Les troubles bipolaires - Le Moniteur des Pharmacies n° 2485 du 12/04/2003 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2485 du 12/04/2003
 

Cahier formation

l'essentiel Dans les troubles bipolaires, des accès de manie ou d'hypomanie et des épisodes dépressifs se succèdent au cours du temps avec à la clé des conséquences socioprofessionnelles sévères et un risque suicidaire non négligeable. Le traitement passe par une prise en charge précoce du trouble et la mise en place d'une thérapeutique prophylactique. Le lithium est utilisé en traitement des accès aigus et en prophylaxie de l'état maniaque, mais il expose à des effets secondaires fréquents et à une toxicité impliquant une surveillance rigoureuse de la lithiémie. Les thymorégulateurs (ou normothymiques) comptent également dans leurs rangs trois molécules anticonvulsivantes (la carbamazépine, le divalproate de sodium et le valpromide) et trois antipsychotiques (la loxapine, le zuclopenthixol et l'olanzapine). Le traitement de la maladie bipolaire implique aussi le recours aux antidépresseurs et requiert patience et implication des proches.

ORDONNANCE

Un patient bipolaire nécessitant une prophylaxie contre le paludisme

Monsieur R., atteint d'un trouble bipolaire avec accès maniaque, est traité par Dépakote et Zyprexa. En plus de cette pathologie chronique, vient se poser la question de la prophylaxie du paludisme avant son séjour au Kenya.

LE CAS

Monsieur Paul R., 54 ans, 77 kg, est suivi en consultation dans un service de psychiatrie car il souffre de troubles bipolaires traités par Téralithe LP 400 depuis 5 ans. A la dernière consultation, une hyperleucocytose a été observée et le patient s'est plaint de perdre ses cheveux. Cependant, le médecin a décidé de poursuivre le traitement sous surveillance renforcée de la numération-formule sanguine. Quelque temps plus tard, ce patient est hospitalisé à la suite d'un accès maniaque. Le dosage de lithium effectué à cette occasion fait apparaître une valeur un peu faible : 0,4 mEq/l. Compte tenu de la décompensation de la maladie accompagnée d'une moins bonne tolérance du lithium, le traitement est modifié. Une semaine après, le patient sort de l'hôpital avec une ordonnance du psychiatre. Il s'envole prochainement pour un séjour de deux semaines au Kenya, ce qui motive une consultation dans un service de médecine des voyages.

LES PRESCRIPTIONS

Ordonnance du psychiatre :

-#gt; Dépakote 250 mg : 1 comprimé trois fois par jour

-#gt; Zyprexa 10 mg : 1 comprimé par jour

qsp un mois

Ordonnance du service de médecine des voyages

-#gt; Lariam 250 mg : 1 comprimé par semaine.

Une boîte de 8 comprimés

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Cette ordonnance comporte une interaction médicamenteuse à proscrire entre Dépakote et Lariam. Il s'agit d'une contre-indication absolue. La méfloquine augmente la biotransformation de l'acide valproïque, exposant le patient à une réapparition des symptômes psychiatriques par perte d'efficacité du divalproate.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies sont correctes. Celle de Dépakote est la posologie initiale et celle de Zyprexa est la dose initiale nécessaire en association avec un thymorégulateur.

Aucune adaptation posologique du divalproate n'est requise en association avec Zyprexa.

AVIS PHARMACEUTIQUE

Devant l'interaction médicamenteuse détectée, le pharmacien décide d'appeler le médecin. D'autant que l'administration de méfloquine en prophylaxie est contre-indiquée chez des patients ayant des antécédents de dépression, une dépression en cours ou des troubles psychiatriques. La molécule peut être à l'origine d'anxiété, d'agressivité, d'attaques de panique, d'humeur dépressive, de réactions psychotiques et d'idées suicidaires. Il convient donc d'être particulièrement prudent chez ce patient.

Aussi le médecin modifie-t-il sa prescription initiale en remplaçant Lariam par Malarone (un comprimé par jour). Cette association d'atovaquone et de proguanil ne présente pas de contre-indication avec le traitement pris par le patient ou son état de santé. Elle peut être prescrite en alternative au Lariam dans les pays du groupe 3, auquel appartient le Kenya.

MISE EN PLACE DU TRAITEMENT

Le trouble bipolaire ou psychose maniacodépressive est une affection qui se caractérise par des changements importants de l'humeur : des « hauts », appelés accès d'hypomanie ou de manie, succèdent à des « bas », appelés accès de dépression, et vice versa.

L'accès maniaque typique comporte un trouble de l'humeur avec une exaltation euphorique, une accélération des processus psychiques accompagnée d'un trouble du contenu de la pensée, une hyperactivité motrice, des troubles du sommeil à type d'insomnie précoce, des signes généraux et des troubles du comportement. L'accès maniaque est une urgence psychiatrique.

L'association d'un stabilisateur de l'humeur avec un antipsychotique semble être plus efficace qu'un stabilisateur seul pour réduire rapidement les symptômes maniaques chez des patients atteints de troubles bipolaires.

Dépakote est indiqué en cas de contre-indication ou d'intolérance au lithium. Le patient présente un effet secondaire notoire du lithium (l'hyperleucocytose). De plus, l'apparition d'un épisode maniaque permet de redouter une mauvaise efficacité du traitement, justifiant le changement de thérapeutique. Le passage du lithium au divalproate peut s'effectuer rapidement.

La prescription de divalproate justifie un contrôle biologique des fonctions hépatiques et un examen hématologique (NFS, plaquettes, temps de saignement, bilan de coagulation) avant, pendant (notamment à J15 pour NFS et plaquettes) et en fin de traitement. Un dosage plasmatique du divalproate doit être réalisé au bout de trois à quatre jours de traitement (atteinte de l'état d'équilibre) pour s'assurer que le taux du médicament se situe dans les marges thérapeutiques. Il a été réalisé lors de l'hospitalisation.

Avec l'olanzapine, aucun bilan biologique préalable n'est nécessaire, ni surveillance biologique systématique, ni contrôle de son taux plasmatique.

SUIVI DU TRAITEMENT

Avec Dépakote, des cas de pancréatites et des atteintes hépatiques dont l'évolution est parfois mortelle peuvent survenir de façon exceptionnelle. Elles impliquent de pratiquer des contrôles biologiques.

Un taux de prothrombine très bas, une diminution significative du fibrinogène et des facteurs de coagulation, une élévation de la bilirubine et des transaminases conduisent à arrêter le traitement par le divalproate.

Il est à noter que l'olanzapine et l'atovaquone peuvent aussi entraîner des perturbations hépatiques.

Un contrôle biologique, en particulier des marqueurs hépatiques, est également indispensable avant une intervention chirurgicale.

CONSEILS AU PATIENT

Un traitement exigeant

-#gt; L'amélioration de l'état clinique peut nécessiter plusieurs semaines.

-#gt; Le patient doit bien observer son traitement. Il ne doit jamais l'arrêter brutalement de sa propre initiative, même s'il juge que son état de santé s'est considérablement amélioré.

-#gt; Respecter rigoureusement le calendrier des examens biologiques prescrits par le médecin.

-#gt; Les médicaments peuvent induire une somnolence : attention au volant ou lors de l'utilisation de machines !

-#gt; Eviter toute consommation d'alcool pendant la durée du traitement.

Avec Dépakote

-#gt; Des troubles digestifs (nausées, vomissements, dyspepsie, diarrhées, douleurs abdominales) peuvent s'observer en début de traitement mais ils cèdent habituellement en quelques jours. Une chute de cheveux peut également survenir comme avec le lithium. Elle peut d'ailleurs être renforcée par le proguanil contenu dans Malarone.

-#gt; Devant l'apparition soudaine d'asthénie, d'anorexie, d'abattement ou de somnolence accompagnée ou non de vomissements, de douleurs abdominales (aiguës ou non), de coloration des urines, une consultation rapide est impérative car ces signes peuvent traduire un ictère ou, pour certains, évoquer une pancréatite.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Dépakote 250 : les comprimés doivent être avalés préférentiellement au cours des repas. -#gt; Zyprexa 10 : le traitement peut être pris avant, pendant ou après le repas, mais toujours en une seule prise. -#gt; Malarone : avaler un comprimé par jour à heure fixe, indifféremment au cours de la journée. Le comprimé doit absolument être administré avec un repas riche en graisse ou une boisson lactée pour favoriser l'absorption de l'atovaquone et améliorer sa biodisponibilité qui est faible.

Avec Zyprexa

-#gt; Les seuls effets indésirables très fréquemment rapportés sous olanzapine sont la somnolence et une prise de poids (d'autant que l'olanzapine ouvre l'appétit). Une sécheresse de la bouche et une constipation peuvent survenir. Cela implique de boire beaucoup, d'éviter la sédentarité en faisant de l'exercice (marche...) et d'avoir une alimentation riche en fibres.

-#gt; Les réactions de photosensibilité sont rares. Elles sont cependant à prendre en compte chez ce patient partant en vacances dans un pays chaud et ensoleillé. Un protecteur solaire écran total est indispensable.

Avec Malarone

-#gt; Le traitement doit être débuté la veille ou le jour du départ en vacances, poursuivi chaque jour à heure fixe pendant tout le séjour et durant les sept jours seulement suivant le retour.

-#gt; Des troubles digestifs à type de vomissements, de nausées, de diarrhées, de douleurs abdominales peuvent survenir, de même que des céphalées.

Prévenir la transmission du paludisme

-#gt; Utiliser des insecticides d'ambiance le soir.

-#gt; Dormir sous une moustiquaire imprégnée de pyréthrinoïdes.

-#gt; Les vêtements ainsi que les toiles de tente peuvent être imprégnés.

-#gt; Utiliser des répulsifs sur les parties découvertes du corps, visage compris.

-#gt; Porter des vêtements en coton longs et amples le soir. Attention aux pieds nus dans les chaussures ouvertes !

-#gt; Eviter de sortir la nuit, même un court moment, sans protection antimoustiques. Bannir les promenades au clair de lune près d'un point d'eau.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Dépakote (divalproate de sodium)

- Thymorégulateur formé d'une molécule de valproate de sodium et d'une molécule d'acide valproïque.

- Indiqué dans le traitement des épisodes maniaques chez les patients souffrant de troubles bipolaires en cas de contre-indication ou d'intolérance au lithium.

- La posologie initiale recommandée est de 750 mg par jour à répartir en 2 à 3 prises.

Elle est augmentée le plus rapidement possible jusqu'à la dose minimale efficace en regard de l'effet clinique recherché. La posologie quotidienne se situe entre 1 000 et 2 000 mg. La dose maximale ne doit pas dépasser 2 500 mg par jour.

-#gt; Zyprexa (olanzapine)

- Antipsychotique.

- Indiqué dans le traitement de la schizophrénie et dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères.

- Dans le traitement des épisodes maniaques, la posologie initiale est de 15 mg par jour en une seule prise en monothérapie ou 10 mg par jour en association avec le lithium et le divalproate.

La posologie journalière peut par la suite être adaptée en fonction de l'état clinique du patient, entre 5 et 20 mg par jour. Une augmentation à des doses plus importantes que la dose initiale recommandée n'est conseillée qu'après une réévaluation clinique appropriée et ne doit généralement être envisagée qu'à intervalles de 24 heures au minimum.

-#gt; Lariam (méfloquine)

- Antiparasitaire, antipaludéen de synthèse.

- Indiqué en prophylaxie du paludisme en zone d'incidence élevée de paludisme chimiorésistant (pays du groupe 3) et dans le traitement des accès simples de paludisme contracté, en particulier en zone de résistance à la chloroquine.

- En prophylaxie, la posologie recommandée chez l'adulte est de 1 comprimé par semaine à jour fixe. Prendre le premier et le second comprimé respectivement 10 et 3 jours avant le départ afin d'évaluer la tolérance. La dernière prise doit avoir lieu au moins trois semaines après le retour de la zone d'endémie.

Contacter le médecin : Lariam est contre-indiqué avec Dépakote. Il ne convient pas à un patient atteint de troubles psychiatriques. Appeler le médecin pour qu'il prescrive un autre antipaludéen.

Par Hélène Peyrière, docteur en pharmacie,

Pierre Lochet, Nassir Mirfendereski, internes en pharmacie, service de pharmacologie médicale et toxicologie, CHU de Montpellier

PATHOLOGIE

Qu'est-ce qu'un trouble bipolaire ?

Le trouble bipolaire, autrefois appelé psychose maniacodépressive, est un trouble de l'humeur caractérisé par la succession d'accès maniaques ou hypomaniaques et d'épisodes dépressifs.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Dans la population générale, la prévalence du trouble bipolaire sur une vie entière est de l'ordre de 1 à 2 %. Chez les patients bipolaires, le début de la pathologie est précoce, entre 20 et 40 ans le plus souvent. Ils présentent en moyenne huit épisodes durant l'évolution de leur maladie. La survenue d'épisodes maniaques au-delà de 65 ans n'est pas négligeable.

PHYSIO-PATHOLOGIE

L'existence d'une origine génétique est la plus probable. L'estimation du risque en fonction du degré de parenté est de 75 % pour un jumeau monozygote, 15 à 30 % si un des deux parents est atteint, 50 à 75 % lorsque les deux parents sont touchés et 3 à 7 % lorsqu'il s'agit d'un apparenté au second degré.

Du point de vue neurobiologique, l'hypothèse d'un déséquilibre de la balance adrénocholinergique (hyperadrénergie et hyperdopaminergie dans la manie, hypocholinergie dans la dépression) est la plus sérieuse.

Une fragilisation par accumulation de stress est une autre hypothèse. Toute nouvelle expérience dépressive ou maniaque prédisposerait à une plus grande vulnérabilité ultérieure, ce qui justifie la mise en route d'une thérapeutique prophylactique et le fait qu'un traitement précoce permet d'enrayer le processus de fragilisation progressive.

SIGNES CLINIQUES

Trois entités sémiologiques peuvent être présentes en cas de trouble bipolaire : la manie ou l'hypomanie, un épisode dépressif ou encore un état mixte.

L'entrée dans la maladie se fait par un épisode maniaque dans environ la moitié des cas. Les modalités de succession des épisodes sont le plus souvent stables. Les patients débutant la maladie par un épisode maniaque présentent une évolution à prédominance maniaque et réciproquement.

Il existe une plus grande fréquence d'évolution à prédominance maniaque chez l'homme et à prédominance dépressive chez la femme.

Episode maniaque

L'humeur du patient maniaque est exagérément exaltée, c'est l'hyperthymie euphorique. Elle peut être versatile : à la gaieté excessive succèdent l'irritabilité, l'agressivité, le caractère caustique et la colère, souvent en réponse à une contrariété ou à une contradiction.

- Les autres signes psychiatriques

-#gt; L'hypersyntonie est un signe important du diagnostic de l'état maniaque. C'est une réaction affective immédiate et intense à la moindre stimulation. Elle est favorisée par une acuité sensorielle accrue, notamment une hyperacousie.

-#gt; L'excitation psychomotrice reflète une incapacité à freiner l'action et les pensées. Sur le plan moteur se retrouvent une hypermimie, une agitation motrice, un accroissement de l'énergie, une hyperactivité toujours improductive, un engagement dans des démarches intempestives ainsi que l'augmentation de l'activité sexuelle. Tous ces signes s'opposent point par point aux caractéristiques de l'état dépressif.

-#gt; Du point de vue psychique, il existe une tachypsychie se traduisant par une fuite des idées, une distractibilité, une logorrhée et une graphorrée, le patient se mettant à rédiger courrier sur courrier, le plus souvent à des personnes exerçant de hautes responsabilités.

-#gt; L'augmentation de l'activité psychomotrice s'accompagne de troubles du comportement et des conduites sociales : la présentation est débraillée ou extravagante. Le patient présente une familiarité excessive et une recherche intense des contacts. Il est désinhibé et se livre à des dépenses et achats inconsidérés.

-#gt; Dans le cadre des troubles du contenu des pensées, le maniaque est constamment optimiste avec une augmentation de l'estime de soi, une vision positive du monde qui l'entoure et un sentiment de toute-puissance.

- Les troubles somatiques

-#gt; On note une absence de fatigue malgré l'hyperactivité, une résistance accrue au froid, une insomnie, un fébricule et une tachycardie. Un amaigrissement en rapport avec l'agitation et/ou des modifications du régime alimentaire se produit.

- Des aspects différents selon l'âge

-#gt; Chez l'adolescent ou le jeune adulte, l'accès maniaque revêt fréquemment un aspect atypique évoquant une schizophrénie.

-#gt; Chez le sujet âgé, l'humeur est plutôt querelleuse et il peut exister une thématique délirante, le plus souvent selon une note persécutive, ou bien une confusion définissant la manie confuse.

Episode hypomaniaque

L'hypomanie est une forme atténuée de manie. On retrouve donc les mêmes signes, mais de moindre intensité. L'une des différences essentielles avec la manie franche est constituée par une hyperactivité qui demeure productive et efficace.

Episode dépressif

Dans l'épisode dépressif, la tristesse est permanente et infiltre l'ensemble du mental et du comportement. Peu accessible au raisonnement ou au réconfort de l'entourage, elle est associée à une douleur morale. Le patient a une mimique figée, un ton monocorde et des gestes ralentis.

- Les autres signes psychiatriques

-#gt; Plusieurs autres signes psychiatriques sont présents dont l'anhédonie. Son intensité peut aller du simple émoussement émotionnel à une véritable anesthésie des sentiments.

-#gt; La tristesse de l'humeur s'exprime par une vision pessimiste du soi et du monde extérieur, un sentiment quotidien d'impuissance et d'échec.

Le patient ressent une profonde insatisfaction, une autodévalorisation et un sentiment de honte et de culpabilité.

-#gt; La perte d'espoir, l'incapacité à se projeter dans l'avenir peuvent conduire au geste suicidaire, soit impulsif, soit planifié. 80 % des déprimés ont des idées suicidaires à un moment ou à un autre de leur évolution.

-#gt; Le patient déprimé a également un sentiment de ralentissement intellectuel. Il est incapable de se concentrer efficacement ou de raisonner. Il se plaint souvent de troubles de la mémoire et, chez le sujet âgé, l'intensité de ces troubles cognitifs peut simuler une maladie d'Alzheimer.

-#gt; L'anxiété et l'angoisse sont toujours présents.

- Les troubles somatiques

-#gt; Les troubles du comportement alimentaire (anorexie ou boulimie) sont fréquents chez le déprimé.

-#gt; Les troubles du sommeil sont caractérisés par des difficultés à s'endormir, de multiples éveils nocturnes et des réveils matinaux précoces. A l'inverse, une hypersomnie peut s'observer.

-#gt; La baisse de la libido est très fréquente et s'intègre dans le sentiment général d'anhédonie.

La frigidité et l'impuissance accroissent le sentiment de dévalorisation et de culpabilité.

- Des aspects différents selon l'âge

-#gt; Chez l'adolescent la dépression peut se traduire par un conflit ouvert avec les autorités ou les parents, par l'installation de conduites à risque telles que l'abus de drogues ou d'alcool, des troubles des conduites alimentaires, des fugues ou des pratiques sexuelles à risque.

-#gt; Chez le sujet âgé, la dépression est trop souvent méconnue alors que les conduites suicidaires sont fréquentes. Elle prend l'aspect de manifestations somatiques représentant la plainte principale (céphalées, vertiges, douleurs diffuses).

Etat mixte

Les symptômes dépressifs et maniaques coexistent.

FACTEURS DE RISQUE

Les facteurs environnementaux jouent un rôle dans la survenue du premier épisode. Les suivants sont plus indépendants des événements extérieurs. Les facteurs de stress le plus souvent en cause sont ceux liés à la vie professionnelle. La grossesse et la paternité semblent avoir un poids particulier. La réduction du sommeil et plus globalement la désorganisation du rythme de vie constituent un dénominateur commun aux différents événements capables de déclencher un épisode pathologique.

ÉVOLUTION

Le caractère cyclique du trouble bipolaire est révélateur. La fréquence des épisodes est inégalement répartie suivant les malades.

- Certains patients présentent une évolution marquée par des épisodes nombreux. On parle de cycles rapides. Dans ce cas, l'âge du début serait plus précoce. Les études épidémiologiques récentes tendent d'ailleurs à montrer une augmentation de la fréquence des épisodes maniaques, ce qui pourrait être dû à l'utilisation des antidépresseurs, à l'origine de « virages maniaques ».

- Un cycle se définit comme l'intervalle de temps qui sépare le début d'un épisode du début de l'épisode suivant. Le raccourcissement des cycles au fur et à mesure de leur répétition est une constante au début de la maladie. Toutefois, la longueur des cycles se stabilise au-delà du cinquième épisode.

- Le délai d'installation des épisodes maniaques est habituellement de quelques heures à quelques jours, alors que celui des épisodes dépressifs est plus long (quelques semaines).

- Les épisodes peuvent durer 4 à 13 mois. Les phases dépressives ont une durée plus importante que les épisodes maniaques. La longueur est relativement stable pour un même individu. Cette stabilité serait une caractéristique individuelle permettant de prévoir la durée d'un épisode en connaissant celle des épisodes précédents, surtout pour les épisodes maniaques.

COMPLICATIONS

Si le pronostic de la maladie bipolaire est relativement bon, les évolutions défavorables ne sont pas rares en raison de la persistance de symptômes maniaques ou dépressifs atténués.

- Le suicide reste le risque principal. Sa prévalence chez les sujets bipolaires se situe aux alentours de 15 % (soit 30 fois plus que la population générale). Le suicide survient le plus souvent dans les dix premières années du trouble bipolaire.

- Les conséquences sociales des troubles bipolaires sont sévères et durables. Au fil de l'évolution, les patients connaissent un recul de leur statut professionnel, de leurs revenus ainsi qu'une dégradation de leurs relations interpersonnelles et conjugales.

Par le Dr Charles Gury

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Un trouble anxieux sur deux déclaré dans l'enfance est un trouble bipolaire »

Dr Elie Hantouche, psychiatre, consultation de l'humeur, hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris)

Sommes-nous tous bipolaires ?

Non. Les troubles bipolaires sont distincts des changements de l'humeur qui sont physiologiques. Nous avons tous des hauts et des bas dans la vie, mais de façon aléatoire, imprévisible et sans que cela ait des conséquences péjoratives, à la différence d'un patient bipolaire.

Peut-on deviner dès l'enfance un futur profil bipolaire ?

Oui, mais les symptômes dans l'enfance ne sont pas typiques et les parents mettent souvent cinq à six ans avant de consulter. Néanmoins, des troubles du comportement (phobies, obsessions, anxiété, panique, hyperactivité, colères, école buissonnière...), un tempérament sanguin, cyclothymique et d'autres personnes bipolaires dans la famille doivent mettre la puce à l'oreille. La moitié des troubles dépressifs ou anxieux déclarés dans l'enfance sont des troubles bipolaires. Pourtant deux erreurs sont encore trop souvent commises. La première est de dire que la maladie n'existe pas chez les enfants et que le problème vient de l'entourage. La seconde est de prescrire des antidépresseurs chez ces enfants. Ils ne font qu'aggraver la pathologie et renforcer le risque de virage maniaque.

La maladie est-elle bien diagnostiquée ?

Non. Seul un cas sur dix est correctement diagnostiqué en temps utile. Les autres vont attendre 6 à 15 ans ! D'un autre côté, parmi les patients connus comme bipolaires, seuls 13 % sont convenablement suivis et traités. C'est très alarmant ! Il est possible d'améliorer très simplement les choses.

Lorsqu'un malade qui a consulté pour anxiété ou dépression supporte mal son traitement, devient agressif ou insomniaque, c'est le moment de se dire qu'il est peut-être bipolaire.

Dr Elie Hantouche, interrogé par Laurent Lefort

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la maladie bipolaire ?

La prise en charge de la maladie bipolaire implique le recours à des médicaments rég ulateurs des troubles maniaques (normothymiques). Le lithium, des anticonvulsivants et certains antipsychotiques entrent dans cette catégorie. Les antid épresseurs sont indiqués dans les phases de dépression.

LITHIUM

La lithiothérapie (Téralithe, Neurolithium) est le traitement de référence de l'épisode maniaque. Active en une dizaine de jours chez 65 à 70 % des patients, elle exerce une activité prophylactique des récidives et expose moins que d'autres médicaments antimaniaques à un virage dépressif. Un antipsychotique, un anticonvulsivant, une benzodiazépine (hors AMM) lui sont souvent associés.

- Sur les épisodes dépressifs, la réponse au lithium est bonne mais il est souvent nécessaire d'associer un antidépresseur, voire une électroconvulsivothérapie.

- La prophylaxie est l'indication essentielle du lithium, dès la survenue du premier épisode, car il réduit la fréquence et la gravité des épisodes thymiques.

- Jusqu'à 75 % des patients sous lithium subissent des effets secondaires de gravité variable. La plupart des effets sont supprimés par le recours à la forme LP ou par une diminution des doses.

Les effets secondaires les plus courants sont une polyurie et une polydypsie (limitées par l'administration de diurétiques ou par la prise d'une dose vespérale unique), une prise de poids, des troubles cognitifs (difficultés de concentration, perte de mémoire), un tremblement (limité par l'administration de bêtabloquants), une sédation, des troubles digestifs (limités par la prise lors des repas), une perte de cheveux, une hyperleucocytose, de l'acné, des oedèmes. Un hypothyroïdisme est décrit chez 5 à 35 % des patients.

- Le lithium est potentiellement tératogène et la lithiémie peut varier en fin de grossesse, une contraception est donc recommandée. Toutefois une grossesse est envisageable sous contrôle strict.

ANTICONVUL-SIVANTS

La carbamazépine, le divalproate de sodium et le valpromide sont prescrits en cas de contre-indication ou d'intolérance au lithium.

La carbamazépine

La carbamazépine (Tégrétol) a une action curative sur les épisodes maniaques aigus qui est comparable à celle du lithium et des antipsychotiques. Son action antidépressive est plus incertaine.

La molécule a une action prophylactique sur les épisodes dysthymiques. Indiquée notamment en cas de résistance ou de contre-indication au lithium, elle peut aussi lui être associée et est intéressante dans les états schizomaniaques, mixtes ainsi que dans les cycles rapides.

Les effets indésirables d'ordre neurologique (diplopie, trouble de la vision, fatigue, nausée, ataxie) sont souvent transitoires. Rashs cutanés, leucopénie, thrombocytopénie, hyponatrémie, hypo-osmolalité, prise de poids sont moins fréquents. La fonction hépatique peut être altérée.

Le divalproate de sodium et le valpromide

- Le divalproate (Dépakote) est constitué d'une molécule de valproate de sodium associée à une molécule d'acide valproïque. Son intérêt est justifié par les limites d'efficacité ou les contre-indications du lithium et de la carbamazépine. Dépakote présente une utilité dans les formes mixtes et à cycles rapides.

- Le valpromide (Dépamide), presque complètement transformé en acide valproïque, franchit facilement la barrière hématoencéphalique. Il est proposé dans la prévention des rechutes chez les patients présentant une contre-indication ou une intolérance à l'emploi du lithium.

- L'usage de ces molécules expose à un risque de somnolence, à des troubles digestifs transitoires, à une chute des cheveux, une prise de poids et à des troubles du cycle menstruel. Exceptionnellement et notamment en cas d'antécédents, il induit des troubles hépatiques, hématologiques ou pancréatiques potentiellement graves.

ANTIPSY-CHOTIQUES

La loxapine, le zuclopenthixol et plus récemment l'olanzapine sont indiqués dans le traitement des accès maniaques.

Les antipsychotiques conventionnels

Bien que tous les neuroleptiques puissent être utilisés dans le traitement des accès maniaques, deux molécules bénéficient d'une AMM dans ce domaine : la loxapine (Loxapac) et le zuclopenthixol (Clopixol). Souvent prescrits en association au lithium ou à un anticonvulsivant, ils sont intéressants dans les accès avec agitation, agressivité ou illusions sensorielles, car ils agissent rapidement.

Les antipsychotiques atypiques

L'olanzapine (Zyprexa) bénéficie d'une AMM récente dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères chez le bipolaire. Elle est prescrite en monothérapie, ou en association au lithium ou au divalproate (ce qui permet de mieux contenir la symptomatologie maniaque). Son administration n'implique pas de bilan préalable, ni de surveillance systématique, ni de contrôle plasmatique.

ANTIDÉPRESSEURS

Les antidépresseurs constituent le traitement de première intention de l'épisode dépressif. Le risque de virage maniaque semble plus fréquent avec les tricycliques qui tendent à être supplantés par les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. Les antidépresseurs sont parfois potentialisés par des hormones thyroïdiennes (Lévothyrox) et généralement associés à un normothymique pour prévenir le risque de virage maniaque. Le traitement est poursuivi sur une période de trois à six mois et parfois plus après la disparition totale de la symptomatologie, afin de prévenir les rechutes.

PERSPECTIVES

D'autres molécules anticonvulsivantes ou antipsychotiques (rispéridone) bénéficieront probablement d'une extension d'AMM dans le traitement des accès maniaques. -#gt; La lamotrigine (Lamictal) a également fait preuve de son activité et de sa tolérance, notamment dans les phases dépressives bipolaires.

-#gt; L'oxcarbazépine (Trileptal) verrait prochainement son indication étendue aux troubles de l'humeur.

-#gt; Après des essais cliniques concluants, la quétiapine (Seroquel) vient de faire l'objet d'une demande de licence aux Etats-Unis dans le traitement des épisodes maniaques.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La gravité de la maladie bipolaire impose une prise en charge précoce et rapide qui conditionne le pronostic et les risques évolutifs sociorelationnels ultérieurs.

- La stratégie repose sur la chimiothérapie (curatif, prophylaxie) mais aussi sur les psychothérapies (prophylaxie) ou l'électroconvulsivothérapie (curatif). Ses objectifs majeurs sont le traitement de l'épisode maniaque ou dépressif aigu (qui comporte un risque de geste suicidaire), puis la prévention de ses récidives et la stabilisation du patient en veillant à ne jamais induire un virage de polarité opposée à l'accès aigu.

- Le traitement de l'accès maniaque doit être bien toléré car il est poursuivi pendant 3 à 6 mois. Il doit être commencé en milieu hospitalier (protection du patient vis-à-vis de lui-même et difficulté d'obtenir une observance satisfaisante pendant l'accès), comme celui de l'accès dépressif en cas de risque suicidaire important.

- L'initiation du traitement normothymique passe par un examen clinique complet : mesure du poids, bilan biologique (glycémie, urémie, créatininémie, protéinurie, glycosurie), électrocardiogramme, ionogramme plasmatique (recherche d'une déplétion sodée et potassique), dosage des hormones thyroïdiennes, bilan rénal, bilan hépatique, numération-formule sanguine incluant les plaquettes (des anomalies impliquent une surveillance accrue, notamment lors de la prescription de carbamazépine), électroencéphalogramme (en cas d'antécédents de comitialité ou de pathologie cérébrale), test de grossesse en cas de doute (prescription d'une contraception chez la femme en âge de procréer).

- Les prescriptions antérieures éventuellement pathogènes sont suspendues (corticothérapie, antidépresseurs, psychostimulants, lévodopa) ainsi que la consommation de caféine.

- L'administration d'un neuroleptique à faible dose permet de diminuer le vécu persécutoire dans l'attente des effets préventifs de la lithiothérapie.

- L'intérêt d'une prophylaxie demeure discuté en cas d'épisode hypomaniaque ou d'épisode dépressif isolé sans antécédent familial.

- Une prise en charge psychologique (psychothérapie) permet de prévenir les troubles sociorelationnels et d'apprendre au patient à gérer ses émotions, son stress et à reconnaître les signes cliniques caractérisant l'épisode maniaque.

SURVEILLANCE DU TRAITEMENT

Une mauvaise observance est fréquente, d'autant que le sujet nie l'existence d'un trouble chronique et s'inscrit mal dans la prise en charge imposée. Les fonctions psychiques seront très surveillées.

Lithium

La lithiémie est surveillée afin d'adapter la posologie jusqu'à une concentration efficace. Des concentrations minimales sont de règle, en particulier chez le sujet âgé, car elles donnent moins d'effets latéraux et assurent une meilleure observance. Elles sont cependant à l'origine de rechutes plus précoces et trois fois plus fréquentes.

Le prélèvement sanguin se fait 12 heures après la dernière prise de lithium, habituellement vers 8 heures du matin.

La fourchette lithiémique varie selon la forme d'administration et l'indication : curatif, 1 à 1,2 mEq/l (la lithiémie tend à s'abaisser en phase maniaque) ; prophylactique, 0,5 à 0,8 mEq/l, voire 0,3 à 0,6 mEq/l chez le sujet âgé.

Le rapport Li érythrocytaire/Li plasmatique, reflet de sa pénétration cellulaire, sert à évaluer l'observance en cas de doute.

La concentration dans les hématies est généralement comprise entre 0,30 et 0,40 mEq/l.

Carbamazépine

La carbamazépine est administrée à doses progressives en deux à trois prises quotidiennes, avant relais par la forme LP. La posologie est adossée à une fourchette de taux plasmatiques de 4 à 12 µg/ml. Elle doit être réévaluée par dosage plasmatique après 2 semaines (effet auto-inducteur).

Divalproate

La posologie efficace peut être atteinte rapidement et adaptée selon la concentration plasmatique d'acide valproïque. L'idéal est de dépasser le seuil de 50 mg/ml au 5e jour du traitement.

QUELLES SONT LES PRINCIPALES INTERACTIONS ?

Valpromide

Après un bilan hépatique, il s'administre à doses progressives (deux à trois prises quotidiennes). La posologie est augmentée tous les deux à trois jours.

En cas de traitement par divalproate ou valpromide, le patient doit savoir repérer les signes de l'ictère. Une augmentation des transaminases invite à approfondir le bilan (taux de prothrombine) et à revoir la posologie à la baisse. Le patient doit également savoir reconnaître les signes annonciateurs d'une pancréatite (syndrome abdominal douloureux aigu, nausées, vomissements, anorexie) et interrompre alors immédiatement le traitement avant de consulter en urgence.

Par Philippe Azarias et Denis Richard

CONSEILS AUX PATIENTS

Consulter tôt

Plus on attend, plus la maladie gagne du terrain et plus il est difficile de s'en sortir. Huit ans en moyenne sont nécessaires pour établir le diagnostic et le patient doit parfois consulter plusieurs psychiatres.

Repérer les signaux d'alerte

-#gt; Le patient vit dans l'angoisse de la survenue d'un nouvel épisode. Les symptômes qui annoncent la rechute sont propres à chaque individu. Une perturbation du sommeil, une augmentation de la consommation d'alcool, une irritabilité inhabituelle doivent amener à consulter, car la reconnaissance précoce d'un état d'excitation permet souvent d'éviter une hospitalisation. L'éducation du malade, son information sur la maladie diminuent les nouveaux épisodes, la fragilisation psychologique, le doute, la mésestime de soi et les pensées négatives.

-#gt; Le malade doit savoir qui contacter en cas de problème (numéro de téléphone d'un médecin joignable même le week-end).

Respecter une bonne hygiène de vie

-#gt; Adopter un mode de vie régulier en évitant les situations de surmenage et les carences de sommeil qui retentissent sur l'humeur et favorisent la dépression ou l'excitation. Une diminution du temps de sommeil est un signe avant-coureur de rechute.

-#gt; Adapter son quotidien à sa maladie. Les à-coups, les situations de stress et les affrontements violents sont si possible à proscrire. Toute cassure des rythmes quotidiens est à éviter. Il n'est pas toujours facile de mettre en application ces règles au niveau professionnel, mais il est possible d'envisager avec son employeur ou la médecine du travail un aménagement de poste.

-#gt; Se réserver des pauses régulières et du temps pour des activités de loisir.

-#gt; La plupart des traitements diminuent les réflexes et entraînent une somnolence, à prendre en compte pour les pratiques sportives ou la conduite.

-#gt; Les excitants (thé, café...) et l'alcool sont à éviter.

Un traitement à suivre à la lettre

-#gt; Le patient doit être informé des contrôles à effectuer en cas de prescription de lithium ou de carbamazépine.

-#gt; L'automédication (les AINS modifient la lithiémie), une déshydratation (diarrhée sévère, sudation prolongée) ou un régime désodé strict (à éviter) nécessitent un contrôle de la lithiémie.

-#gt; Insister sur l'importance de la régularité des prises car la réaction à une variation des dosages de lithium est très lente (plusieurs mois) et imperceptible, avec à la clé des risques de rechute plus importants.

-#gt; Respecter les durées de prescription.

-#gt; L'observance nécessite une attention particulière : 20 à 50 % des patients ne sont pas observants.

-#gt; La « mise à distance » ressentie par les patients qui voient leur affect et leur créativité s'émousser peut les inciter à arrêter leur traitement pour retrouver l'exaltation de la manie. Le traitement, en contrôlant les « hauts » et les « bas », permet de stabiliser l'humeur du patient qui en retire des avantages à long terme. Les médicaments ne modifient en rien la personnalité du malade.

-#gt; Voyage lointain et arrêt du tabac : la méfloquine (Lariam) et le bupropion (Zyban) sont contre-indiqués.

Des effets indésirables au surdosage

-#gt; Prendre la dose la plus élevée de lithium le soir et au cours des repas améliore la tolérance digestive.

-#gt; La prise de poids, les troubles de la libido peuvent conduire le patient à arrêter son traitement et se tourner vers des thérapies « douces ». Elles sont rédhibitoires et ne stabilisent en rien son humeur.

-#gt; Il n'est pas judicieux de lister les effets secondaires des médicaments, mais il est important de signaler les symptômes annonçant une intoxication au lithium (troubles de l'équilibre, obnubilation, tremblements...) ou une pancréatite due au divalproate (douleurs abdominales, nausées et perte d'appétit). Les proches peuvent aussi en être informés.

Un entourage motivé

Si l'alliance thérapeutique entre le patient et son médecin est essentielle, elle est évidemment renforcée par une alliance familiale et amicale.

La maladie maniacodépressive est douloureuse pour le conjoint et la famille, aussi bien lors des phases maniaques que dépressives. Affrontement, fugues, indifférence ou conduites délictuelles sont génératrices de souffrance pour l'entourage.

-#gt; Inciter les proches à s'informer sur la maladie car ils ont une influence indéniable sur son évolution, qu'il s'agisse de l'améliorer ou de la compliquer.

Bien renseignés, ils peuvent reconnaître les signes annonciateurs d'une rechute et avertir le thérapeute. Ils ne doivent donc pas hésiter à demander de l'aide auprès des associations de patients.

-#gt; Du « secoue-toi » au « calme-toi », le conjoint a souvent du mal à adopter le bon comportement. Les « hauts » et les « bas » ne sont pas forcément des signes inéluctables de rechute. Ces phrases peuvent être ressenties comme dévalorisantes par le patient qui peut alors avoir un réflexe d'isolement. Rencontrer le médecin traitant permet de retrouver une dynamique familiale plus harmonieuse.

Par Christine Julien

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

Argos 2001

Association d'aide aux personnes atteintes de troubles bipolaires et à leur entourage

- Argos 2001, 32, rue de la Tour-Auvergne, BP 132, 75422 Paris Cedex 09. Tél. : 01 69 24 22 90

http://argos.2001.free.fr/ ; e-mail : argos.2001@free.fr

Cette association regroupe des patients et leurs proches qu'elle renseigne sur la maladie. Elle propose des réunions d'informations bimensuelles. Le site Internet propose également des conseils pour aider à gérer au mieux la maladie et un test « Etes-vous bipolaire ? ».

UNAFAM

Union nationale des amis et familles de malades mentaux, 12, villa Compoint, 75017 Paris

Tél. (service d'écoute et de soutien) : 01 42 63 03 03

Tél. (siège national) : 01 53 06 30 43 (http://www.unafam.org/)

Cette association créée en 1963 regroupe des familles dont un proche souffre de troubles psychiques. Elle propose, par le biais de 85 antennes régionales, des conseils personnalisés d'ordre médical et juridique.

Union nationale des dépressifs et maniacodépressifs

3, allée de Lucerne, 35000 Rennes. Tél. : 02 99 32 39 62 ; e-mail : undmd@free.fr

Une aide et un soutien pour affronter le quotidien sont proposés à travers une écoute téléphonique du lundi au mercredi.

France dépression

4, rue Vigée-Lebrun, 75015 Paris. Tél. : 01 40 61 05 66 ; e-mail : france.depression@libertysurf.fr

L'association française contre la dépression et la maladie maniacodépressive est animée par des bénévoles. Elle assure une permanence téléphonique du lundi au vendredi. Elle publie un livre sur les thymorégulateurs et organise des conférences.

LIVRES

Des hauts et des bas qui perturbent votre vie

Michel Rochet avec la collaboration de Jean Hossenlopp, Chiron Editeur

Ce guide, écrit par un patient malade depuis l'âge de 15 ans, a pour but de prodiguer aide et conseils aux maniacodépressifs et à leur famille. Il répond aux questions que chacun peut se poser sur la pathologie, la vie au quotidien, les droits des malades, les traitements médicamenteux ou non, les hospitalisations et les associations à contacter. Cet ouvrage est aussi le reflet de l'expérience personnelle de l'div, fondateur de l'association Argos 2001.

Thérapie de groupe pour le trouble bipolaire : une approche structurée

Mark S. Bauer, Linda McBride, Editions Médecine et Hygiène

Certains patients ne répondent pas ou pas assez aux thérapeutiques médicamenteuses. Face à cette impasse, il existe des thérapies alternatives. Le « programme d'objectifs personnels » présenté dans cet ouvrage est destiné à aider les patients à améliorer l'autogestion de leur maladie. La méthode très didactique est présentée de façon claire et concise. De quoi offrir un autre regard sur les malades.

Classifications des troubles bipolaires

- La classification la plus utilisée est celle élaborée par l'American Psychiatric Association dans le DSM-IV (manuel diagnostic des troubles mentaux) en 1994. Trois types de troubles bipolaires sont répertoriés.

-#gt; Type I : un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes associés ou non à un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs.

-#gt; Type II : un ou plusieurs épisodes dépressifs associés à au moins un épisode hypomaniaque.

-#gt; Trouble cyclothymique : humeur fluctuante depuis au moins deux ans avec alternance de nombreuses périodes hypomaniaques et dépressives, sans que soient réunis les critères d'un épisode dépressif majeur.

- Akishal et Pinto ont introduit en 1999 la notion de troubles bipolaires atténués à travers une classification en huit types.

-#gt; Type 1/2 ou schizobipolaire.

-#gt; Type I : grande phase maniaque et épisode dépressif majeur ; phases mixtes dans la même journée (passage du rire aux larmes).

-#gt; Type I 1/2 : épisode dépressif récurrent avec hypomanie chronique.

-#gt; Type II : épisode dépressif majeur alternant avec des épisodes spontanés hypomaniaques.

-#gt; Type II 1/2 : dépression associée à un tempérament cyclothymique.

-#gt; Type III : épisode dépressif majeur associé à des phases maniaques ou hypomaniaques induites par des antidépresseurs.

-#gt; Type III 1/2 : instabilité thymique induite par l'abus de pschychostimulants.

-#gt; Type IV : dépression majeure associée à un tempérament hyperthymique (va souvent de pair avec une réussite sociale).

Les manies sévères

Il existe des formes sévères appelées manies suraiguës ou furieuses.

- Dans les formes suraiguës, l'élément caractéristique est une agitation extrême susceptible d'aboutir rapidement à une altération de l'état général avec déshydratation et hyperthermie.

- Dans les manies furieuses, l'agressivité l'emporte sur l'aspect ludique.

- Ces formes relativement fréquentes peuvent nécessiter une hospitalisation sous contrainte.

Diagnostic différentiel

- Chez l'adolescent : l'absence de tous les éléments classiques de l'épisode maniaque peut faire évoquer à tort le début d'une maladie schizophrénique, d'un trouble de la personnalité ou d'un déficit de l'attention.

- Chez le sujet âgé : l'existence de troubles cognitifs en cas d'épisode dépressif, ou d'agitation et d'agressivité en cas d'épisode maniaque, peut faire évoquer à tort un début de démence (maladie d'Alzheimer).

- Il faut également exclure du cadre des troubles bipolaires des symptômes qui seraient dus aux effets de diverses substances pouvant entraîner soit des épisodes de manie (corticoïdes, amphétamines...), soit, au contraire, des épisodes d'allures dépressives (bêtabloquants, substances anorexigènes, L-dopa, corticoïdes, interféron...).

- Certaines affections somatiques entraînent des symptômes pouvant être pris à tort pour un épisode dépressif : maladie de Parkinson, sclérose en plaques, accident vasculaire cérébral, hypothyroïdie, maladie de Cushing et d'Addison, cancers, hépatite, mononucléose infectieuse...

Intoxication au lithium

L'intoxication hyperlithiémique (taux supérieur à 1,5 mEq/l, avec menace vitale dès 2 mEq/l) entraîne des tremblements, des vertiges, des troubles de la vision, des nausées, des diarrhées et une confusion mentale. Elle peut laisser des séquelles neurologiques irréversibles et est particulièrement alarmante chez le sujet âgé. Elle est facilitée par l'association aux diurétiques, IEC, AINS y compris coxibs, cyclines et 5-nitro-imidazolés, par une insuffisance rénale, une pathologie cardiaque, une déshydratation, un diabète, un régime désodé, une hyperthermie, une rechute maniaque ou dépressive. Elle implique de suspendre l'administration de lithium, d'effectuer en urgence une lithiémie, d'alcaliniser les urines, d'induire une diurèse osmotique (mannitol) et d'administrer du chlorure de sodium.

Une hémodialyse est recommandée si la lithiémie excède 2,5 mEq/l.

Contre-indications absolues

Sels de lithium

- Hyponatrémie (notamment par régime désodé) : risque d'hyperlithiémie par augmentation de la réabsorption tubulaire.

- Insuffisance rénale : sauf surveillance étroite.

- Traitement salidiurétique : sauf surveillance étroite.

Carbamazépine

- Bloc auriculoventriculaire.

- Antécédents d'hypoplasie médullaire.

- Antécédents de porphyrie aiguë intermittente.

Valpromide et divalproate de sodium

- Hépatite aiguë ou chronique.

- Antécédent personnel ou familial d'hépatite sévère, notamment médicamenteuse.

- Porphyrie hépatique.

- Moins de 18 ans.

Zuclopenthixol

- Risque connu de glaucome par fermeture de l'angle.

- Risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques.

- Insuffisances hépatiques et/ou rénales graves.

Loxapine

- Comas ou états graves causés par l'alcool ou certains barbituriques.

- Moins de 16 ans.

Olanzapine

- Risque connu de glaucome à angle fermé.

Adaptation du traitement

Le traitement d'un accès maniaque ou dépressif dure plusieurs mois.

En cas d'inefficacité du lithium, reconnue après plusieurs mois d'administration, ou en cas de résistance secondaire :

- la posologie est augmentée en surveillant la tolérance, les taux plasmatiques et intraérythrocytaires ;

- le thymorégulateur est changé ;

- le lithium est associé à un anticonvulsivant, voire à des hormones thyroïdiennes en cas de cycles rapides.

Une fois qu'un équilibre clinique et biologique est atteint, le traitement normothymique est poursuivi de façon indéfinie et est adapté lors de situations nouvelles (associations médicamenteuses).

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