sur l'ordonnance. Elle n'est pas non plus précisée dans la monographie du Vidal, qui indique uniquement la dose quotidienne de fludarabine.

-#gt; Les posologies de Bactrim Forte et de Zovirax sont correctes dans le cadre de cette prescription en traitement préventif des infections opportunistes (respectivement pulmonaires à Pneumocystis carinii et virales à Herpes simplex).

-#gt; La prescription hebdomadaire de 50 mg de Lederfoline ne correspond pas à l'AMM qui préconise une prise quotidienne de 5 mg en correction de l'hématotoxicité induite par un traitement par triméthoprime et ne conseille pas la prise de Lederfoline en prévention de cette hématotoxicité.

AVIS PHARMACEUTIQUE

La leucémie lymphoïde chronique est une hémopathie incurable qui se traduit par l'accumulation d'un clone de lymphocytes B. Le diagnostic est posé au vu de l'hémogramme. La mise en route d'un traitement est décidée en fonction du stade de la maladie. Le traitement vise à contrôler la maladie en respectant la qualité de vie.

- Fludara

Le chlorambucil (Chloraminophène) a déjà été utilisé à trois reprises chez M. V. Son efficacité a tendance à s'émousser au fil des rechutes. C'est pourquoi le médecin choisit de prescrire un traitement cytostatique à base de fludarabine. Il est important de faire préciser au médecin les modalités de prise du Fludara.

- Zovirax

Zovirax prévient la récidive de l'infection herpétique chez l'immunodéprimé. Cette prescription est logique chez M. V., sujet aux récidives d'herpès labial et dont l'immunodépression due à sa pathologie va être renforcée par celle induite par le traitement cytostatique.

- Bactrim Forte

Il est ici prescrit en prophylaxie primaire des infections opportunistes, en particulier pneumocystose à P. carinii, lors de l'instauration de la prise de fludarabine dont les effets immunosuppresseurs majorent le risque.

- Lederfoline

Lederfoline (folinate de calcium) est destiné à corriger l'éventuelle hématotoxicité de Bactrim qui induit une carence en folates. Tant que les effets indésirables ne sont pas déclarés, l'utilisation de Lederfoline est discutable et hors AMM. Il faut impérativement contacter le médecin.

- Appel du médecin

-#gt; Concernant Fludara

Le médecin prescripteur n'étant pas joignable au téléphone, le chef de service est contacté et précise qu'il est préférable de ne pas fractionner la dose orale, qui correspond à environ une fois et demie la dose IV. Les six comprimés sont donc à prendre ensemble le matin.

-#gt; Concernant Lederfoline

Le chef de service confirme que cette prescription n'est pas conforme à l'AMM et que le traitement débutant par Bactrim Forte ne nécessite pas de prévention par l'acide folique. La Lederfoline ne sera represcrite qu'en cas d'apparition d'une hématotoxicité. Il confirme donc la suppression de Lederfoline de la prescription.

INITIATION DU TRAITEMENT

- Fludara et Bactrim Forte

Ces deux médicaments nécessitent d'évaluer la fonction rénale de M. V.

-#gt; Fludara est contre-indiqué en cas d'insuffisance rénale avec clairance de la créatinine #lt; 30 ml/min.

-#gt; Lors de la prise de Bactrim au long cours, contrôler la fonction rénale (adaptation posologique).

La clairance à la créatinine de M. V., calculée lors du dernier bilan hématologique, se révèle normale pour son âge (85 ml/min) et ne nécessite donc pas d'adaptation posologique.

- Zovirax

Aucun examen particulier n'est nécessaire avant l'administration de Zovirax.

SUIVI DU TRAITEMENT

Efficacité de la fludarabine

L'évolution de la leucémie lymphoïde chronique est surveillée à la fois par les signes cliniques évocateurs et par la lymphocytose, marqueur essentiel de la maladie. Il est prévu cinq autres cures de Fludara tous les 28 jours si la réponse et la tolérance sont bonnes.

Tolérance du traitement

- Surveillance clinique

Fludara peut induire un certain nombre d'effets indésirables.

-#gt; Infectieux : toute survenue de fièvre, diarrhée, toux ou de signe évocateur d'infection opportuniste bactérienne ou virale doit être signalée immédiatement au médecin.

-#gt; Neurologiques : troubles visuels, neuropathies périphériques.

-#gt; Gastro-intestinaux : nausées, vomissements, anorexie, diarrhée.

-#gt; Phénomène de lyse tumorale : douleurs lombaires, hématurie.

-#gt; Stomatite, rashs cutanés.

- Surveillance biologique

-#gt; Numération-formule sanguine :

la prise de Fludara et celle de Bactrim Forte impliquent des contrôles hématologiques fréquents et réguliers (mensuels). La posologie de Fludara sera éventuellement adaptée en fonction de la toxicité hématologique. Une attention particulière sera portée à la survenue d'une anémie hémolytique auto-immune, liée à la fludarabine ou à la leucémie lymphoïde chronique, qui exigerait l'arrêt du traitement. Une éventuelle hématotoxicité provoquée par Bactrim Forte pourra être corrigée par la Lederfoline.

-#gt; Surveillance des fonctions hépatiques (transaminases, bilirubine) et rénales (kaliémie, créatininémie).

CONSEILS AU PATIENT

Faire preuve d'observance

-#gt; Respecter rigoureusement les posologies prescrites, surtout celle de Fludara. En cas de prise d'une dose excessive, appeler le médecin ou se rendre aux urgences de l'hôpital le plus proche.

-#gt; Respecter le calendrier des examens cliniques et biologiques établi par le médecin. Insister sur leur importance.

-#gt; Suivre le plan de prise pour limiter l'apparition des effets indésirables.

-#gt; Eviter toute automédication et signaler la prise du traitement lors de toute autre consultation.

Fludara

-#gt; En cas d'intolérance digestive, prendre les comprimés de préférence au cours du repas.

-#gt; Lors des prises de sang, maintenir une pression sur les points de ponction pendant au moins 10 minutes.

-#gt; Les comprimés inutilisés par le patient doivent être rapportés soit au pharmacien, soit au médecin.

Bactrim Forte

-#gt; Assurer un apport hydrique suffisant (2 litres/jour) afin de prévenir d'éventuelles cristalluries.

-#gt; Eviter l'exposition aux UV (risque de photosensibilisation).

Vigilance sur les effets indésirables

-#gt; Contacter le médecin en cas de signes tels que : troubles visuels, confusion, diarrhée, vomissements, éruption ou rash cutané, prurit, signes d'infection (fièvre, maux de gorge, toux...) ou autre symptôme inhabituel.

Avoir une hygiène générale rigoureuse

-#gt; Hygiène buccale pour éviter les stomatites.

-#gt; Suppression ou correction des facteurs favorisant l'apparition de toute infection (première cause de mortalité de la leucémie lymphoïde chronique).

-#gt; Etre à jour des vaccinations. Pendant et après le traitement par Fludara, la vaccination avec des virus vivants doit être évitée. Un avis médical est indispensable.

Contacter le médecin

Faire préciser au médecin le mode de prise de Fludara et discuter la prescription de Lederfoline.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Fludara : prendre à jeun ou au cours du repas. Les six comprimés entiers doivent être avalés avec de l'eau sans les mâcher ni les casser. -#gt; Bactrim Forte : à avaler avec un verre d'eau au cours du repas pour améliorer la tolérance digestive. -#gt; Zovirax : prises indifférentes par rapport aux repas mais régulièrement espacées.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Fludara 10 mg (fludarabine phosphate)

- Anticancéreux, cytostatique.

- Indiqué dans le traitement de deuxième intention des leucémies lymphoïdes chroniques à cellules B en cas de réserve médullaire suffisante, en rechute ou résistant après au moins un protocole standard comportant un agent alkylant.

- La posologie recommandée est de 40 mg/m2/jour pendant 5 jours tous les 28 jours jusqu'à obtention d'une réponse optimale (en général après 6 cures), puis arrêt.

-#gt; Bactrim Forte (sulfaméthoxazole, triméthoprime)

- Association synergique de deux anti-infectieux antibactériens et antiparasitaires, le sulfaméthoxazole (800 mg) et le triméthoprime (160 mg).

- Indiqué notamment dans le traitement curatif ou préventif des infections à Pneumocystis carinii chez l'immunodéprimé.

- Dans cette dernière indication, la posologie varie de 1 cp 3 fois par semaine à 1 cp/jour. Lors des traitements prolongés, il est conseillé de pratiquer une surveillance de l'hémogramme.

-#gt; Zovirax 200 mg (aciclovir)

- Antiviral, inhibiteur spécifique des Herpès virus : Herpes simplex (HSV) type 1 et 2, et varicelle-zona (VZV).

- Indiqué notamment chez l'immunodéprimé dans la prévention des infections à HSV.

- Dans cette indication, la posologie recommandée est de 4 cp à prendre à intervalles réguliers tout au long de la phase d'immunodépression.

-#gt; Lederfoline 25 mg (folinate de calcium)

- Vitamine antianémique du groupe B (B9).

- Indiqué notamment dans la correction de l'hématotoxicité induite par certains traitements dont le triméthoprime.

- En correction de l'hématotoxicité induite par le triméthoprime, la dose quotidienne de 5 mg/jour pendant la durée d'administration de l'agent hématotoxique est habituellement suffisante.

Par Lilia Chorfa-Bakir-Khodja et le Pr J. Calop, CEEPPO, CHU de Grenoble, et Dr R. Gressin, service d'hématologie clinique du CHU de Grenoble

PATHOLOGIE

Qu'est-ce que la leucémie lymphoïde chronique ?

La leucémie lymphoïde chronique est une prolifération maligne de lymphocytes dans le tissu lymphoïde, atteignant principalement les personnes de plus de 60 ans. Asymptomatique pendant de nombreuses années, elle conduit à des complications infectieuses opportunistes, auto-immunes, ou à une insuffisance médullaire.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est la plus fréquente des leucémies de l'adulte en Occident. Elle représente le tiers de l'ensemble des leucémies, soit un nouveau cas par an pour 30 000 habitants. Après 70 ans, l'incidence de la leucémie lymphoïde chronique passe de 2,7 pour 105 à 20 pour 105.

C'est une « maladie de la retraite ». Deux tiers des patients ont plus de 60 ans avec un âge moyen de 65 ans. Cette forme de leucémie est rare avant 40 ans et n'existe pas chez l'enfant.

La leucémie lymphoïde chronique s'observe un peu plus souvent chez l'homme que chez la femme.

D'après l'Inserm, 2171 nouveaux cas ont été répertoriés en 2000, dont 1011 femmes et 1160 hommes. Pour cette même année, 1112 décès ont été enregistrés.

La LLC est exceptionnelle en Extrême-Orient, mais touche les Japonais émigrés aux Etats Unis, avec une fréquence proche de celle de la population occidentale.

Aucun facteur favorisant n'a été identifié à ce jour. Seule une incidence familiale a été retrouvée dans quelques cas. Une susceptibilité génétique est probable. En effet, le risque de leucémie lymphoïde chronique semble 3 à 10 fois plus élevé dans la fratrie d'un sujet atteint.

PHYSIO-PATHOLOGIE

La leucémie lymphoïde chronique correspond à l'accumulation d'un clone de lymphocytes mûrs, de phénotype particulier, dans le tissu lymphoïde de façon plus ou moins diffuse. Cette prolifération monoclonale concerne une population de lymphocytes B. Les lymphocytes tumoraux, tous issus d'un même clone, présentent plusieurs caractéristiques qui les différencient des lymphocytes normaux.

-#gt; Ils possèdent un phénotype particulier qui se traduit par la diminution de la densité de plusieurs récepteurs de surface, en particulier des immunoglobulines. S'y associent des anomalies des immunoglobulines, une hypogammaglobulinémie, une dysglobulinémie possible.

-#gt; Ils ont une résistance accrue à l'apoptose in vivo. L'hyperlymphocytose provient plus d'une accumulation de lymphocytes par défaut de mortalité cellulaire que d'une prolifération cellulaire accrue.

Le point de départ de la prolifération se fait dans la moelle qui est toujours envahie. On retrouve 40 à 100 % de lymphocytes au sein d'une moelle riche (en forte activité). Cette prolifération colonise secondairement les organes lymphoïdes périphériques (ganglions lymphatiques, rate, amygdales, plaques de Peyer de l'intestin grêle et nodules lymphoïdes de l'appendice et du côlon) et le sang.

L'infiltration est plus ou moins diffuse, pouvant toucher toutes les chaînes ganglionnaires superficielles (cervicales, axillaires, inguinales) et profondes (médiastinales, abdominales, foie, rate, amygdales).

SIGNES CLINIQUES

Le début de cette maladie est insidieux, sans aucun symptôme pendant plusieurs années. Aussi le plus souvent la découverte de la maladie est fortuite, à l'occasion d'un examen sanguin demandé pour une autre raison.

Cependant il faut penser à ce diagnostic devant un patient de plus de 50 ans présentant les symptômes peu spécifiques suivants : fatigue, malaise, fièvre prolongée, amaigrissement, perte d'appétit, infections répétées et/ou découverte d'un ganglion.

L'examen clinique est souvent tout à fait normal, ou bien révèle des adénopathies. Ces ganglions hypertrophiés sont de taille variable, indolores, mobiles, fermes, non compressifs. Ils sont bilatéraux et symétriques et siègent de façon diffuse, multiples, en chapelet, pouvant atteindre toutes les chaînes superficielles : axillaires, cervicales, inguinales. Lorsque les chaînes profondes du médiastin (zone comprise entre les deux poumons) sont atteintes, une toux, une difficulté à respirer ou à émettre des sons peuvent se voir. La rate est parfois augmentée de volume, le foie et les amygdales plus rarement. Des tumeurs salivaires voire cutanées, des signes d'atteinte digestive ou pulmonaire peuvent aussi se rencontrer.

ACCUMULATION D'UN CLONE DE LYMPHOCYTES TUMORAUX

DIAGNOSTIC

Examens sanguins

Ils permettent de poser facilement le diagnostic.

- Numération-formule sanguine (hémogramme)

Elle montre une élévation du nombre de lymphocytes supérieure à 5 000/mm3.

L'hyperlymphocytose est observée de façon constante mais elle est d'intensité variable. Elle peut être : discrète, au début comprise entre 5 000 et 10 000/mm3, généralement modérée (2/3 des cas), entre 20 000 et 50 000/mm3, ou parfois considérable, dépassant les 100 000/mm3. Même à ce stade l'hyperlymphocytose n'entraîne pas directement de symptômes cliniques.

En général, au début de la maladie, les autres lignées sanguines sont normales. Une anémie, une thrombopénie et/ou une granulopénie (diminution des polynucléaires neutrophiles) sont inconstantes.

- Analyse morphologique

Sur le frottis sanguin, on observe des petits lymphocytes monomorphes, matures, ne présentant pas de différence à l'oeil nu avec des lymphocytes normaux. Ils sont associés habituellement à des cellules abîmées ou à des restes de noyaux nus.

- Etude du phénotype

L'étude du phénotype des lymphocytes sanguins affirme le diagnostic en mettant en évidence une population monoclonale de lymphocytes B caractérisée par la présence des marqueurs CD19, CD20, CD5 et CD23, ainsi qu'une faible intensité des immunoglobulines de surface, avec un seul type de chaîne légère. La leucémie lymphoïde chronique par prolifération de lymphocytes T, très rare, s'accompagne des marqueurs CD2, CD3, et CD8.

Myélogramme

Le myélogramme est inutile au diagnostic si l'aspect morphologique du sang et l'immunophénotypage sont typiques. S'il était réalisé, il confirmerait le diagnostic en montrant une moelle riche infiltrée par des petits lymphocytes (supérieurs à 30 %) matures, monomorphes, identiques à ceux du sang.

Biopsie de la moelle

Elle est inutile mais confirmerait également l'envahissement médullaire. Celui-ci peut être nodulaire ou diffus, ou les deux. Une infiltration diffuse et dense est de mauvais pronostic.

EVOLUTION

Le pronostic d'une leucémie lymphoïde chronique dépend du stade de la maladie. Ce stade est fonction des éléments suivants : le nombre d'aires ganglionnaires atteintes (cervicales, axillaires, inguinales, rate, foie), l'importance du volume tumoral, l'existence ou non d'une anémie et/ou d'une thrombopénie.

Différentes classifications existent et reprennent ces éléments. La plus utilisée est celle de Binet qui distingue trois stades. Par sa simplicité, elle a facilité l'établissement des stratégies thérapeutiques.

L'espérance de vie est très différente suivant les stades. L'évolution de la maladie est variable, souvent indolente pendant des années, en particulier dans les stades A. Elle peut être accélérée par un développement de l'envahissement ganglionnaire plus ou moins sensible au traitement, ou par une insuffisance médullaire progressive se traduisant par une anémie, une thrombopénie et une granulopénie, qui engendrent des complications.

COMPLICATIONS

Complications infectieuses

Elles sont dues au déficit immunitaire et se caractérisent par une nette augmentation des infections bactériennes (notamment pulmonaires), virales (zona, herpès, pneumopathies à Cytomégalovirus), mycobactériennes, mycotiques et parasitaires. Ce sont les principales causes d'hospitalisation et de mortalité de la leucémie lymphoïde chronique.

Insuffisance médullaire

Elle entraîne une anémie, une thrombopénie, une neutropénie.

Complications auto-immunes

Elles se présentent sous forme d'anémies hémolytiques et thrombopénies auto-immunes.

Transformation de la maladie

La transformation en leucémie aiguë est exceptionnelle. En revanche, la leucémie lymphoïde chronique se transforme parfois :

-#gt; en leucémie lymphoïde à prolymphocytes (#gt; 55 % de cellules plus jeunes de type prolymphocytaire). Elle peut exister d'emblée ou se constituer au cours de l'évolution. Son pronostic est médiocre ;

-#gt; en lymphome à grandes cellules ou syndrome de Richter, chez 5 à 10 % des patients. Le diagnostic est évoqué devant l'augmentation asymétrique du volume d'un ganglion et confirmé sur la biopsie de celui-ci. Le pronostic est très mauvais.

Autres cancers

Chez les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique, le risque de développement d'autres cancers ne concernant pas le système hématopoïétique est accru : cancers de la peau (épithéliomas spino- et basocellulaires), cancer du côlon, cancer du poumon... Plus le sujet est âgé, plus l'association à d'autres cancers est fréquente.

Par le Dr Béatrice Paillat

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la leucémie lymphoïde chronique ?

La leucémie lymphoïde chronique est une maladie incurable. L'abstention thérapeutique est de règle chez les patients au stade A de la maladie. Les stades B et C sont traités par chimiothérapie ou par autogreffe de moelle osseuse. La greffe allogénique permettrait d'envisager une guérison au prix d'un risque de mortalité élevé.

LE TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

Il existe aujourd'hui un consensus d'abstention thérapeutique concernant les patients en stade A de la maladie. Cette démarche s'explique par le fait que l'on n'enregistre aucune prolongation de survie grâce aux médicaments à ce stade, et que les traitements proposés en première intention semblent favoriser l'apparition de cancers épithéliaux. Ainsi, les traitements présentés sont réservés aux stades B et C de la maladie. A ces stades, l'objectif est d'augmenter la durée de rémission et d'améliorer la qualité de vie du patient dans la mesure où aucun traitement n'allonge la survie.

Chlorambucil

Ce fut le premier médicament utilisé dans cette pathologie.

- Mode d'action

Le chlorambucil (Chloraminophène) est un agent alkylant appartenant à la famille des moutardes azotées. Il entraîne une alkylation de la guanine. Les pontages intra- et interbrins qui en résultent sur la double hélice d'ADN inhibent la transcription et entraînent des cassures de l'ADN du fait de l'intervention des endonucléases de réparation.

Le chlorambucil est actif sur toutes les phases du cycle cellulaire, mais son efficacité est maximale sur les cellules en multiplication.

- Posologie

Généralement prescrit à la posologie journalière de 0,1 mg/kg par voie orale en continu sur 12 à 24 mois, il est également possible de l'utiliser en cure discontinue à raison de 6 à 10 mg/m2/j durant 5 jours tous les mois.

- Efficacité

Les études montrent que le taux de réponse est de l'ordre de 70 % pour les stades A et de 60 % pour les stades B et C. Cette efficacité thérapeutique ne s'accompagne pas d'un allongement de la survie du patient, mais les patients répondant favorablement à la première cure ont une probabilité plus élevée d'être dans la partie haute de la fourchette de survie.

En cas de rechute, le chlorambucil est susceptible d'apporter une nouvelle rémission, avec toutefois une probabilité qui diminue au fil des cures.

- Effets secondaires

Les principaux effets secondaires sont une myélosuppression dose-dépendante, une hypospermie et une neurotoxicité avec crise cérébrale à forte dose.

- Association aux corticoïdes

Les corticoïdes sont souvent associés au chlorambucil. Ils font partie de beaucoup de protocoles de chimiothérapie, sans que l'on connaisse exactement leur intérêt réel. Utilisés seuls, ils ont un effet antitumoral dans environ 40 % des cas, mais de courte durée. Ils sont prescrits dans cette indication à la posologie de 1 mg/kg/j. Ils n'améliorent pas les résultats du traitement mais sont intéressants lors des phénomènes auto-immuns ou lors d'une symptomatologie B prononcée.

OÙ AGISSENT LES MÉDICAMENTS DE LA LLC ?

Analogues des purines

On trouve dans cette classe de médicaments la fludarabine, largement utilisée dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique, et la cladribine prescrite à un moindre degré car hors AMM.

La fludarabine, initialement indiquée en deuxième intention, après protocole standard comportant du chlorambucil, l'est désormais aussi en première intention pour la forme IV dans certains cas. Les comprimés sont réservés pour l'instant au traitement de deuxième intention.

- Mode d'action

Le mécanisme d'action des analogues des purines n'est actuellement pas entièrement élucidé. Ils mettent en jeu une résistance vis-à-vis d'une enzyme clé du métabolisme des purines. Cette enzyme, l'adénosine-désaminase, est ubiquitaire mais se trouve plus particulièrement concentrée au niveau des cellules lymphoïdes, expliquant la spécificité de ces médicaments.

La fludarabine (Fludara) est plus précisément un analogue de l'adénine. Transformée dans la cellule en 2-fluro-ara-AT, elle agit en analogue de la purine, bloquant la synthèse de l'ADN. Elle a aussi une action inhibitrice sur la synthèse de l'ARN.

- Posologie

Le schéma classiquement utilisé pour la fludarabine est de 25 mg/m2/j en perfusion IV durant 5 jours consécutifs, une fois par mois pendant 6 cycles.

Disponible sous forme IV à l'hôpital, Fludara existe aussi en comprimés dosés à 10 mg, disponibles en officine, inscrits sur la liste I et soumis à une prescription initiale hospitalière valable 6 mois. Seuls les hématologues, oncologues et médecins internistes ont la possibilité d'instaurer ou de renouveler le traitement. La posologie par voie orale est de 40 mg/m2/j, par cycle de 5 jours toutes les 4 semaines, avec un total de 6 à 8 cycles.

- Efficacité

Le taux de rémission avec les analogues des purines est plus élevé que celui obtenu avec le chlorambucil, la durée de rémission est aussi plus longue, mais la durée de survie globale n'est cependant pas significativement plus longue.

-#gt; Sous fludarabine, le taux de réponse est de 55 % pour les patients préalablement traités par Chloraminophène, et de 80 % pour les naïfs. La durée médiane sans progression est alors de l'ordre de 30 mois, et environ 60 % des patients ayant correctement répondu à ce traitement peuvent espérer obtenir une deuxième rémission lors de la rechute. Contrairement au chlorambucil, il n'est pas opportun d'adjoindre des corticoïdes. Il n'y a en effet aucun bénéfice clinique à en attendre, et le risque d'infections opportunistes est majoré.

-#gt; Sous cladribine (hors AMM), le taux de rémission est de l'ordre de 37 %. Il est à noter qu'il existe une résistance croisée entre fludarabine et cladribine.

- Effets secondaires

Les effets secondaires de la fludarabine sont essentiellement une myélotoxicité avec réduction du taux global de lymphocytes, une toxicité sur la lignée leucoplaquettaire, un risque infectieux suite à la neutropénie et une immunosuppression lymphocytaire. Le risque d'infection opportuniste grave ou de réactivation virale (herpès...) peut justifier selon l'état clinique du patient la prescription concomitante d'antibiotiques ou d'antiviraux.

Le profil d'effets indésirables de la forme orale est superposable à celui de la voie injectable, avec des troubles digestifs type nausées, vomissements, diarrhées plus fréquents. En cas d'insuffisance rénale si la clairance à la créatinine est comprise entre 30 et 70 ml/min, la dose est diminuée de moitié.

Les polychimiothérapies

Elles associent plusieurs molécules anticancéreuses.

- Le schéma COP

Il associe cyclophosphamide, vincristine et prednisone, et fut le premier schéma de polychimiothérapie utilisé dans cette indication. Mais les résultats attendus sont identiques à ceux obtenus avec le chlorambucil seul, ou associé aux corticoïdes, en termes de survie.

- Le schéma mini-CHOP

C'est un schéma COP auquel est ajouté 25 mg/m2 d'adriamycine une journée tous les 28 jours. Ce schéma fut le premier à donner de bons résultats dans les stades C. En effet, l'ajout d'anthracycline apporte un bénéfice en termes de réponse, mais, encore une fois, sans effet sur la survie. Les anthracyclines sont des agents ayant la propriété de s'intercaler dans la double hélice d'ADN. Ce mécanisme d'action n'est pas phase-dépendant. Cette intercalation a pour conséquence de rendre impossible l'intervention des topo-isomérases II responsables du maintien de la structure tertiaire de l'ADN. On note aussi une libération de radicaux libres qui serait à l'origine de la cardiotoxicité de cette famille de médicaments, pour des doses cumulées élevées.

- Autres schémas

Il existe encore d'autres schémas thérapeutiques, mais tous, globalement, donnent les mêmes résultats que le chlorambucil et aucun bénéfice en termes de survie.

Anticorps monoclonaux

L'alemtuzumab est actuellement le seul anticorps monoclonal ayant une indication dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique. Il est réservé à l'usage hospitalier.

- Mode d'action

L'alemtuzumab (MabCampath) est un anticorps monoclonal antilymphocytaire (anti-CD52). Il provoque la lyse des lymphocytes par l'intermédiaire du complément et d'une cytotoxicité à médiation cellulaire.

MabCampath est indiqué en troisième ligne du traitement des leucémies lymphoïdes chroniques, chez les patients pour qui le chlorambucil puis la fludarabine ont donné des résultats insuffisants.

- Posologie

La posologie est d'instauration progressive, avec 3 mg à J1, 10 mg à J2 puis 30 mg à J3. Le traitement est ensuite poursuivi à la posologie de 30 mg sur 24 heures, un jour sur deux, durant au maximum 12 semaines. Afin de minimiser les effets indésirables, il est nécessaire à chaque palier posologique de prémédiquer le sujet par 500 mg de paracétamol + 50 mg de diphénhydramine.

- Efficacité et effets secondaires

Un essai non comparatif mené sur un échantillon de taille très réduite laisse espérer un gain de survie de quelques mois sous alemtuzumab, au prix d'effets secondaires fréquents : troubles cardiovasculaires graves (notamment hypotension sévère), nausées, vomissements, céphalées, fièvre, anorexie, fatigue. Le risque principal est une immunodépression sévère.

Il est recommandé de ne pas administrer de vaccins vivants atténués dans l'année suivant un traitement par MabCampath.

LE TRAITEMENT NON MÉDICAMENTEUX

Dans les formes de maladie résistantes au traitement médicamenteux, le protocole thérapeutique peut proposer alors une autogreffe si le patient est âgé de moins de 60 ans, ou une irradiation corporelle totale s'il est plus âgé.

- L'irradiation

Dans les formes graves de la maladie, chez les patients ne répondant plus à la chimiothérapie, il est proposé une irradiation corporelle totale en deux temps, soit 2 hémicorporelles espacées de 6 mois. Mais cette technique peut aussi prendre place dans les protocoles d'intensification, en guise de conditionnement à la greffe par exemple. Enfin, l'irradiation splénique semble intéressante chez le sujet ayant une splénomégalie importante avec contre-indication à la splénectomie, mais sans allongement de la survie.

- Allogreffe et autogreffe de moelle

-#gt; La technique d'autogreffe (greffe à partir de la moelle du patient) est intéressante, offrant des durées de rémission importantes pour un taux de mortalité inférieur à 10 %. Des rémissions complètes de longue durée ont pu être observées, avec un taux de survie globale à 3 ans de plus de 80 %.

-#gt; La greffe allogénique (à partir d'un donneur compatible) entraîne un taux de mortalité très important lors de sa réalisation, de l'ordre de 30 %. En revanche, elle offre un taux de rechute bien moindre que l'autogreffe, suggérant un effet « greffon contre la leucémie » (élimination des lymphocytes monoclonaux du patient par les cellules greffées) et une éventuelle possibilité de guérison de la maladie.

- Splénectomie

La splénectomie est essentiellement utilisée dans les anémies hémolytiques auto-immunes, répondant mal ou rechutant après corticothérapie, dans les thrombopénies auto-immunes et dans les formes très volumineuses de splénomégalie. Cette opération est toujours précédée d'une vaccination antipneumococcique.

LE TRAITEMENT DES COMPLICATIONS

Complications auto-immunes

-#gt; La ciclosporine est utilisée pour traiter les érythroblastopénies, avec des résultats rapides permettant de juger de son efficacité au bout de quatre semaines.

-#gt; Les corticoïdes sont quant à eux intéressants dans les thrombopénies du stade C, permettant parfois d'obtenir une remontée plaquettaire telle qu'elle fait repasser le patient en stade B.

-#gt; Les anémies hémolytiques par autoanticorps et les purpuras thrombopéniques idiopathiques sont, eux, pris en charge de façon traditionnelle par corticoïdes à la dose de 1 à 2 mg/kg/j durant 3 semaines, ou par splénectomie.

Complications infectieuses

Les infections sont l'une des complications principales au cours de la maladie. Elles sont la cause directe du décès dans environ 50 % des cas.

Ces infections intéressent en premier lieu l'arbre respiratoire, la peau et le tractus urinaire, avec pour agents essentiels les Streptococcus pneumoniæ, les staphylocoques, les Hæmophilus influenzæ ainsi que le virus herpès-zoster.

Elles requièrent bien sûr le traitement anti-infectieux adapté.

-#gt; Les immunoglobulines polyvalentes peuvent être prescrites en cas d'hypogammaglobulinémie importante avec risque d'infections à répétition. Il s'agit dans ce cas d'un traitement prophylactique qui ne semble pas influencer l'incidence des infections virales et mycotiques. La posologie classiquement utilisée varie entre 250 et 500 mg/kg injectés toutes les 4 semaines pendant 1 an.

-#gt; De même, une vaccination antigrippale et antipneumococcique est judicieuse, tout en sachant que la réponse vaccinale est souvent de mauvaise qualité.

On instaure un traitement prophylactique des pathologies opportunistes (pneumocystose, mycobactéries atypiques) chez le patient recevant un analogue des purines et ayant des antécédents de complications infectieuses, de par la chute des lymphocytes T4 engendrée par le traitement.

PERSPECTIVES

Plusieurs études sont en cours pour définir de nouveaux schémas thérapeutiques ou étudier l'efficacité de molécules anticancéreuses déjà utilisées dans d'autres cancers. Souvent effectuées sur de très petits effectifs, ces voies de recherche méritent d'être approfondies.

Ainsi, l'utilisation d'alemtuzumab par voie sous-cutanée après fludarabine, en traitement de la maladie résiduelle, semble prometteuse.

Pour les leucémies lymphoïdes chroniques en rechute ou réfractaires, l'association fludarabine-alemtuzumab (étude FluCam) semble efficace pour un risque acceptable. Ces associations sont fondées sur des données de potentialisation pharmacologique observés in vitro. Récemment, un deuxième anticorps monoclonal, le rituximab (Mabthéra), déjà utilisé dans certains lymphomes, a montré un intérêt dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique en association avec la fludarabine et le cyclophosphamide.

Les progrès thérapeutiques passent également par une meilleure sélection des patients à traiter. De nouveaux indicateurs thérapeutiques (caractère muté ou non muté du gène des IgG des lymphocytes leucémiques, l'expression de la tyrosine-kinase ZAP-70, des anomalies cytogénétiques...) sont en cours d'évaluation dans cette optique.

Dans les essais thérapeutiques, les critères de jugement traditionnels objectifs (survie globale, survie sans évènement , données de tolérance...) sont indispensables mais non suffisants. La LLC étant une maladie chronique, il est indispensable d'évaluer également la qualité de vie des patients.

Par Frédéric Chauvelot

CONSEILS AUX PATIENTS

Rassurer le patient

La leucémie lymphoïde chronique est une maladie du sujet âgé (65 ans en moyenne), d'évolution indolente et dont la découverte est le plus souvent fortuite, lors d'un examen sanguin de routine. Son évolution est en général lente. Au premier stade de la maladie (stade A), la médiane de survie est identique à celle de la population générale du même âge. L'abstention thérapeutique est de règle. Il est important d'expliquer cette décision, souvent mal perçue par le patient, en lui expliquant que des traitements trop précoces peuvent augmenter la résistance aux traitements ultérieurs.

Repérer les signes de nouvelle poussée

Chez un patient ayant déjà été traité, il faut être attentif à tout de signe de nouvelle poussée : fatigue prolongée anormale, fièvre, amaigrissement et perte d'appétit, survenue d'infections à répétition, d'ecchymoses, de leucémides (taches de coloration rouge), de saignement des gencives et de ganglions.

En cas de doute, un examen clinique (recherche d'adénopathie, splénomégalie) et un hémogramme (recherche d'hyperleucocytose avec hyperlymphocytose #gt; 4 000/mm3) sont réalisés.

Suivre la NFS

-#gt; Toutes les analyses de sang ne nécessitent pas de se présenter à jeun. Dans le cas d'une numération-formule sanguine (NFS), un petit déjeuner léger sans beurre ni lait est autorisé. Il est recommandé de s'abstenir de faire un effort physique avant le prélèvement.

-#gt; Le patient a parfois accès à ses résultats et souhaite un « déchiffrage » de la feuille du bilan. Il est capital que le commentaire et l'analyse des données soient détaillés par le médecin traitant, en toute confidentialité. Les chiffres peuvent parfois paraître alarmants pour le patient alors que la signification clinique n'est pas proportionnelle.

Apporter un soutien au patient et à sa famille

En phase plus avancée de la maladie, angoisse, dépression, perturbation du sommeil peuvent être des plaintes fréquentes au comptoir. D'où l'importance d'établir une relation de confiance réciproque en expliquant l'objectif thérapeutique et les modalités de soins afin de favoriser une meilleure acceptation du traitement.

Ne pas hésiter à recommander un suivi psychologique (psycho-oncologie) qui aide certains à surmonter les troubles et les complications qui surviennent aux différents stades de la maladie.

Signaler les complications

Outre la progression de la leucémie, des complications d'origine virale (herpès, zona, varicelle), bactérienne (pneumopathie, septicémie) et mycosique, favorisées par l'hypogammaglobulinémie et par les déficits de l'immunité cellulaire, peuvent apparaître. Il est important d'en informer le patient afin d'assurer une prise en charge très rapide au moindre signe d'alerte (antibiotiques, antimycosiques, antiparasitaire).

Rappeler les effets secondaires

-#gt; Le chlorambucil est l'un des agents alkylants les plus utilisés en monochimiothérapie. Généralement bien toléré, il peut néanmoins occasionner une hématotoxicité des troubles gastro-intestinaux et dermatologiques, des nausées et vomissements, une hyperuricémie, une aménorrhée, une azoospermie et une neurotoxicité.

-#gt; Les effets secondaires de la fludarabine sont essentiellement l'augmentation du risque infectieux. Toute survenue de fièvre ou diarrhée doit être signalée au médecin.

-#gt; Lors d'un traitement à base de cotrimoxazole (Bactrim), éviter l'exposition aux UV en raison du risque de photosensibilisation.

Encourager le suivi

Les différents traitements (stades B et C de la maladie) doivent être utilisés sous stricte surveillance médicale avec des contrôles hématologiques réguliers.

Parfois découragé, le patient remet ces bilans biologiques à plus tard.

Cette surveillance est incontournable. Elle permet d'évaluer la réceptivité au produit (efficacité et toxicité) et de surveiller la formule sanguine tout au long du traitement.

Par Nathalie Hervé

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Attention au terme de leucémie »

Pr Michel Leporrier, chef de service hématologie du CHU de Caen, co-div de l'ouvrage « Leucémie lymphoïde chronique » (éditions John Libbey Eurotext).

Comment se passe l'annonce du diagnostic à ces patients qui sont angoissés par le terme même de leucémie ?

L'annonce du diagnostic est presque toujours mal vécue. Comme il se porte au vu de l'hémogramme, c'est parfois au laboratoire lui-même que l'on évoque le diagnostic de leucémie, alors que c'est une prérogative du médecin. Il arrive aussi que l'entourage abonde en informations non adaptées et anxiogènes. Lorsque le patient arrive en service d'hématologie, après souvent plusieurs semaines d'angoisse, sur les 45 minutes de consultation, 40 se passent à rectifier les informations, à rassurer le patient et à le convaincre qu'il ne faut pas forcément traiter dans l'immédiat.

Voit-on de plus en plus de leucémies lymphoïdes chroniques avec le vieillissement de la population ?

Depuis deux ou trois ans les méthodes d'exploration des clones lymphocytaires ont beaucoup progressé. Se pose alors la question difficile de limite entre clone et leucémie. On peut très bien découvrir un clone de lymphocyte chez un patient sans qu'il n'entraîne jamais de manifestation pathologique. Bien sûr, avec le vieillissement de la population on peut s'attendre à une augmentation du nombre de cas, mais tout est surtout affaire de définition.

Tant que le patient reste au stade A de la maladie, y a-t-il des précautions particulières de traitement des maladies intercurrentes ?

Aucune, si ce n'est la contre-indication des vaccins vivants : variole, s'il revient au goût du jour, ROR, BCG, qui ne sont pas vraiment des vaccins de la personne âgée, mais aussi fièvre jaune, qui doit rester contre-indiqué chez tout patient atteint de déficit immunitaire ou de leucémie lymphoïde chronique.

Pr Michel Leporrier, interrogé par Florence Bontemps

POUR EN SAVOIR PLUS

INTERNET

La revue de presse de Medespace

http://www.medespace.com, rubrique « France-Cancer »

Medespace est un site destiné à la formation médicale et paramédicale. Il présente à ce titre une revue de presse très étoffée, destinée aux médecins. Dans la rubrique cancérologie, pour la seule année 2003, une cinquantaine d'articles consacrés à la leucémie lymphoïde chronique, pour la plupart tirés de la revue américaine « Blood », sont accessibles en ligne, comme par exemple « Leucémie lymphoïde chronique : accumulation ou prolifération ? » ou « La présence élevée de CD20 plasmatique est associée dans la leucémie lymphoïde chronique à un mauvais pronostic ». De quoi suivre au jour le jour les progrès et tâtonnements de la médecine dans ce domaine en pleine évolution.

LIVRES

Leucémie lymphoïde chronique

Jean-Claude Brouet, Michel Leporrier, éditions John Libbey Eurotext

Cet ouvrage détaille la maladie sous toutes ses coutures et s'intéresse notamment aux caractéristiques immunologiques du lymphocyte B de la leucémie lymphoïde chronique, aux critères pronostiques et aux études thérapeutiques prospectives. Rédigé par une équipe d'hématologues hospitaliers, c'est un ouvrage ardu mais très complet.

Diagnostic différentiel

-#gt; Les hyperlymphocytoses infectieuses

Rares, elles peuvent être virales ou bactériennes. Le condiv est alors évocateur, survenant chez un sujet de moins de 40 ans. Différence essentielle : elles sont transitoires.

-#gt; Les autres syndromes lymphoprolifératifs

- Le lymphome lymphocytique : très proche de la leucémie lymphoïde chronique (LCC), de pronostic identique, il se différencie par l'absence d'hyperlymphocytose sanguine. Son point de départ est ganglionnaire et non médullaire.

- Le lymphome du manteau : le diagnostic se fait sur l'aspect cytologique, la biopsie ganglionnaire et le phénotype des lymphocytes (CD5+, CD22+, CD23-). C'est un lymphome de mauvais pronostic.

- La maladie de Waldenström : la prolifération est lymphoplasmocytaire CD5- et associée à une immunoglobuline monoclonale IgM.

- La leucémie à prolymphocytes : elle peut être considérée comme une variante de la forme typique de la LLC. Elle ne comporte pas d'adénopathie, mais une grosse rate isolée et une lymphocytose souvent importante, supérieure 100 000/mm3. Le monoclone est constitué de cellules de grande taille avec un noyau comportant de volumineux nucléoles.

- La leucémie à tricholeucocytes et le lymphome splénique à lymphocytes villeux se différencient de la LLC avec splénomégalie par l'aspect morphologique des cellules du sang et de la moelle.

Examens complémentaires

Une fois le diagnostic posé, plusieurs examens permettent d'apprécier les affections associées.

- Etude des protides par électrophorèse et immunoélectrophorèse : elle met en évidence une fréquente hypogammaglobulinémie (baisse de l'immunité humorale dans 30 à 70 % des cas) de même qu'un déficit de l'immunité cellulaire.

- Test de Coombs : à faire systématiquement, à la recherche d'une anémie hémolytique immune. En effet, dans 10 à 25 % des cas il existe une auto-immunisation, en général antiérythrocytaire, avec ou sans anémie hémolytique. Le test de Coombs est alors positif.

- Ponction ou biopsie de ganglion : elle n'est indiquée que s'il y a un doute en faveur d'une poussée lymphomateuse ou en cas de diagnostic différentiel difficile. Elle montre les mêmes cellules que les lymphocytes sanguins.

- Radio pulmonaire : elle est demandée lorsqu'on suspecte une complication au cours de l'évolution comme une pneumopathie, une transformation de la leucémie lymphoïde chronique (LCC) ou un cancer associé.

- Etude cytogénétique : rarement pratiquée, elle permet de détecter les anomalies chromosomiques présentes dans 50 % des cas, et qui sont de valeur prédictive de l'évolution de la LLC, comme la trisomie 12, la délétion en 13q, en 11q ou 17p. Elles sont souvent de mauvais pronostic, en particulier pour les délétions 17p et 11q.

Contre-indications

- Chlorambucil : grossesse et allaitement.

- Fludarabine : anémie hémolytique, insuffisance rénale (clairance à la créatinine #lt; 30 ml/min), grossesse et allaitement, galactosémie ou syndrome de malabsorption du glucose pour la forme orale.

- Alemtuzumab : infection générale évolutive, infection VIH, tumeurs malignes secondaires, grossesse et allaitement.

Stratégie thérapeutique

- Aucun médicament ne prolonge la survie des patients dans l'état actuel des essais thérapeutiques contrôlés.

- Si l'objectif est limité à un contrôle symptomatique de la maladie, la fludarabine constitue aujourd'hui la base du traitement de première intention. L'association mini CHOP fournit des résultats proches. Le chloraminophène associé ou non à des corticoïdes, est un choix qui peut s'imposer chez des sujets fragiles ou d'âge avancé.

- Si l'objectif thérapeutique est une rémission la plus complète possible pour un contrôle plus ambitieux de la maladie (option raisonnable chez des patients « jeunes » et actifs), aucun de ces traitements n'est satisfaisant à terme. On étudie actuellement l'intérêt de traitements encore expérimentaux : effet d'associations telles fludarabine + cyclophosphamide +/- anticorps monoclonal ou effet d'intensification par greffe de moelle.

- L'autogreffe peut s'utiliser chez les patients jusqu'à 60 à 65 ans. L'allogreffe, nécessitant un donneur familial histocompatible peut se faire par allogreffe classique myéloablative jusqu'à 50-55 ans, ou par mini-allogreffe (non myéloablative), moins toxique et pourtant réellement active, jusqu'à 70 ans.

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