La douleur chez l'enfant - Le Moniteur des Pharmacies n° 2491 du 24/05/2003 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2491 du 24/05/2003
 

Cahier formation

l'essentiel Dès la naissance, l'enfant est capable de ressentir la douleur. Aiguë le plus souvent, la douleur infantile répond aux mêmes mécanismes que chez l'adulte. Le traitement de la douleur de l'enfant dispose d'un éventail large de molécules. Parmi les antalgiques de palier I, le paracétamol est employé dès la naissance. L'aspirine, réservée aux plus de deux ans, est supplantée par l'ibuprofène. De nombreux AINS sont utilisables en fonction de l'âge du jeune patient. Parmi les antalgiques de palier II, la codéine peut être prescrite dès un an, la nalbuphine dès dix-huit mois, les formes à libération prolongée de tramadol seulement à partir de douze ans. La buprénorphine ne convient pas en dessous de sept ans et les suppositoires d'oxycodone n'ont pas l'AMM pour les moins de douze ans. Au palier III, la morphine n'est théoriquement prescrite qu'à partir de six mois et l'hydromorphone per os à partir de sept ans.

ORDONNANCE

La douleur postopératoire d'un enfant après amygdalectomie

Sami, trois ans, vient de subir une amygdalectomie. Le lendemain de l'intervention, il sort de l'hôpital avec un traitement antalgique (Efferalgan et Codenfan).

Dès qu'il se sera rétabli, il sera vacciné contre la rougeole, les oreillons et la rubéole.

LE CAS

Sami P., trois ans, 15 kg, vient de subir une amygdalectomie. En postopératoire immédiat, la douleur est traitée par Perfalgan et Nubain en intraveineuse. Après 24 heures de traitement, le médecin juge que l'enfant peut retourner chez lui, étant donné l'absence de signes de complications (infection...). Sami doit tout de même prendre des médicaments contre la douleur et la fièvre, systématiquement pendant 4 jours et si besoin les 6 jours suivants. Pour prévenir les infections, ses parents doivent lui laver les fosses nasales avec du sérum physiologique. De plus, le pédiatre ORL lui prescrit sa deuxième dose de ROR (rougeole-oreillons-rubéole) qui sera administrée par son médecin traitant. Pour éviter la douleur de l'injection, un patch anesthésiant (Emlapatch) doit être posé avant l'injection.

LA PRESCRIPTION

-#gt; Efferalgan pédiatrique : une dose 15 kg 4 fois par jour pendant 4 jours puis une dose 15 kg en cas de douleur ou de fièvre supérieure à 38,5 °C. Ne pas dépasser 4 prises par jour.

-#gt; Codenfan 1 mg/ml : une dose 15 kg 4 fois par jour pendant 4 jours puis une dose 15 kg (jusqu'à 4 prises par jour) si la douleur résiste.

-#gt; Sérum physiologique : faire trois lavages du nez par jour. Traitement pour 10 jours.

-#gt; ROR Vax : une dose

-#gt; Emlapatch : une boîte.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Cette ordonnance ne présente pas d'interaction médicamenteuse.

Emlapatch ne doit pas être utilisé préalablement à l'injection intradermique d'un vaccin vivant (BCG) en raison des propriétés antibactériennes des principes actifs. L'anesthésique diffuse dans la couche cornée, l'épiderme et le derme pour atteindre les terminaisons nerveuses superficielles. ROR Vax est un vaccin à virus vivants atténués dont l'administration se fait en sous-cutané (hypodermique) ou intramusculaire. Il n'y a donc pas d'interaction entre la pose d'Emlapatch et la vaccination ROR.

ANALYSE DES POSOLOGIES

-#gt; La posologie d'Efferalgan pédiatrique est conforme à celles de l'AMM.

-#gt; Pour Codenfan, le dispositif doseur est gradué en mg (de 1 à 15 mg) et non en kg. Aussi est-il prudent d'appeler le médecin pour l'en informer afin qu'il modifie sa prescription et l'exprime en mg par prise. La posologie peut varier de 0,5 à 1 mg/kg par prise, 4 fois par jour : le médecin confirme la dose de 0,75 mg/kg 4 fois par jour soit, pour Sami, 11 mg à chaque prise.

-#gt; Une seconde dose du vaccin ROR est recommandée entre 3 et 6 ans.

-#gt; Pour Emlapatch, chez un enfant de 3 ans, la dose recommandée varie de 1 à 2 g. La prescription (un pansement) est conforme aux posologies de l'AMM.

AVIS PHARMACEUTIQUE

Le médecin a décidé de prescrire d'emblée un analgésique de palier I (paracétamol) et un analgésique de palier II (codéine). Cette association se justifie dans le cadre d'une chirurgie touchant la sphère ORL comme l'amygdalectomie. L'enfant pourra reprendre une alimentation normale le plus rapidement possible, facteur favorisant le rétablissement. De plus, l'association paracétamol-codéine est synergique. Le paracétamol traite la fièvre fréquemment observée en postopératoire. En revanche, les parents doivent jongler avec une posologie exprimée en dose/kg pour Efferalgan et une autre en mg/kg pour Codenfan. De plus, la cuillère-mesure d'Efferalgan n'est graduée que de 2 en 2 kg. Comme Sami pèse 15 kg, il est difficile d'ajuster la dose.

- Les lavages du nez au sérum physiologique sont à recommander systématiquement chez les enfants sujets aux infections ORL récidivantes, car ils assurent une bonne hygiène de la sphère ORL et diminuent le risque de surinfection. Ils facilitent l'élimination du sang résiduel après une intervention. Ils permettraient aussi de diminuer l'inflammation locale et sont donc utiles à la cicatrisation.

- La vaccination n'a aucun caractère d'urgence ; la seconde dose du ROR est à injecter entre 3 et 6 ans.

- Emlapatch est intéressant dans la prévention de la douleur lors de vaccinations. Il combine l'action pharmacologique des deux anesthésiants ainsi qu'une action psychologique indirecte car l'enfant est prévenu qu'avec ce patch il n'aura pas mal. Ceci supprime l'appréhension qui peut exister lors de vaccinations ou de prélèvements sanguins. Le patch est plus commode que la crème pour Sami car cette dernière est présentée en tube de 5 g sans graduation ou système doseur alors que la dose par patch est exactement de 1 g.

MISE EN PLACE DU TRAITEMENT

Les examens préalables sont l'évaluation de la douleur de l'enfant par des échelles adaptées à son âge.

Un examen de la gorge et la prise de la température, reflets de l'infection, sont également réalisés, aucun examen biologique n'est nécessaire.

Contacter le médecin

Appeler le médecin pour lui faire confirmer la posologie de Codenfan en mg par prise et non en dose/kg.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Efferalgan 3 % pédiatrique (paracétamol)

- Antalgique antipyrétique.

- Indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs d'intensité légère à modérée et/ou des états fébriles.

- La posologie est de 60 mg/kg/jour en 4 ou 6 prises soit environ 15 mg/kg toutes les 6 heures.

-#gt; Codenfan 1 mg/ml (codéine)

- Analgésique opioïde, agoniste morphinique pur.

- Indiqué chez l'enfant à partir de 1 an dans les douleurs modérées à intenses ne répondant pas à l'utilisation d'antalgiques périphériques utilisés seuls.

- A partir de 1 an, la dose recommandée est d'environ 0,5 à 0,75 mg/kg 4 fois par jour, de préférence toutes les 6 heures. Si la douleur est intense, l'administration peut avoir lieu toutes les 4 heures sans dépasser 6 prises par jour. Ne pas dépasser la dose de 1 mg/kg par prise et 6 mg/kg/jour.

-#gt; ROR Vax (vaccin rougeoleux, des oreillons et rubéoleux atténué)

- Poudre constituée de virus vivants atténués des 3 maladies.

- Indiqué dans la prévention conjointe des trois pathologies à partir de 12 mois.

- Le calendrier vaccinal recommande une première injection à un an, une seconde entre 3 et 6 ans par voie SC ou IM. Après l'âge de 6 ans, pour les enfants n'ayant pas été vaccinés ou n'ayant reçu qu'une dose, la vaccination est recommandée en une seule injection.

-#gt; Emlapatch (lidocaïne, prilocaïne)

- Association de deux anesthésiques locaux.

- Indiqué dans l'anesthésie par voie locale de la peau saine.

- Le nombre de pansements à appliquer dépend de la surface à traiter : 1 g (soit un pansement adhésif) pour une surface à anesthésier de 10 cm2 au moins une heure avant l'application. Les doses maximales par application sont de un patch de 0 à 3 mois, 2 patchs de 3 à 12 mois, 10 g de crème de 12 mois à 6 ans, 20 g de crème de 6 à 12 ans et 50 g au delà de 12 ans.

SUIVI DU TRAITEMENT

Aucun suivi biologique n'est requis pour ce type de traitement, mais la survenue éventuelle d'effets indésirables peut justifier une prise en charge.

Avec Efferalgan

De rares cas d'allergies au paracétamol peuvent entraîner l'arrêt du traitement. L'autre risque majeur est le surdosage, impliquant de ne pas associer deux spécialités contenant du paracétamol.

Avec Codenfan

La codéine est métabolisée en métabolite actif de façon génétiquement déterminée. Chez les métaboliseurs lents du cytochrome P4502D6 (7 % de la population), ce métabolite n'est pas formé et il n'y a pas d'effet antalgique. Le traitement par la codéine peut donc ne pas être efficace.

Si une constipation apparaît un laxatif type lactulose peut être proposé.

La codéine provoque une somnolence. Cet effet ne peut être prévenu car les administrations sont à répartir sur la journée et non uniquement le soir. Cependant il est important que l'entourage s'assure que l'enfant ne présente pas de tendance anormale à la somnolence, auquel cas il faudrait réévaluer la posologie journalière.

Avec Emlapatch

L'huile de ricin contenue dans la formule peut entraîner un risque de sensibilisation chez l'enfant de moins de 3 ans. Une rougeur ou une pâleur de la peau peuvent apparaître mais régressent spontanément.

CONSEILS AU PATIENT

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Efferalgan pédiatrique : la cuillère permet d'administrer la dose nécessaire en fonction du poids de l'enfant. Les administrations doivent être espacées de préférence de 6 heures mais elles sont à adapter au sommeil de l'enfant. L'absorption n'est pas influencée par les repas. La solution peut être employée pure ou diluée dans une petite quantité de boissons (eau, lait, jus de fruits). Après ouverture, le flacon se conserve 6 mois à température ambiante. -#gt; Codenfan : le dispositif doseur est gradué de 1 à 15 mg. Les repas sont sans influence. Les doses sont à espacer de 6 heures. Le flacon se conserve 30 jours après ouverture. -#gt; Sérum physiologique : utiliser des unidoses de 5 ml et les jeter après chaque lavage.

Prendre systématiquement les antalgiques

Le traitement doit être pris de manière systématique pour prévenir le retour de la douleur.

Les parents de Sami doivent lui administrer régulièrement Efferalgan et Codenfan. Pour ces deux médicaments, les prises systématiques permettent d'éviter les oscillations de douleur ou de fièvre. Le traitement est prévu pour 10 jours. Si la douleur persiste, il faut reconsulter.

Ne jamais laisser les flacons à portée de l'enfant.

Avec Efferalgan

N'administrer aucun autre antalgique sans avis médical (risque d'addition des doses de paracétamol). Pour Sami qui pèse 15 kg, ses parents doivent par précaution se placer à la graduation 14 kg pour chaque prise. La suspension buvable a un arôme caramel-vanille. Noter la date d'ouverture sur le flacon. Une fois ouvert, il peut se conserver 6 mois à température ambiante.

Avec Codenfan

Alerter les parents sur le fait que Codenfan peut entraîner somnolence et troubles digestifs (constipation, nausées). Il faut reconsulter s'ils sont trop importants.

Ce sirop à l'arôme fruits rouges-vanille se conserve un mois et ne doit jamais être réutilisé sans avis médical.

Avec ROR Vax

Attendre le rétablissement de Sami pour faire pratiquer l'injection dans le deltoïde.

Le vaccin doit être conservé au frais (dans la porte du réfrigérateur ou dans le bac à légumes).

Avec Emlapatch

Le patch doit être appliqué à l'endroit de la vaccination (derrière l'épaule) sur une peau saine, propre et sèche. Le pansement adhésif doit être appliqué au moins une heure avant l'intervention. Veiller à ce que la pastille blanche contenant la crème recouvre la surface à anesthésier. Ne pas appuyer dessus. A la fin du délai d'application, retirer le résidu de l'émulsion avec une compresse. Ceci pourra être effectué par le médecin. L'anesthésie obtenue persiste 1 à 2 heures. Au moment de l'application, il faut noter l'heure sur le pansement. Au-delà de 4 heures d'application, l'effet anesthésiant diminue.

Lors de l'application, il faut expliquer à l'enfant l'intérêt du patch et pourquoi il doit le garder sans y toucher.

Lavage du nez, la bonne technique

Les lavements du nez au sérum physiologique sont à faire une narine après l'autre. Sami peut être en position assise ou debout. Il doit se moucher préalablement. Lui faire incliner la tête sur le côté et introduire la solution dans la narine supérieure, laisser le liquide s'écouler, essuyer puis changer de côté.

Par Carole Gilles, Stéphanie Micard, Olivier Bourdon, Pr Françoise Brion, pharmacie de l'hôpital Robert-Debré et pharmacie clinique de la faculté de pharmacie de Paris-V

PATHOLOGIE

Qu'est-ce que la douleur ?

A la question de l'existence de douleurs au cours de l'hospitalisation, 56 % des parents, 54 % des infirmières et 59 % des enfants entre 5 et 15 ans répondent par l'affirmative.

Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, la douleur est intrinsèquement suggestive (sensation et émotion sont deux éléments que l'enfant, et lui seul, peut apprécier). Il n'y a pas de parallélisme entre l'étendue de la lésion et la sévérité de la douleur perçue.

Chez l'enfant, cela implique un développement cognitif suffisant pour repérer et identifier cette expérience, mais aussi pour la communiquer à l'entourage de façon appropriée.

PHYSIO-PATHOLOGIE

Quatre conditions sont nécessaires pour ressentir une douleur :

-#gt; l'existence d'une information qui représente le message douloureux ;

-#gt; la propagation de ce message par les voies spécifiques vers les centres supérieurs ;

-#gt; l'intégration de ces informations au niveau du cerveau ;

-#gt; la mémorisation de l'expérience vécue et son expression éventuelle.

Ces quatre conditions sont réunies dès la naissance, même chez le prématuré, indépendamment de sa faculté à verbaliser ou à communiquer. Les structures anatomiques, métaboliques et fonctionnelles qui permettent de percevoir la douleur sont fonctionnelles à la 26-28e semaine de vie intra-utérine.

Les enfants, y compris en période néonatale et même s'ils sont prématurés, réagissent à la douleur parfois de façon plus importante que les adultes.

La douleur aiguë, sensation vive et cuisante, est de loin la plus fréquente. La douleur chronique (d'évolution prolongée) semble rare chez l'enfant. Les douleurs récurrentes (douleurs abdominales, migraines et céphalées...) s'expriment comme une douleur aiguë répétitive, mais peuvent se traduire également dans un temps plus ou moins bref par des signes de douleur chronique.

Comme chez l'adulte, chez l'enfant, quatre grands types de mécanismes de douleur sont différenciés.

Les douleurs liées à des excès de nociception

Le processus pathologique (plaie, brûlure, fracture, prise de sang, geste chirurgical...) stimule en périphérie les nocicepteurs et le message est transmis vers les structures centrales. Ce type de douleur peut être supprimé par l'utilisation d'antalgiques (paracétamol, anti-inflammatoire non stéroïdien ou morphinique) ou par l'interruption de la transmission du message grâce aux anesthésiques locaux. La douleur doit être traitée de façon efficace à sa phase initiale, car une stimulation prolongée des nocicepteurs peut entraîner des modifications au niveau du système nerveux central (phénomène de plasticité) susceptibles de favoriser la pérennisation du phénomène douloureux.

Les douleurs neuropathiques

Elles résultent d'un dysfonctionnement du système nerveux périphérique ou central.

La douleur est perçue même en dehors de toute stimulation, ou bien après une stimulation douce qui, habituellement, n'entraîne pas de douleur.

Les lésions causales sont très diverses : section de rameaux nerveux au cours d'une intervention chirurgicale, envahissement tumoral, compression du nerf fémorocutané par le port d'un vêtement trop serré...

Ces douleurs ne répondent pas bien aux antalgiques classiques. Elles sont souvent améliorées par les antiépileptiques et les antidépresseurs

Les douleurs idiopathiques

Leur mécanisme physiopathologique reste imparfaitement élucidé. C'est souvent au stade chronique, après avoir tout éliminé (bilan minutieux clinique et paraclinique négatif), que ce diagnostic finit par être reconnu. Les douleurs abdominales récurrentes entrent dans ce cadre.

Les douleurs d'origine psychogène

Ce diagnostic est retenu lorsque le bilan clinique et paraclinique complet est négatif et qu'il existe une sémiologie psychopathologique associée (anxiété...).

SIGNES CLINIQUES

Chez l'enfant de plus de cinq ans

L'enfant de plus de cinq ans commence à avoir une bonne maîtrise de son corps et un vocabulaire conséquent. Il est donc le plus souvent capable d'exprimer sa douleur (siège, intensité...). Les méthodes d'autoévaluation sont alors fiables.

- L'échelle visuelle analogique (EVA)

Elle doit être utilisée dès que possible. C'est la méthode d'autoévaluation de référence. Cette méthode simple, rapide, facilement reproductible, permet de suivre le niveau de douleur de l'enfant et les modifications dues à la thérapeutique.

- L'échelle verbale simple

Elle est parfois plus facilement utilisable. Il s'agit d'une échelle à 4 niveaux, attribuant un qualificatif à l'intensité douloureuse : douleur absente (0), faible (1), modérée (2) ou intense (3).

- Le dessin

C'est un moyen de communication très intéressant. L'enfant choisit une échelle de couleur (fréquemment le rouge pour représenter une douleur importante et le vert pour représenter l'absence de douleur), puis colorie la région douloureuse sur un schéma du corps de face et de dos (un « bonhomme douleur »). Cette technique a l'avantage de redonner une valeur à ce qu'éprouve l'enfant dans son corps.

- Les planches de visage

Elles représentent différents stades entre le plaisir et la détresse. L'enfant doit choisir le visage qui représente non pas celui qu'il fait voir aux autres, mais ce qu'il éprouve tout au fond de lui-même. Cette échelle reflète surtout l'aspect émotionnel du vécu de la douleur. Elle a l'inconvénient de pouvoir être confondue avec une échelle de l'humeur.

Chez le petit enfant

De dix-huit mois à cinq ans, une douleur peut avoir des manifestations cliniques très diverses.

Les méthodes d'hétéroévaluation sont les seules utilisables : les soignants sont contraints d'essayer eux-mêmes de déterminer s'il existe ou non une douleur et quelle est son intensité.

Des échelles d'observation du comportement ont été mises au point et validées. Les plus simples sont utilisées pour mesurer l'intensité d'une douleur aiguë dans le condiv postopératoire. Les plus compliquées sont réservées à l'évaluation des douleurs prolongées. La douleur qui évolue depuis plusieurs mois est une maladie à part entière du fait d'un ensemble de répercussions plus ou moins marquées sur l'humeur, les activités, le sommeil et le comportement.

- Les signes émotionnels

L'agitation, les cris, les pleurs, les larmes, les grimaces sont les marqueurs classiques de douleur aiguë. Cependant ces signes émotionnels ne sont pas spécifiques de la douleur et peuvent tout aussi bien se manifester en cas de colère, d'anxiété, d'inconfort... Il est important de tenir compte de l'avis des parents qui savent reconnaître les différentes modalités de pleurs de leur enfant et d'apprécier comment celui-ci se calme grâce à la voix de la mère, dans ses bras ou avec sa tétine...

- Les signes spécifiques

Aux signes émotionnels peuvent s'associer des signes plus spécifiques de la douleur : l'enfant peut garder une position antalgique. Il peut avoir des gestes de retrait et de protection de la zone douloureuse ou au contraire tenter de passer la main sur celle-ci. Il peut boiter ou éviter tout mouvement.

- Les signes de douleur durable

En cas de douleur durable, les signes émotionnels peuvent s'effacer : enfant trop sage, prostré, refusant le jeu, le contact et la communication. Un état d'atonie psychomotrice s'installe : l'enfant reste immobile, le corps figé (attitude fixée, hypertonique), le regard triste. Cette atonie psychomotrice régresse complètement en quelques heures dès qu'un traitement antalgique efficace est administré.

- Les manifestations neurovégétatives

Lorsque la douleur est vive, elle peut avoir des manifestations neurovégétatives : augmentation de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque ou, au contraire, réaction vagale avec pâleur, bradycardie et brève perte de connaissance.

Chez les tout-petits

Des échelles se basant sur les réactions faciales, corporelles et les gestes d'évitement ont été mises au point pour les moins de 18 mois.

« BONHOMME DOULEUR » L'enfant choisit des couleurs (par exemple rouge, rose, jaune et vert) et établit une échelle (par exemple le rouge représente une douleur très forte, le rose une douleur forte, le jaune une douleur modérée et le vert l'absence de douleur), puis dessine les zones douloureuses sur le bonhomme.

ÉTIOLOGIES

L'étiologie de la douleur est différente selon l'âge et selon le condiv.

En ville

-#gt; Les douleurs aiguës sont plus fréquentes : traumatismes (chutes, coups), pathologies ORL (otites et angines essentiellement), pathologies abdominales aiguës (gastroentérites), pathologies du sport.

-#gt; Les douleurs récurrentes ne sont pas rares non plus : douleurs abdominales (10 % des enfants d'âge scolaire ont « un côlon irritable »), maux de tête (4 % des enfants souffrent de migraines et le même pourcentage de céphalées de tension), douleurs ostéoarticulaires de croissance (15 %) et dorsalgies (un quart des adolescents).

-#gt; Les actes chirurgicaux effectués en ambulatoire sont aussi une source de douleurs péri-, préopératoires (prélèvement sanguin pour étude de l'hémostase...) et postopératoires (adénoïdectomie, circoncision, cure de hernie inguinale ou d'ectopie testiculaire, amygdalectomie...).

ÉCHELLE FPS (FACIAL PAIN SCALE) Cette échelle d'évaluation propose 6 visages. La consigne est : « Montre-moi le visage qui a mal autant que toi. »

A l'hôpital

Les situations à risque de douleur intense sont fréquentes : pathologies médicales aiguës (pneumonie, gastroentérite, pyélonéphrite, méningite), pathologies médicales chroniques en phase aiguë (drépanocytose, rhumatismes inflammatoires...), pathologies chirurgicales (appendicite aiguë...) et cancer.

A la douleur relevant de la maladie s'ajoute celle des soins, dans un but diagnostique ou thérapeutique.

ÉCHELLE EVA Dans l'échelle visuelle analogique (EVA), l'intensité de la douleur est figurée par une ligne droite de 100 mm graduée de 0 (absence de douleur) à 100 (douleur maximale). A l'aide d'un curseur situé sur le recto de la réglette, l'enfant indique l'intensité de la douleur ressentie. Le verso de la réglette permet au clinicien de quantifier numériquement cette donnée. L'intervention thérapeutique est indispensable dès que le niveau est supérieur à 30/100.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

La douleur est incontestablement un signal d'alarme et aucune douleur durable n'est « profitable » à l'enfant. Il est inconcevable de laisser vivre une douleur au seul fait qu'elle permettrait à l'enfant de se souvenir ou d'éviter de refaire la même bêtise. La douleur, lorsqu'elle persiste, a des effets délétères chez l'enfant. Au plan somatique, elle entrave le processus de réparation tissulaire, essentiel après un acte chirurgical.

La morbidité et la mortalité postopératoires peuvent être plus élevées en cas de mauvaise prise en charge de la douleur.

Sur le plan psychologique, après un épisode douloureux intense et prolongé, l'enfant peut garder pendant quelques mois des troubles du sommeil, des terreurs nocturnes et des troubles de l'appétit. De plus, il a été récemment démontré qu'une douleur subie en période néonatale pouvait modifier les réactions comportementales futures de l'enfant (processus de mémorisation de la douleur).

Par le Dr Olivier de Pamphilis

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la douleur chez l'enfant ?

La prise en charge de la douleur chez l'enfant requiert les mêmes médicaments que chez l'adulte. Bien sûr, les AMM sont plus ou moins restreintes en fonction de l'âge. Certains principes actifs et certaines formes galéniques restent cependant réservées aux adultes (noramidopyrine, néfopam, dextropropoxyphène...).

LES ANTALGIQUES

La classification usuellement suivie pour définir les classes d'antalgiques et pour établir la stratégie thérapeutique est celle de l'OMS.

QUEL PALIER THÉRAPEUTIQUE CHOISIR ?

Les antalgiques de palier I

Les antalgiques de palier I ou non opioïdes n'ont pas tous les mêmes activités pharmacologiques. On distingue les antalgiques antipyrétiques tels que le paracétamol et les antalgiques antipyrétiques anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dont l'aspirine. Ils traitent la douleur légère à modérée.

- Le paracétamol

Le paracétamol est utilisé en première intention dans le traitement symptomatique des affections fébriles et/ou douloureuses d'intensité faible.

-#gt; Par voie orale et rectale, il est employé à la posologie de 60 mg/kg/j en 4 à 6 fois, sans dépasser 80 mg/kg/j chez l'enfant de moins de 37 kg. La dose maximale quotidienne chez l'enfant de 38 à 50 kg est de 3 g/jour et 4 g/jour chez l'enfant de plus de 50 kg, comme chez l'adulte. Per os, l'action est obtenue 20 à 60 minutes après la prise alors que par voie rectale ce délai est plus long. Pour ces deux voies, la durée d'action est de 4 à 6 heures. Par voie injectable, la posologie est identique à celle de la voie orale, sauf chez le nouveau-né de moins de 10 jours : 7,5 mg/kg/injection, 4 fois par jour.

-#gt; Les effets indésirables du paracétamol sont dominés par l'hépatotoxicité. Elle peut survenir en cas de surdosage aigu (dose ingérée supérieure à 150 mg/kg chez l'enfant) ou à des doses thérapeutiques, notamment en cas d'insuffisance hépatique ou chez l'enfant dénutri. La prise en charge doit alors être faite en milieu hospitalier avec administration précoce de son antidote : la N-acétylcystéine.

Les éruptions cutanées et la thrombopénie sont deux réactions allergiques exceptionnelles.

La prise de paracétamol peut fausser les dosages de la glycémie et de l'uricémie.

- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) agissent par inhibition de la synthèse des prostaglandines au niveau périphérique, principalement en bloquant les cyclo-oxygénases (cox) de types 1 et 2. Selon la dose, l'AINS peut être employé comme analgésique-antipyrétique ou anti-inflammatoire.

Les AINS sont particulièrement indiqués dans les pathologies de la sphère ORL, la chirurgie (surtout orthopédique) et les dysménorrhées.

-#gt; L'aspirine est indiquée dans le traitement des affections fébriles et/ou douloureuses d'intensité faible avec ou sans composante inflammatoire. Per os, la posologie de l'aspirine dépend du poids de l'enfant et varie de 25 à 50 mg/kg/jour. Le délai d'action est de 30 minutes pour une durée de 4 à 6 heures. Chez l'enfant, il faut lui préférer le paracétamol. L'aspirine présente un intérêt principalement à faible dose, dans la maladie de Kawasaki, et, à forte dose, dans l'arthrite chronique juvénile.

-#gt; L'ibuprofène, l'acide niflumique, l'acide tiaprofénique, le diclofénac, le naproxène et l'acide méfénamique sont très antalgiques. L'ibuprofène est le principe actif le plus utilisé. Son action antalgique a été démontrée dans le traitement de la douleur de la pharyngite aiguë, de l'otite moyenne aiguë et de la douleur dentaire. Sa posologie est de 20 à 30 mg/kg/jour en 3 ou 4 fois jusqu'à 40 mg/kg/jour au maximum.

L'intoxication à l'ibuprofène survient pour des posologies supérieures à 400 mg/kg par prise. Elle se traduit par une acidose métabolique sévère mais réversible.

-#gt; Les troubles gastro-intestinaux (nausées, gastralgies et hémorragies) sont les principaux effets indésirables des AINS.

L'aspirine présente également des risques d'hémorragies (épistaxis, purpura), du fait de l'effet antiagrégant plaquettaire, et un risque de syndrome de Reye. En raison de ce dernier risque, l'acide acétylsalicylique doit être évité chez l'enfant de moins de deux ans (après 2 ans, le risque est moindre) et est contre-indiqué en cas de varicelle ou de virose.

-#gt; Il est inutile d'associer des molécules du même palier, sauf pour le paracétamol associé aux AINS si l'on recherche une action anti-inflammatoire. Il ne faut jamais associer deux AINS car l'efficacité n'est pas meilleure et les effets indésirables s'additionnent. L'association de deux médicaments de niveaux différents peut être synergique. Il est notamment conseillé d'associer le paracétamol ou l'ibuprofène aux médicaments du palier II ou III.

COMMENT AGISSENT LES ANTALGIQUES ?

Les antalgiques de palier II

Ce sont les opioïdes faibles. Ils traitent la douleur modérée à sévère ou non soulagée par des médicaments du palier I. Les deux molécules plus particulièrement recommandées chez l'enfant sont la codéine et la nalbuphine.

- La codéine

Sa métabolisation en morphine en fait un agoniste pur. L'efficacité de la codéine est 5 à 10 fois plus faible que celle de la morphine. L'effet analgésique apparaît à partir de 20 minutes et est maximal au bout de 1 à 2 heures. La durée d'action est d'environ 5 heures. La codéine est le plus souvent associée au paracétamol, l'activité analgésique étant synergique.

-#gt; Utilisable dès l'âge de un an, elle est indiquée dans les douleurs modérées, principalement en ORL, en traumatologie postopératoire, après une amygdalectomie, lors d'une crise drépanocytaire modérée et lors du relais après morphine à des posologies quotidiennes oscillant entre 2 et 4 mg/kg sans dépasser 6 mg/kg.

-#gt; La constipation, les nausées, les vomissements et la sédation sont les effets indésirables les plus fréquents.

La codéine est métabolisée dans le foie grâce au cytochrome P450 2D6 ; donc, chez les métaboliseurs lents (5-7 % de la population), il n'y a pas ou peu d'effet antalgique.

- La nalbuphine

Cet agoniste-antagoniste est un morphinique très utilisé chez l'enfant malgré son effet plafond. Son action antalgique est qualitativement identique à celle de la morphine, mais elle n'existe que sous forme injectable ; or, en première intention, la voie orale est toujours préférée. Son affinité faible pour les récepteurs morphiniques permet de l'antagoniser par la naloxone (Narcan), antidote de l'intoxication aux opiacés.

-#gt; La nalbuphine est utilisée dans les douleurs aiguës modérées à sévères postopératoires mais aussi néoplasiques, chez l'enfant de plus de 18 mois. Les doses préconisées sont de 0,2 mg/kg par voie intraveineuse lente ou sous-cutanée, 4 à 6 fois par jour. Le délai d'action est de 2 à 3 minutes après administration IV, 20 à 30 minutes en IM ou SC. La durée d'action est de 3 à 4 heures.

-#gt; Les effets indésirables de la nalbuphine sont minimes : somnolence, vertiges, nausées, sécheresse buccale, céphalées et, plus rarement, troubles de l'humeur ou troubles visuels.

- Le tramadol

Il agit par fixation sur les récepteurs opioïdes de type mu et par inhibition du recaptage de la noradrénaline et de la sérotonine.

-#gt;Il est indiqué chez l'enfant de plus de 12 ans à une posologie moyenne de 100 mg 2 fois par jour par voie orale, sous forme LP, dans le traitement des douleurs modérées à intenses de type chronique.

Per os, son activité analgésique semble être trois fois moindre que celle de la morphine, mais il permet le maintien prolongé de l'effet analgésique pendant 12 heures.

-#gt; Les effets indésirables les plus courants sont les vertiges, une somnolence, une sécheresse buccale et une sudation. Les effets d'une intoxication au tramadol sont comparables à ceux des autres opioïdes (dépression respiratoire, myosis punctiforme, trouble de la conscience, risque d'oedème aigu du poumon).

- La buprénorphine

Cet agoniste-antagoniste morphinique est plus puissant que la morphine mais son efficacité thérapeutique est moindre en raison du caractère partiel de l'agonisme mu. Cependant la liaison de la buprénorphine aux récepteurs mu est si forte que la naloxone, en cas de surdosage, est peu efficace. Son emploi reste exceptionnel.

-#gt; Elle est inefficace par voie orale en raison d'un effet de premier passage hépatique important mais évité par voie sublinguale. Le délai d'action est de 15 à 45 minutes pour une durée de 6 à 8 heures. La posologie, chez l'enfant de plus de sept ans, est de 6 µg/kg/24 heures.

- L'oxycodone

Agoniste opioïde pur, son action antalgique est similaire qualitativement à celle de la morphine. Seuls les suppositoires ont l'AMM à partir de douze ans (1 à 4 suppositoires par jour).

-#gt; Cette spécialité est indiquée dans le traitement symptomatique des douleurs intenses et/ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible.

L'utilisation de la voie rectale doit être la plus courte possible en raison du risque d'intolérance locale.

Les antalgiques de palier III

Ce sont les opioïdes forts. Ils traitent la douleur intense ou sévère d'emblée ou lorsqu'elle est non soulagée par des antalgiques du palier précédent. Les antalgiques du palier III sont prescrits dans les douleurs intenses ou rebelles, qu'elle qu'en soit l'étiologie. Ils ne doivent plus être réservés aux enfants en phase terminale.

- La morphine

La morphine est un agoniste pur. C'est l'antalgique de choix du palier III. On préfère toujours débuter par la voie orale, bien que la biodisponibilité soit faible, car l'utilisation de la voie intraveineuse impose, outre la surveillance de l'effet antalgique, une surveillance de la fréquence respiratoire et de la sédation.

-#gt; L'AMM n'est valable qu'à partir de 6 mois mais ce médicament est utilisé chez l'enfant plus jeune sous surveillance médicale. Pour la voie orale, il existe des formes à libération immédiate à administrer toutes les quatre heures (solutions, gélules ou comprimés de morphine) ou de façon prolongée (sulfate de morphine en gélules ou comprimés LP), à administrer toutes les 12 heures pour une adaptation posologique plus aisée. En général, per os, la posologie est de 1 à 5 mg/kg/j.

Par voie intraveineuse, il est conseillé de faire une titration en injectant une première dose de 0,1 mg/kg suivie de doses de 0,025 mg/kg toutes les 5 minutes, jusqu'à l'obtention d'une analgésie satisfaisante. La dose totale ainsi injectée est ensuite administrée toutes les 4 heures. Les pompes d'analgésie autocontrôlée sont utilisables chez l'enfant à partir de 6 ans.

En pratique, on utilise l'équivalence suivante entre les voies d'administration : 10 mg IV = 15 mg SC = 30 mg voie orale.

-#gt; L'administration de morphine nécessite une surveillance : analgésie, sédation, fréquence respiratoire, prise en charge psychologique de l'enfant et des parents et suivi des effets indésirables.

-#gt; Les effets indésirables des morphiniques sont la constipation, la sédation, les nausées, la dépression respiratoire (rarement vue en situation chronique), la rétention urinaire, le prurit et les hallucinations. Un traitement symptomatique de la constipation doit être systématiquement associé au traitement morphinique (lactulose, mannitol, sorbitol). Le risque de toxicomanie donc de dépendance psychique n'existe pas quand la morphine est utilisée à visée antalgique. En revanche, il existe un risque de dépendance physique qui se manifeste par un syndrome de sevrage survenant lors de l'association aux agonistes-antagonistes morphiniques ou lors de l'arrêt brutal d'un traitement prolongé.

- Les autres morphiniques

-#gt; Le fentanyl

Cet agoniste pur et fort est utilisé principalement en réanimation ou au bloc opératoire, sous forme injectable. Sous cette forme, il est réservé à l'usage hospitalier. Les patchs, disponibles en ville, sont réservés à l'adulte du fait de l'inadaptation des dosages à l'enfant.

-#gt; L'hydromorphone

Cet agoniste opioïde pur a une action antalgique qualitativement identique à celle de la morphine. Il est indiqué dans le traitement des douleurs intenses d'origine cancéreuse en cas de résistance ou d'intolérance à la morphine, dans le cadre de la rotation des opioïdes.

Indiqué chez l'enfant de plus de sept ans, la posologie dépend de la douleur. Une dose de 4 mg d'hydromorphone per os correspond à 30 mg de sulfate de morphine.

COANTALGIQUES

Ils peuvent être associés aux médicaments des trois paliers de l'OMS et sont choisis selon les signes.

Les antispasmodiques

Lors de douleurs viscérales spastiques, ils sont prescrits par voie orale : phloroglucinol en lyoc (Spasfon) à raison de 80 mg 2 fois par jour, tiémonium (Viscéralgine sirop, à la posologie de 6 mg/kg/j) ou trimébutine (Débridat sirop, à la dose de 4,8 mg/kg/jour) dès l'âge de 1 mois.

Les corticoïdes

Ils sont peu utilisés, de manière prolongée, en dehors de pathologies cancéreuses et de soins palliatifs. Ils peuvent être d'un grand secours en cas de pathologie de type inflammatoire, en présence d'une contre-indication aux AINS.

Les benzodiazépines

Les formes orales sont réservées aux situations cliniques où il existe un facteur d'angoisse pouvant aggraver le vécu douloureux.

A l'hôpital, le midazolam (Hypnovel) est utilisé en prémédication de gestes douloureux du fait de son élimination rapide.

Les autres

La carbamazépine, le clonazépam ou les antidépresseurs notamment tricycliques sont davantage employés dans les douleurs neuropathiques. Ils ne bénéficient pourtant d'aucune autorisation de mise sur le marché chez l'enfant dans cette indication.

QUELLES SONT LES INTERACTIONS AVEC LES ANTALGIQUES CHEZ L'ENFANT ?

ANESTHÉSIQUES LOCAUX

Ils sont encore sous-employés en pédiatrie. La crème Emla (prilocaïne + lidocaïne) est utilisée en analgésie préventive. Elle induit une réduction de la douleur et de l'appréhension. Elle est employée sous pansement occlusif ou sous forme de patch à poser 1 à 2 heures avant l'effraction cutanée (vaccin, ponctions...). L'idéal est de retirer la crème une vingtaine de minutes avant la ponction car elle peut induire une vasoconstriction masquant les veines.

- Les effets indésirables sont des réactions locales (pâleur ou rougeur de la peau, pétéchies) ainsi que des risques de méthémoglobinémie, surtout chez l'enfant de moins de 3 mois.

PERSPECTIVES

- La prise en charge non médicamenteuse de la douleur prend de plus en plus d'importance.

Différentes méthodes peuvent être proposées, seules ou en association aux traitements médicamenteux. On peut séparer ces méthodes en méthodes physiques (kinésithérapie, acupuncture, stimulations par le chaud ou le froid...), méthodes comportementales (relaxation, désensibilisation...) ou méthodes cognitives (hypnose, distraction...).

- Les perspectives thérapeutiques concernent la recherche sur les mécanismes de la douleur pour mieux la contrer (agonistes nicotiniques, agonistes des récepteurs cannabinoïdes...). Mais la plupart se trouvent dans la combinaison d'analgésiques existants, dans la recherche de nouvelles voies d'administration (diamorphine par voie nasale, buprénorphine en dispositif transdermique) ou dans la maîtrise des effets indésirables.

L'avenir est également dans la prévention de la douleur. A ce titre, le mélange équimolaire N2O-O2 (Kalinox, Kinox) est un gaz à respirer au masque réservé à l'usage hospitalier. Il a une AMM depuis 2000 chez l'enfant dans la prévention des actes douloureux (ponction lombaire...).

Par Carole Gilles, Stéphanie Micard, Aurélie Parlier, Olivier Bourdon et le Pr Françoise Brion, pharmacie de l'hôpital Robert-Debré et pharmacie clinique de la faculté de pharmacie de Paris-V

CONSEILS AUX PATIENTS

Soigner à temps

Une douleur mal soignée ou prise en charge tardivement peut entraîner une sensibilisation de l'organisme créant une « mémoire biologique ». Les enfants expriment difficilement leur souffrance avant l'âge de cinq ans. Il convient d'être attentif et ne pas banaliser une attitude de repli.

Lutter contre les idées reçues

L'enfant n'a pas une perception moins aiguë de la douleur que l'adulte. Il souffre même parfois de manière plus intense. Dès le quatrième mois, in utero, il fabrique des neuromédiateurs et possède à sa naissance l'ensemble des récepteurs de la douleur. En revanche, l'immaturité des systèmes de contrôle (systèmes médullaires, centraux et les endorphines) l'empêche d'inhiber ou de contrôler les sensations douloureuses.

Evaluer le caractère aigu ou chronique

- Chez le nouveau-né

-#gt; Observer attentivement les signes émotionnels (pleurs, agitation...).

-#gt; S'attarder ensuite sur son comportement : sa « consolabilité », son endormissement, la position de son corps notamment lors du change, de la toilette (réactions d'esquives témoins de la présence d'algies, corps raide souvent rejeté en arrière), l'expression de son visage (crispé).

- Chez l'enfant

-#gt; Poser la question toute simple : « As-tu mal ? »

-#gt; Pour localiser la douleur, proposer un dessin de silhouette.

-#gt; Une douleur aiguë s'exprime souvent par des cris, des hurlements alertant l'entourage.

-#gt; Dans le cas d'une douleur chronique, seul le comportement donne l'alerte. L'enfant est prostré, replié dans son lit, joue et parle peu.

Identifier quelques plaintes douloureuses

- Celles qui nécessitent une visite médicale

-#gt; Les migraines de l'enfant

Elles concerneraient près d'un enfant sur deux. Avant 5 ans, elles se traduisent par des crises « courtes » (au maximum 2 heures) qui surviennent souvent à l'école avec nausées, vomissements, maux de ventre et de tête, troubles visuels. Deux signes récurrents signalent la crise : l'enfant est pâle et ses yeux sont cernés.

-#gt; Les otites

L'enfant se frotte les oreilles et a de la fièvre.

-#gt; Le reflux gastro-oesophagien

Fréquentes, les « remontées » acides irritent l'oesophage et ont parfois un retentissement sur la sphère ORL (toux, fausses angines à répétition, bronchites). A cela s'ajoutent une mauvaise prise alimentaire et des pleurs répétés au milieu de la nuit.

-#gt; Les coliques du nourrisson

Ces crises, fréquentes jusqu'au sixième mois, alternent calme et pleurs violents. Elles prédominent en fin d'après-midi et la nuit. Elles nécessitent un examen complet.

- Celles que l'on peut soulager et prévenir à l'officine

-#gt; Les douleurs dentaires

Elles sont généralement associées à une rhinite ou à une otite, de la fièvre. La gencive est rouge. Baume gingival, anti-inflammatoires (suppositoire, voie orale), paracétamol et anneau dentaire apaisent les symptômes.

-#gt; Certains spasmes abdominaux

Bien vérifier que la tétine est percée correctement, que l'enfant a bien effectué un rot après le repas. Attention à la fermentation intestinale des sucres des laits maternisés ! Surveiller également la régularité des selles.

-#gt; En cas de chute ou de traumatisme, appliquer une poche de glace. Soulager les ecchymoses avec une crème et des granules à l'arnica. Lors de brûlure, placer la zone brûlée longuement sous l'eau froide.

-#gt; Avant un vaccin, les patchs anesthésiants rendent l'étape de piqûre plus facile et permettent de dédramatiser l'acte.

Bien expliquer le traitement

Du fait de son immaturité hépatique, de son faible poids, l'enfant nécessite des dosages différents et des précautions d'usage notamment chez le nourrisson.

Insister sur l'importance de prises réparties à heures fixes et systématisées sans attendre que la douleur réapparaisse.

Sensibiliser les parents au risque d'une automédication systématique (notamment avec la codéine).

A contrario, certains parents au vu de la prescription médicale peuvent refuser d'administrer les médicaments qu'ils jugent trop forts. Rappeler qu'ils sont forcément indispensables dans le cas de pathologies bien précises.

Pour toute manifestation douloureuse, conseiller des paroles rassurantes qui atténuent l'anxiété de l'enfant et des gestes doux (petits massages locaux, compresse tiède).

Par Nathalie Hervé

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Savoir associer l'ibuprofène à la codéine »

Le Dr Daniel Annequin, anesthésiste et psychiatre, est responsable de l'unité douleur à l'hôpital Armand-Trousseau à Paris

La prescription des antalgiques codéinés chez l'enfant suscite-t-elle des réticences de la part des parents?

Elle ne suscite absolument pas de réticence. Les parents veulent avant tout calmer la douleur de leurs enfants et pour cela acceptent volontiers les dérivés morphiniques. Si des réticences existent, elles se trouvent dans le camp des médecins encore trop frileux à prescrire ce type de molécules aux petits. Il faut avouer que les résultats obtenus en pédiatrie avec les antalgiques codéinés se révèlent décevants avec l'expérience. Ils ne sont pas toujours bien tolérés en raison de la somnolence et des nausées induites. Surtout, leurs effets restent modestes.

L'idéal est de les associer avec l'ibuprofène pour obtenir de meilleurs résultats. En pratique, il faudrait employer l'ibuprofène comme antalgique de palier I et devancer son éventuelle inefficacité en associant en seconde intention un produit codéiné. Cette stratégie devrait aujourd'hui être systématique, sauf en cas de migraines responsables de douleurs sévères chez les enfants, mais sur lesquelles les dérivés morphiniques n'ont pas d'action.

Le Dr Daniel Annequin, interrogé par Myriam Loriol

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

ATDE Association pour la diffusion des données sur le traitement de la douleur de l'enfant

Hôpital pour enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris.

Tél. : 01 49 28 02 03 ; fax : 01 49 28 02 11

Cette association, créée en 1990, produit la banque de données sur Internet Pédiadol (http://www.pediadol.org) consacrée exclusivement à la douleur de l'enfant, régulièrement remise à jour.

Près de 3 000 références sont consultables et s'adressent aux professionnels de santé.

Sparadrap

48, rue de la Plaine, 75020 Paris ; tél. : 01 43 48 11 80 ; fax : 01 43 48 11 50 ; http://www.sparadrap.org

Voici une association destinée à aider les familles et les professionnels de santé quand un enfant est malade ou hospitalisé. Joignable du lundi au vendredi de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 heures, elle informe, oriente et conseille. A son actif, l'édition et la diffusion de documents en relation avec la douleur (fiches et même une cassette vidéo « Pour en savoir plus sur la douleur de l'enfant »).

INTERNET

Evaluation et stratégies de prise en charge de la douleur aiguë en ambulatoire chez l'enfant de un mois à quinze ans

ANAES, 159, rue Nationale, 75640 Paris Cedex 13 ;

http://www.anaes.fr

Ces recommandations réalisées à la demande de la Direction générale de la santé ont été publiées en mars 2000.

Elles valident les échelles d'évaluation à utiliser en fonction de l'âge de l'enfant ainsi que les règles de prise en charge aussi bien médicamenteuse que non médicamenteuse de la douleur en pédiatrie.

Trois spécificités de la douleur de l'enfant

1. La douleur de l'enfant a été longtemps méconnue et négligée car, pensait-on, il ne percevait pas la douleur. Pourtant il est aujourd'hui totalement acquis que les enfants, y compris en période néo-natale et même s'ils sont prématurés, réagissent à la douleur parfois de façon plus importante que les adultes.

2. La reconnaître et évaluer son intensité est souvent difficile. Le niveau de développement cognitif de l'enfant conditionne la compréhension qu'il a de sa maladie, de sa douleur, donc de son vécu, et sa possibilité d'expression par le langage. La sémiologie spécifique de la douleur chez l'enfant a été décrite et des outils d'évaluation mis au point.

3. Son traitement pharmacologique est parfois hasardeux car les études sont peu nombreuses.

Mais, là encore, les choses évoluent.

Contre-indications absolues

- Paracétamol : insuffisance hépatocellulaire.

- AINS : allergie connue aux AINS ou à l'aspirine, ulcère gastroduodénal, insuffisances hépatique et rénale sévères.

- Aspirine : idem AINS, virose, risque hémorragique.

- Antalgiques opiacés : insuffisance respiratoire sévère, traumatisme crânien, hypertension intracrânienne, convulsions, douleurs abdominales d'origine inconnue.

- Codéine : asthme, association aux agonistes-antagonistes morphiniques (nalbuphine, buprénorphine, pentazocine).

- Tramadol : #lt; 12 ans, association aux agonistes-antagonistes morphiniques.

- Nalbuphine : #lt; 18 mois, insuffisance hépatocellulaire grave, association aux agonistes morphiniques purs, douleurs abdominales d'origine inconnue.

- Morphine : insuffisance hépatocellulaire sévère, association aux agonistes-antagonistes morphiniques, insuffisance respiratoire décompensée, syndrome abdominal aigu d'origine inconnue, traumatisme crânien, hypertension intracrânienne, épilepsie non contrôlée.

- Buprénorphine : #lt; 7 ans, insuffisances hépatique et rénale sévères.

- Oxycodone : #lt; 12 ans, insuffisance respiratoire décompensée, insuffisance hépatocellulaire sévère, syndrome abdominal aigu d'étiologie indéterminée, états convulsifs non contrôlés, antécédents récents de rectorragies.

- Hydromorphone : #lt; 7 ans, douleur aiguë, insuffisance respiratoire décompensée, insuffisance hépatocellulaire sévère, épilepsie non contrôlée, agonistes-antagonistes morphiniques.

Le mode d'action des opioïdes de paliers II et III

Les antalgiques opioïdes ont une action centrale et périphérique. Ils se fixent sur des récepteurs situés au niveau spinal du SNC et dépriment la transmission du message nociceptif. Ces récepteurs sont surtout localisés sur les principaux sites d'intégration du message algogène (moelle, bulbe, cortex) mais aussi en périphérie, notamment au niveau du tractus gastro-intestinal. Les antalgiques opioïdes se fixent sur tous les récepteurs opiacés mais avec des affinités variables selon les produits, d'où la distinction en deux groupes de substances :

- les agonistes : activation des récepteurs mu,

- les agonistes-antagonistes : agonistes des récepteurs kappa et antagonistes des récepteurs mu, ou inversement.

Il existe également des antagonistes qui inhibent tous les récepteurs. Ils sont dépourvus d'activité analgésique et sont employés dans le traitement des intoxications.

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