LA MALADIE DE PAGET - Le Moniteur des Pharmacies n° 2455 du 07/09/2002 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2455 du 07/09/2002
 

Cahier formation continue

L'ordonnance d'un patient artériopathe souffrant de maladie de Paget

Cette ordonnance présente les objectifs thérapeutiques suivants :

- la prise en charge d'une maladie de Paget par Didronel ;

- le traitement du syndrome douloureux lié à l'arthropathie pagétique, par Topalgic ;

- la prise en charge d'une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) par Aspégic pour ralentir les lésions artérielles et par Praxilène pour améliorer l'ischémie.

Validation du choix des médicaments

- Didronel 200 mg (étidronate disodique) est un biphosphonate, inhibiteur de la résorption osseuse. Son action antiostéoclastique ralentit le remaniement osseux. Il diminue l'hydroxyprolinurie et le taux de phosphatases alcalines. Il a un effet antalgique sur la douleur pagétique. Il est indiqué dans le traitement de la maladie de Paget de l'adulte, douloureuse ou non, en poussée évolutive ou compliquée. La dose initiale recommandée est de 5 mg/kg/jour soit 2 comprimés/jour pour une période maximale de 6 mois.

- Topalgic 50 mg (tramadol) est un antalgique central de niveau 2. Son efficacité est due à la synergie entre un effet opioïde par fixation sur les récepteurs de type mu et un effet monoaminergique central lié à une inhibition du recaptage de la noradrénaline et de la sérotonine. Ce mécanisme est impliqué dans le contrôle de la transmission nociceptive centrale.

Réservé à l'adulte, il est indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs modérées à intenses.

La dose d'attaque est de 50 à 100 mg (1 à 2 gélules) suivie de 50 ou 100 mg toutes les 4 à 6 heures sans dépasser 400 mg/24 h (8 gélules).

- Aspégic 250 mg (acétylsalicylate de DL-lysine) est non seulement un antalgique périphérique de niveau 1, mais il possède également des propriétés antiagrégantes plaquettaires. Elles sont ici mises à profit pour prévenir la formation de caillots pouvant être à l'origine de lésions artérielles.

La posologie requise est de un sachet par jour.

- Praxilène 200 mg (naftidrofuryl) est un vasodilatateur périphérique artériolaire. Il s'oppose aux effets proagrégants plaquettaires de la sérotonine. Il est prescrit dans le traitement symptomatique de la claudication intermittente des artériopathies chroniques oblitérantes des membres inférieurs (stade II).

La posologie nécessaire est de un comprimé 3 fois par jour.

Détection des interactions médicamenteuses

L'ordonnance ne comporte pas d'interaction médicamenteuse mais l'association de tous ces médicaments expose le patient à une addition d'effets secondaires essentiellement gastro-intestinaux (nausées, vomissements, gastralgies...). Il est souhaitable d'optimiser le plan de prise et d'adapter la posologie de Topalgic.

M. R. doit moduler la prise de Topalgic en fonction de ses douleurs, en l'utilisant à la posologie minimale efficace. Inutile de prendre systématiquement 8 gélules par jour.

Elaboration d'une opinion pharmaceutique

- Condiv

Affection mono- ou polyosseuse, la maladie de Paget progresse très lentement au sein des os atteints. L'accélération du remaniement osseux (excès de construction par les ostéoblastes et excès de destruction par les ostéoclastes) entraîne des douleurs ou un risque de complications osseuses, articulaires ou neurologiques. Hormis les rares cas de dégénérescence sarcomateuse, cette maladie ne présente pas de risque vital.

Le diagnostic est surtout radiologique. Le traitement repose essentiellement sur les biphosphonates qui limitent la résorption osseuse. La maladie de Paget est un facteur aggravant de l'AOMI car l'hypervascularisation de l'os pagétique induit des complications cardiovasculaires.

- Analyse des posologies

Les posologies sont correctes.

La prescription d'Aspégic 250 dans l'AOMI est courante, même si elle n'est pas « officielle ». Cela ne saurait pour autant justifier une non-dispensation. De faibles doses d'aspirine (75 à 325 mg/jour) sont indiquées en prévention d'accident ischémique cérébral lié à l'athérosclérose. Des spécialités comme Cardiosolupsan, Kardégic, Aspirine Upsa 325 mg ont spécifiquement cette indication.

- Avant la mise en place du traitement

- Pour la maladie de Paget

-> Dans le bilan initial, la scintigraphie osseuse précise la topographie des lésions et décèle les foyers invisibles à la radiographie. La maladie de Paget est confirmée par les anomalies de forme, de structure, de densité et l'aspect incurvé de l'os avec présence d'un « V » ostéolytique tibial.

-> Le bilan biologique sert à vérifier l'absence d'ostéomalacie patente (contre-indication du Didronel), la normalité de la vitesse de sédimentation, de la numération-formule sanguine, de la calcémie et des fonctions rénale et hépatique. Les phosphatases alcalines et l'hydroxyprolinurie des 24 heures sont augmentées. Ces paramètres (parfois normaux dans les atteintes mono-osseuses) reflètent l'hyperactivité du remodelage osseux et leur élévation est proportionnelle à l'étendue et à l'activité de la maladie de Paget.

- Pour l'AOMI

Le degré de l'ischémie et son retentissement sont appréciés par la gêne fonctionnelle (classification de Leriche et Fontaine) et son évolution. M. R. n'a pas de facteurs de risque majeurs (HTA, diabète, hyperlipidémie...) et son AOMI est de stade II.

- Suivi du traitement

- Pour la maladie de Paget

-> Un examen clinique tous les 3 mois

Il note les zones douloureuses, recherche une surdité (atteinte du rocher), une complication neurologique, une arthropathie pagétique, une fracture...

-> Un examen biologique tous les 3 à 6 mois

Le contrôle des phosphatases alcalines sert à surveiller l'évolutivité de la maladie et à apprécier l'efficacité du traitement.

-> Un examen radiologique par an

Il évalue l'efficacité du traitement antiostéoclastique. Il est inutile de répéter la scintigraphie pour le suivi du patient ou pour apprécier l'efficacité du traitement.

- Pour l'AOMI

L'existence de la maladie de Paget induit une surveillance plus étroite de l'AOMI : mesures des pressions artérielles systoliques à la cheville, évaluation par écho-Doppler artériel et examen artériographique de l'aorte et des artères des membres inférieurs en cas de gêne fonctionnelle aggravée.

Plan de prise conseillé ->Didronel 200 mg : prise unique à 10 heures le matin (2 heures au moins avant ou après un repas). Avaler les comprimés avec un verre d'eau ou de jus de fruits. Eviter tout aliment riche en calcium (laitages...) qui en diminue l'absorption. -> Topalgic 50 mg : avaler les gélules avec de l'eau, en dehors des repas. Respecter un intervalle de 4 à 6 heures entre les prises. -> Aspégic 250 mg : boire immédiatement après dissolution complète dans un grand verre d'eau, de jus de fruits, de soda ou de lait. Moment de prise indifférent. -> Praxilène 200 mg : avaler le comprimé sans le croquer avec un grand verre d'eau au cours du repas. La prise sans boisson au moment du coucher peut entraîner une oesophagite locale.

Propositions de conseils au patient

- Rassurer

La maladie de Paget est bénigne à condition que le traitement soit bien suivi, ce qui implique de :

- respecter les posologies et le plan de prise ;

- signaler le traitement à tout médecin consulté ;

- contacter le médecin en cas d'apparition de symptômes inhabituels ou de douleurs exacerbées (fracture éventuelle).

- Eviter l'automédication

- Antitussifs à base de codéine, médicaments contenant de l'alcool (majoration de l'effet sédatif du tramadol) : attention au volant.

- AINS : augmentation du risque ulcérogène.

- Boire beaucoup d'eau

Boire 2 à 3 litres d'eau par jour car Praxilène peut favoriser les lithiases rénales oxalocalciques.

- Lutter contre l'AOMI

- Respecter les mesures hygiénodiététiques pour diminuer les facteurs de risque de l'athérosclérose : maintien de l'arrêt du tabac et lutte contre la surcharge pondérale.

- Contrôler la tension au moins 1 fois par mois.

- Dormir avec les pieds surélevés.

- Sur avis médical, pratiquer une activité physique régulière adaptée (marche, vélo, natation...).

Par L. Chorfa-Bakir-Khodja, B. Sang, F. Brosille et Pr J. Calop, CEEPPPO, CHU de Grenoble

Qu'est-ce que la maladie de Paget ?

La maladie de Paget est une affection osseuse caractérisée anatomiquement par l'hypertrophie et la déformation d'une ou plusieurs pièces du squelette. On parle d'atteintes mono- ou polyostotiques. Elle progresse lentement au sein des os touchés alors que les os voisins restent indemnes. Elle peut entraîner des douleurs et des complications osseuses, articulaires ou neurologiques. Il n'y a pas de risque vital, sauf rare cas de dégénérescence sarcomateuse.

Epidémiologie

La maladie de Paget est rare avant 40 ans, mais sa fréquence augmente ensuite avec l'âge.

Elle atteint 3 à 4 % des personnes de plus de 45 ans et touche deux fois plus souvent l'homme que la femme. Hors pathologies malignes, il s'agit de la maladie osseuse la plus répandue après l'ostéoporose. Elle se rencontre plus souvent dans les pays anglo-saxons et chez les Blancs qu'en Afrique ou dans les pays scandinaves.

Les formes mono-osseuses représentent 10 à 25 % des cas et les atteintes pagétiques varient entre 3 et 6 par patient.

Les localisations sont plus fréquentes sur le bassin (70 %), le rachis lombaire (50 %), les fémurs et les tibias (50 %) et le crâne (40 %).

Physiopathologie

Le tissu osseux normal est progressivement remplacé par un tissu hypervascularisé de structure grossière, molle et irrégulière. Son renouvellement est excessif et anarchique. Cela entraîne une augmentation de la densité osseuse et une hypertrophie des os atteints. Ce remaniement provient d'une augmentation de l'ostéolyse plus ou moins compensée par une ostéogenèse anarchique.

La maladie de Paget n'est presque jamais inactive, elle atteint plutôt une sorte d'équilibre chronique. Son extension se fait de proche en proche. En l'absence de traitement, il lui faut trente à quarante ans pour atteindre la totalité d'un os long.

Signes cliniques

Neuf fois sur dix, la maladie de Paget est asymptomatique. Elle est fortuitement découverte lors d'un bilan radiologique standard. Si l'état général est toujours maintenu, des signes d'appel attirent parfois l'attention.

- Les douleurs

- Douleurs osseuses en général mécaniques, tardives, permanentes, augmentées lors de la pression locale, souvent modérées.

- Douleurs dues à une complication neurologique, articulaire, vasculaire...

- Les déformations

Elles sont inconstantes et tardives.

- Les troubles vasomoteurs

Ils se traduisent par une augmentation de la chaleur locale avec parfois oedème et circulation veineuse collatérale.

Etiologies

La cause de la maladie de Paget est inconnue, mais de nombreux arguments plaident en faveur d'une atteinte virale (Paramyxovirus). Il existe en effet des inclusions de type viral dans les ostéoclastes pagétiques. Sur un terrain prédéterminé, une infection virale banale pourrait induire une activation ostéoblastique anarchique. Il n'a cependant jamais été possible d'isoler un virus à partir de tissu osseux pagétique.

La maladie de Paget ne semble pas transmissible. Il existe des arguments pour une origine héréditaire (les formes familiales sont de 5 % environ).

Diagnostic radiologique

Les signes visibles sur les radios standard montrent des anomalies de forme (hypertrophie osseuse), de structure et de densité (aspect « ouaté »). Trois stades morphologiques osseux se distinguent.

- La phase lytique

Elle est radiotransparente. La résorption osseuse prédomine.

- La phase mixte

Elle est dite encore combinée ou biphasique.

La reconstruction compense partiellement la résorption réalisant un aspect cotonneux.

- La phase sclérotique

La reconstruction prédomine conduisant à l'épaississement et à la densification de l'os.

Examens complémentaires

Ils sont utiles lors du bilan initial et/ou de surveillance.

- La scintigraphie osseuse

Elle met en évidence une hyperfixation sur les os atteints. Prescrite lors du bilan initial uniquement, elle est l'examen le plus fidèle pour déceler les foyers invisibles sur les radiographies standard et surtout préciser la topographie, l'activité et l'extension des lésions.

- Les examens biologiques

Ils consistent à doser les paramètres reflétant le remodelage osseux.

-> Les phosphatases alcalines sériques et l'hydroxyprolinurie

Leur dosage sert à la surveillance de l'évolution de la maladie et de l'efficacité des traitements. Leur augmentation est proportionnelle à l'étendue et à l'activité de la maladie.

Les valeurs peuvent être normales dans les formes localisées sur un seul os.

Les phosphatases alcalines sont le reflet d'une hyperactivité ostéoblastique.

L'hydroxyproline urinaire témoigne de l'hyperactivité ostéoclastique. Son dosage tend à être remplacé par celui de la désoxypyridinoline libre.

-> La calcémie, souvent normale, n'est augmentée que s'il existe une hyperparathyroïdie associée ou lors d'immobilisation prolongée.

-> La calciurie est variable.

-> La phosphorémie et la phosphaturie sont normales.

-> La vitesse de sédimentation est normale.

Complications

La maladie de Paget est une maladie bénigne qui évolue localement et lentement sur les os déjà atteints. Il n'existe pas de risque d'atteinte de nouvelles pièces osseuses. Les complications articulaires et les fractures sont les plus fréquentes.

- Les complications articulaires

Les arthropathies pagétiques touchent surtout la hanche et le genou. Elles sont dues aux déformations des extrémités osseuses. Elles entraînent des douleurs, des déformations, une impotence fonctionnelle. Au niveau de la hanche, l'évolution vers une protrusion acétabulaire est classique. Au niveau du genou, une déformation de type genu varum peut se rencontrer.

- Les fractures

Dues à la fragilité de l'os pagétique, elles concernent en priorité le fémur, le tibia et l'humérus. Des fissures sont visibles sur la convexité des os longs. Sur ces os longs, des fractures diaphysaires transversales sont possibles (fractures en « bâton de craie »).

- Les complications nerveuses

Elle sont provoquées par les compressions générées par les os hypertrophiés : cruralgies, sciatiques, surdité souvent bilatérale par atteinte du rocher, compression médullaire (paraplégie) ou syndrome de la queue de cheval lors d'une localisation rachidienne.

Des lésions encéphaliques existent lors d'atteintes de la base du crâne (hydrocéphalie, céphalées, troubles psychiatriques...).

Une ischémie médullaire peut se rencontrer.

- Les complications cardiovasculaires

Elles s'expliquent par l'hypervascularisation de l'os atteint.

Une insuffisance cardiaque peut survenir. Le retentissement cardiaque se fait sentir quand la maladie de Paget atteint plus de 15 % du squelette. C'est la principale cause de mortalité des maladies de Paget évoluées. Des accidents vasculaires cérébraux peuvent également se produire.

- La dégénérescence sarcomateuse

Très rare (1 %), mais redoutable, elle survient en général vers 60 ans sur des maladies de Paget diffuses.

Elle est surtout localisée au niveau du fémur et de l'humérus, sur une pièce osseuse déjà atteinte. Elle doit être suspectée devant des douleurs non calmées par le repos ou les antalgiques classiquement utilisés, devant une altération de l'état général, devant des images ostéolytiques sur les radios et sur des aspects tumoraux au scanner et à l'IRM. Le diagnostic est confirmé par la biopsie.

De très mauvais pronostic à court terme (un an), cette dégénérescence n'a jamais été rapportée au cours des maladies de Paget contrôlées par le traitement. D'où la nécessité d'un diagnostic et d'une prise en charge précoces.

Evolution

Compte tenu de l'évolution des nouveaux traitements, cette maladie ne devrait plus être invalidante et déformante.

L'évolution est caractérisée par des périodes de stabilisation, des poussées évolutives avec extension sans généralisation complète.

Le retentissement est soit totalement latent (le plus souvent), soit le pronostic fonctionnel est en jeu (fracture, surdité, compression médullaire ou radiculaire), soit le pronostic vital est en jeu (très rarement) : dégénérescence sarcomateuse, insuffisance cardiaque, complications de décubitus (escarres, paralysies).

Par le Dr Béatrice Paillat

Comment traiter la maladie de Paget ?

Le traitement de la maladie de Paget doit ralentir et normaliser le renouvellement osseux excessif responsable de l'hypertrophie et de l'allongement des os atteints afin de réduire l'incidence des complications et des douleurs.

Traitement spécifique

Les calcitonines

La calcitonine est une hormone thyroïdienne hypocalcémiante possédant à dose pharmacologique une puissante et rapide action antiostéoclastique. Elle induit une baisse de la calcémie, de la phosphorémie et de l'hydroxyprolinurie. D'origine salmine ou humaine synthétique, la calcitonine est administrée par voie sous-cutanée (ou parfois intramusculaire). L'effet antalgique sur les douleurs osseuses est net et rapide. Les taux de phosphatases alcalines et d'hydroxyprolinurie sont réduits de 30 à 70 % selon les patients. Cette baisse persiste tant que dure le traitement. En fonction des paramètres biologiques, un traitement d'entretien discontinu peut être instauré. La réduction de l'hyperfixation scintigraphique, la diminution des douleurs osseuses et de l'hyperthermie locale, la densification radiologique des zones d'ostéolyse confirment l'efficacité thérapeutique. En revanche, la calcitonine est sans effet sur la progression de la maladie et sur la surdité. Son efficacité est incertaine sur les fissures osseuses.

Chez 20 à 30 % des patients pagétiques, les calcitonines injectables induisent des bouffées vasomotrices et des nausées jugulables par l'injection d'antiémétiques. L'observance à long terme de ce traitement parentéral continu est médiocre.

Chez certains patients, il est possible d'observer plus ou moins tôt un échappement thérapeutique.

Les biphosphonates

Les biphosphonates sont des composés de synthèse, analogues structuraux des pyrophosphates inorganiques qui interviennent dans la minéralisation. Ils ont une puissante action antiostéoclastique. Ils réduisent la résorption osseuse, diminuent l'accélération du remodelage osseux et entraînent un gain progressif de masse osseuse, d'autant qu'ils sont plus fortement captés par l'os pagétique que par l'os sain. Ils induisent indirectement une normalisation de l'activité ostéoblastique et la réapparition d'un tissu osseux à texture lamellaire normale. Finalement, ils induisent une « guérison histologique partielle » de la maladie pagétique.

Les biphosphonates se révèlent plus efficaces que les calcitonines. Ils sont actifs, même en cas de résistance à cette hormone. Par voie orale, ils ont une biodisponibilité très faible (0,5 à 5 %). Ils doivent s'avaler avec de l'eau et jamais avec des laitages car le calcium diminue leur efficacité. Le même désagrément peut se produire avec des médicaments à base de fer, d'aluminium, de calcium et de magnésium. Le patient doit rester pendant au moins 30 minutes en position assise ou debout, mais jamais couchée (risque d'oesophagite ou d'ulcération oesophagienne). En cas de fracture, le traitement est suspendu jusqu'à complète consolidation. L'association biphosphonate-calcitonine a été utilisée avec succès dans les formes très évolutives.

- L'acide étidronique

Didronel 200 se prescrit à la posologie de 5 mg/kg/jour durant 6 mois au plus. Une seconde cure est possible après un intervalle libre d'au moins trois mois. 7 à 10 mg/kg/j sont nécessaires pour les formes plus étendues ou plus actives. Des posologies supérieures ou des durées de traitement plus longues exposent le patient à des risques d'ostéomalacie et d'ostéolyse en site pagétique, souvent douloureuses et invalidantes. Elles ne guérissent qu'après son arrêt et mise sous calcitonine. L'étidronate disodique exerce un effet favorable chez environ 75 % des patients, avec une baisse de 30 à 80 % des phosphatases alcalines et de l'hydroxyprolinurie, plus lentement mais plus durablement que sous calcitonine. Un traitement de 6 mois tous les 18 mois est souvent suffisant. Les douleurs osseuses et articulaires sont réduites mais Didronel n'agit pas sur la surdité. Des douleurs abdominales ou des diarrhées peuvent survenir.

Où agissent les traitements? Deux types de cellules interviennent dans le remodelage osseux. Les ostéoclastes détruisent l'os. Ils sécrètent notamment des enzymes protéolytiques qui dégradent la matrice osseuse. Les ostéoblastes ont un rôle opposé. Ils sont responsables de la formation de l'os par sécrétion de collagène et d'hydroxyapatite. Ils sécrètent les phosphatases alcalines. - La calcitonine possède une puissante action antiostéoclastique et diminue les taux de phosphatases alcalines. - Les biphosphonates ont une action antiostéoclastique. Ils induisent indirectement une normalisation de l'activité ostéoblastique.

- L'acide risédronique

La posologie d'Actonel est de 30 mg/jour, en cure de 2 mois. Un second traitement de la même durée peut être prescrit au moins deux mois après l'arrêt du traitement initial. Actonel paraît être sans effet inhibiteur sur la minéralisation osseuse lors des traitements au long cours, donc sans risque d'ostéomalacie.

- L'acide tiludronique

Skelid se prescrit à la posologie de 400 mg par jour durant 3 mois (seconde cure possible après un intervalle libre d'au moins six mois). Il est bien toléré. Son efficacité est supérieure à celle de l'étidronate. Les échecs et échappements sont rares. L'inhibition de la résorption osseuse permet parfois de bonnes reminéralisations.

- L'acide pamidronique

Arédia est le plus puissant des biphosphonates. Il est administré en perfusion intraveineuse lente de 120 à 180 mg sur 2 à 3 jours consécutifs. Un espace libre d'au moins six mois doit être ménagé entre deux cures. La puissante action antiostéoclastique provoque, en bloquant la résorption osseuse, une hypocalcémie rapide, prévenue par une supplémentation calcique préalable. Arédia présente l'avantage de cures courtes, au lieu de plusieurs mois avec les biphosphonates per os. La tolérance est bonne en dehors de réactions fébriles lors de la première cure. Les troubles du métabolisme calcique doivent être contrôlés avant le début du traitement. Arédia nécessite une surveillance particulière pendant le traitement (calcémie, phosphatémie, magnésémie).

Autres traitements

- La thérapeutique antalgique fait appel à l'aspirine, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, au paracétamol, au dextropropoxyphène ou au tramadol.

- La mithramycine (Mithracine), antibiotique cytotoxique à effet antiostéoclastique, fut utilisé dans les formes sévères de la maladie de Paget avec quelques succès. Sa mauvaise tolérance digestive et sa toxicité rénale, hépatique et médullaire l'ont fait abandonner depuis les biphosphonates.

- La chirurgie consiste en des arthroplasties, des ostéotomies de réaxation, des traitements orthopédiques des fractures.

Traitement du terrain

Il veille à la normalité du métabolisme phosphocalcique. L'accroissement de la masse osseuse, associée à une hypovitaminose D et une réduction de l'absorption intestinale du calcium liée à l'âge, font que les besoins en calcium sont accrus. Les apports calciques quotidiens alimentaires sont si besoin complétés par la prise de calcium par voie orale (pour arriver à 1,5 g/jour). On peut également procéder à une correction de l'hypovitaminose D (400 à 800 UI/jour ).

Par Frédéric Chauvelot

Quels conseils donner aux patients ?

Rester vigilant, même en l'absence de symptômes

Les formes asymptomatiques sont fréquentes. Une attention toute particulière est requise chez les hommes de plus de 50 ans. Il faut inciter le patient à signaler toute douleur osseuse (bassin, crâne..) permanente, souvent accompagnée d'une sensation de chaleur locale. Les douleurs articulaires (hanche, genoux, chevilles, plus rarement épaule), les douleurs nerveuses (sciatique, névralgie cervicobrachiale...), les troubles vasomoteurs (hyperhémie cutanée en regard des lésions osseuses) ne doivent pas non plus être pris à la légère. Sans oublier bien sûr les déformations caractéristiques de la maladie : hypertrophie crânienne (signe du chapeau), tibia « en lame de sabre ».

Expliquer et rassurer

- La maladie de Paget est une dystrophie osseuse bénigne progressant lentement. Sur un os long comme le tibia ou le fémur, la maladie progresse en moyenne de un centimètre par an.

- Elle atteint un ou plusieurs os mais jamais l'ensemble du squelette. Si la maladie de Paget entraîne des douleurs, voire un risque de complications osseuses, articulaires, neurologiques, elle ne présente en principe pas de risque vital.

- La décision de traiter une maladie de Paget n'est pas systématique. Elle est prise devant des formes actives, douloureuses et étendues ; devant des formes asymptomatiques mais avec risque de complications lié au site (base du crâne, rachis, os longs des membres inférieurs) ; devant des complications ou en vue d'une préparation à la chirurgie orthopédique sur os pagétique.

Prudence avec les antalgiques et les anti-inflammatoires

Si ces molécules apportent un soulagement rapide et suffisant dans certaines formes douloureuses, il convient d'insister sur leurs précautions d'emploi :

-> somnolence, vertiges et désorientation possibles avec le dextropropoxyphène ;

-> risque de manifestations gastro-intestinales (hémorragie digestive, ulcère gastroduodénal) avec l'aspirine et les AINS ;

-> attention à l'indométacine ! : son administration augmente la biodisponibilité de l'acide tiludronique.

Veiller au bon usage des biphosphonates

Ils doivent toujours être administrés à distance des repas, de tout aliment lacté, de protecteurs gastriques antiacides (sels, oxydes et hydroxydes de magnésium, d'aluminium et de calcium) et de sels de fer.

La prise de biphosphonates peut entraîner des effets secondaires de nature gastro-intestinale : douleurs gastriques, nausées et diarrhées. Lorsque ces désagréments se répètent, il est recommandé de fractionner la prise : une première à 10 heures et une seconde à 17 heures.

Favoriser l'observance de la calcitonine

Son indication se limite à la recherche d'un effet antalgique rapide ou lorsque les biphosphonates sont contre-indiqués. Du fait de la nécessité d'un traitement continu et parentéral, la compliance à long terme est généralement médiocre.

A l'injection, la calcitonine induit parfois des nausées et des bouffées vasomotrices. Ces effets s'atténuent lorsque l'injection est pratiquée en soirée, en décubitus et en période postprandiale.

Bien suivre le calendrier des consultations

Une consultation est recommandée en général tous les 3 à 6 mois avec un dosage des phosphatases alcalines, effectué si possible toujours dans le même laboratoire.

Attention au risque de fractures !

Les fractures sur os pagétique s'observent avec une prévalence de 5 à 20 %. Elles touchent surtout le fémur, un peu moins le tibia et l'humérus.

Si certaines sont spontanées, d'autres sont liées à des traumatismes, à des chutes. Afin d'éviter ces atteintes physiques handicapantes, parfois lourdes de conséquences (hospitalisation, rééducation longue, alitement prolongé), il est essentiel de procéder à de petits aménagements au domicile :

-> fixer au mur les fils de téléphone, du téléviseur, des lampes ;

-> laisser le passage libre sans l'encombrer de petits meubles qui font obstacle ;

-> attention aux revêtements glissants ! : carrelage, parquet, lino, descente de lit ;

-> adopter un éclairage suffisant ;

-> éviter de monter sur des escabeaux trop hauts.

Recommander un apport suffisant en calcium et vitamine D

Privilégier lait, yaourt, fromage. En profiter pour rappeler l'importance d'aliments apportant de l'énergie (pâtes, riz, pommes de terre). Préserver l'apport de protéines (viandes, poisson, oeuf) et bien entendu boire suffisamment.

Par Nathalie Hervé

Trois questions au... D r Erick Legrand

Praticien hospitalier, service de rhumatologie, CHU d'Angers

La calcitonine est administrée par voie nasale dans certains pays. Pourquoi pas en France ?

La calcitonine est effectivement utilisée par voie nasale aux Etats-Unis. Des problèmes de tolérance sont au rendez-vous. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'AMM européenne. De toute façon, la calcitonine est en cours d'abandon dans la maladie de Paget non compliquée, en partie à cause de l'échappement thérapeutique. Il est lié à la production d'anticorps anticalcitonine par le patient et à une baisse de l'expression des récepteurs au cours du temps. Cet échappement peut apparaître en quelques mois seulement.

Quelles sont les perspectives thérapeutiques ?

Les biphosphonates restent le traitement de référence. Plus ils sont récents, plus ils permettent des cures courtes et plus ils sont efficaces. Des essais sont actuellement conduits avec le zolédronate (Zometa), déjà utilisé à l'hôpital contre les métastases osseuses. Son pouvoir d'inhibition de la résorption osseuse, énorme, permet son emploi à de petites doses.

En chirurgie, les ostéotomies ainsi que les prothèses totales de hanche et de genou font elles aussi appel aux biphosphonates. Dans le premier cas, ils diminuent le risque hémorragique peropératoire. Dans le second, ils permettent à la prothèse de bien vieillir en protégeant le tissu osseux autour.

Pourquoi la maladie de Paget fait-elle aussi peu parler d'elle ?

Parce qu'elle est de plus en plus rare ! A cela deux explications. D'abord, elle est mieux traitée. Ensuite, il y a une hypothèse étiologique virale de la maladie. A la suite d'une rougeole, des inclusions de type Paramyxovirus pourraient rester quiescentes pendant de longues années dans les ostéoclastes. Ainsi, la vaccination ROR diminuerait le risque de maladie de Paget. Cela reste naturellement très discuté.

Par Laurent Lefort

Pour en savoir plus

LIVRES

La maladie osseuse de Paget

Ouvrage collectif sous la direction du Professeur Pierre Jean Meunier, Editions John Libbey Eurotext.

Publié en 1998, cet ouvrage de synthèse explique que l'histoire officielle de la maladie a débuté le 14 novembre 1876.

L'ouvrage détaille la pathologie et ses complications. Il est un peu moins fourni sur le traitement.

LE CAS

M. R., 70 ans, 76 kg pour 1,83 m, ancien fumeur, souffre de douleurs à la marche au niveau du tibia et du genou gauches. Elles ne sont pas totalement soulagées par Di-Antalvic. Devant leur persistance, il consulte un rhumatologue. Hormis une artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (AOMI) traitée par Aspégic et Praxilène depuis 6 mois, M. R. n'a aucun antécédent particulier.

L'examen clinique met en évidence une déformation antéroexterne de la jambe gauche, une hyperhémie cutanée au niveau de l'incurvation tibiale et une douleur à la pression du genou concerné. Les examens radiographiques (scintigraphie osseuse, radiographie) et biologiques (bilan complet, bilan phosphocalcique, hydroxyprolinurie des 24 heures...) permettent de confirmer le diagnostic de maladie de Paget du tibia gauche. L'imagerie montre, au niveau de la déformation tibiale, un aspect hypertrophié et remanié de la trame osseuse.

L'ordonnance

-> Didronel 200 mg : 2 comprimés le matin à 10 heures avec un grand verre d'eau.

-> Topalgic 50 mg : 2 gélules le matin suivies de 1 ou 2 gélules toutes les 4 à 6 heures sans dépasser 8 gélules par jour.

-> Aspégic 250 mg : 1 sachet le matin.

-> Praxilène 200 mg : 1 comprimé matin, midi et soir.

qsp 1 mois à renouveler 2 fois.

Contre-indications

Les biphosphonates sont contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale sévère avec clairance à la créatinine inférieure à 30 ml/min, et lors de la grossesse et de l'allaitement. Ce type de traitement doit être évité en cas d'antécédents d'ulcère gastroduodénal ou d'oesophagite.

Stratégie thérapeutique

Le traitement antiostéoclastique fait appel aux biphosphonates oraux. Il est entrepris devant des douleurs, des déformations osseuses, des complications objectivées, en cas de maladie asymptomatique exposant à un risque de complication du fait de la localisation : crâne, rachis, os long, zone périarticulaire. Ce traitement est également indispensable préalablement à toute chirurgie orthopédique (ostéotomie, prothèse articulaire). En cas d'atteinte mono-osseuse peu étendue, la décision de traiter dépend exclusivement des symptômes et de la localisation.

-> L'acide tiludronique est prescrit pour trois mois ou jusqu'à normalisation des paramètres biochimiques, en association avec 1 gramme de calcium et 800 UI de vitamine D par jour. L'objectif est de ramener les marqueurs du remodelage osseux à la normale. Une ascension de 30 % de ces paramètres justifie une nouvelle séquence thérapeutique.

-> Sous acide étidronique, la baisse des marqueurs biologiques persiste un an après l'arrêt du traitement. Il peut être recommencé en cas de récidive clinique ou biologique, mais avec une possibilité de résistance. A éviter en cas de fissure, de fracture, lors de la mise en place de prothèse et dans les formes ostéolytiques pures.

-> L'acide résidronique a une efficacité comparable à l'acide étidronique.

-> L'acide pamidronique est réservé aux formes sévères ou résistantes aux autres biphosphonates ou en cas de doute sur l'observance du patient aux formes orales.

- L'utilisation de la calcitonine se limite à la recherche d'un effet antalgique rapide ou aux cas où les biphosphonates sont contre-indiqués.

Les atteintes liées à la maladie de Paget sont le plus souvent localisées au niveau du bassin.

La calcitonine et les biphosphonates ont en commun une puissante action antiostéoclastique.

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