Comment traiter la dermatite atopique ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2415 du 13/10/2001 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2415 du 13/10/2001
 

Cahier formation continue

Le traitement de la dermatite atopique n'est pas curatif de la maladie, qui revient pas poussées successives. Le patient ou sa famille, s'il s'agit d'un jeune enfant, doit savoir distinguer le traitement d'attaque, destiné à réduire les poussées inflammatoires, du traitement de fond, quotidien, ayant pour objet de prévenir ces poussées.

Le caractère chronique et récidivant de la maladie constitue une source d'angoisse et de découragement. Il importe donc, en toutes circonstances, d'accompagner la famille par des conseils hygiénodiététiques précis, de veiller à ce que l'ordonnance n'inclue pas plus de trois produits différents (l'observance en dépend...) et de préciser convenablement les quantités de corticoïdes et d'émollients à appliquer ainsi que les zones précises de leur application.

Le traitement des poussées aiguës

Corticothérapie locale

La corticothérapie locale constitue le traitement de choix des poussées inflammatoires. Son activité anti-inflammatoire découle de son effet vasoconstricteur et immunosuppresseur (inhibition des fonctions leucocytaires, inhibition des gènes de l'inflammation codant des cytines, des enzymes et des molécules d'adhésion).

- Classification des dermocorticoïdes

Les corticoïdes locaux sont classés en quatre niveaux d'activité, suivant leurs réponses aux tests de vasoconstriction cutanée : activité faible (classe IV), modérée (classe III), forte (classe II) et très forte (classe I). L'activité mais aussi les effets secondaires sont fonction de la classe du corticoïde, et le choix de celui-ci doit être adapté au site des lésions, à leur importance et à l'âge du patient.

On privilégie chez l'enfant des dermocorticoïdes de niveau d'activité modéré ou, sur une courte période, des produits d'activité forte. Chez le nourrisson de moins de un an ou sur le visage on se limite aux corticoïdes de niveau d'activité faible.

- Effets secondaires

Les plus fréquents sont la survenue de dermites cortico-induites locales : dermite acnéiforme, périorale ou rosacéiforme sur le visage, purpura ecchymotique sur les membres, vergetures sur le ventre ou les seins. Des lésions achromiques peuvent être secondaires aux corticoïdes. De plus, l'application sur la peau saine peut entraîner une atrophie dermoépidermique en raison de l'effet antimitotique des corticoïdes locaux. Les dermocorticoïdes ne doivent jamais être appliqués sur les paupières (risque de cataracte ou de glaucome), à l'exception des corticoïdes d'activité faible à modérée, pour une durée limitée.

Un effet systémique est à craindre en cas de mauvaise utilisation : application sur des lésions aiguës, étendues, et utilisation de dermocorticoïdes forts, applications occlusives en particulier par occlusion spontanée chez le nourrisson dans les plis ou sous la couche. Il peut entraîner un syndrome cushingoïde avec une altération de la croissance chez l'enfant, et une insuffisance rénale mineure.

Il est donc souhaitable de :

- respecter le choix de la classe du dermocorticoïde en fonction de l'âge du sujet et de la localisation de la lésion ;

- quantifier le nombre de tubes de corticoïdes utilisés pour surveiller l'absence de sous- ou de surdosage.

- Choix de la forme galénique et mode d'application

Les pommades et crèmes épaisses sont adaptées aux lésions sèches, fissuraires ou hyperkératosiques, tandis que les crèmes conviennent à toutes les lésions même suintantes.

Le recours au topique doit se faire précocement, sous forme d'une couche très fine appliquée au profit des seules zones enflammées et/ou prurigineuses, une ou deux fois par jour, au maximum jusqu'à amélioration des symptômes cliniques.

Si le traitement dépasse une semaine, dès qu'une amélioration de 50 % de la lésion est observée, commencer à réduire les doses progressivement. Le traitement est alors poursuivi à raison de une application un jour sur deux, puis arrêté progressivement, sur dix jours environ, pour prévenir la survenue d'une dermite cortico-induite.

Lorsque les crises sont plus aiguës ou plus fréquentes, ce principe doit être revu à la hausse. Une poussée particulièrement intense requiert, même chez le nourrisson, l'utilisation de corticoïdes de classe II afin d'accélérer sa disparition. La surface de peau atteinte étant rapidement réduite, la quantité de corticoïdes appliquée au total est réduite. De même, il est préférable de traiter énergiquement les poussées rapprochées, même d'importance modérée, par un produit de classe II. Cette stratégie permet de ménager des fenêtres thérapeutiques plus prolongées entre les poussées.

Les zones difficiles à traiter comme les plis des coudes ou les creux poplités justifient l'application de dermocorticoïdes puissants, ce qui permet de limiter les lésions de grattage susceptibles de se surinfecter ou de se lichénifier.

- Intérêt et limites de la corticothérapie locale

Si les corticoïdes restent considérés comme des médicaments peu maniables par beaucoup de médecins et de patients, le recours à la corticothérapie locale dans la prise en charge de la dermatite atopique apporte indéniablement un soulagement rapide des symptômes. Il en résulte deux risques opposés.

- Une utilisation timorée entraîne la pérennisation des poussées et leur surinfection. La constance du prurit influe sur le sommeil, sur les capacités de concentration et peut induire des troubles du comportement. De même, la chronicité et la visibilité des lésions induisent souvent des troubles relationnels.

- Inversement, une application massive et/ou répétée de dermocorticoïdes, administrés « préventivement » par les parents, peut exposer à des effets secondaires locaux (dermite cortico-induite) et surtout systémiques (ralentissement définitif de la croissance, syndrome cushingoïde).

Choix de la classe du dermocorticoïde Les dermocorticoïdes locaux dans la dermatite atopique

Traitement anti-infectieux local

- Risque infectieux

Une particularité de la peau atopique est sa densité microbienne, augmentée par rapport à des sujets sains, avec une flore prédominante à staphylocoque doré. Cette prolifération s'explique par différents facteurs : composition anormale des lipides épidermiques, anomalies de l'immunité et de l'expression des molécules d'adhésion épidermique, perturbations du microrelief de la peau avec squames et fissurations, application de corticoïdes immunosuppresseurs. La prolifération bactérienne induit des symptômes infectieux (suintements, impétiginisation). Les corticoïdes ne doivent donc être appliqués que sur une peau préalablement nettoyée.

- Traitement de la surinfection microbienne

Lorsque les lésions sont surinfectées (et seulement dans ce cas !), des applications d'antiseptiques (nitrate d'argent à 0,5 % sur des lésions localisées suintantes, crèmes à base de sulfate de cuivre et de zinc...) ou des bains tièdes contenant un antiseptique (Septalibour, Plurexid, Septiane...) constituent un traitement de première intention. Les bains antiseptiques doivent toujours être suivis d'un rinçage soigneux des zones concernées et d'un séchage des lésions évitant de les irriter (on emploie, par exemple, un sèche-cheveux).

Si l'antisepsie locale n'est pas suffisante, il peut être nécessaire d'appliquer un topique antibiotique (Fucidine, Mupiderm...) avec néanmoins le risque d'induire une sensibilisation cutanée.

Traitements systémiques

Ils sont rarement indiqués et se déclinent en trois volets :

- L'antibiothérapie per os (macrolide ou bêtalactamine) peut être prescrite pendant 10 jours en cas de lésions surinfectées.

- Les antihistaminiques H1 permettent de lutter contre le prurit. L'oxatomide (Tinset) possède expressément une indication dans la dermatite atopique. L'Atarax, sédatif, est volontiers employé car il calme le prurit et améliore le sommeil souvent perturbé en période de poussées d'eczéma chez l'enfant.

- La ciclosporine (Sandimmun, Néoral) bénéficie d'une AMM dans les formes sévères de dermatite atopique, chez l'adulte, en cas d'inefficacité, d'intolérance ou de contre-indication de la photothérapie par UV (indiquée chez l'adulte en cas de dermatite grave et résistante). La prescription initiale demeure du domaine hospitalier. Elle est valable six mois. Son renouvellement à l'identique est possible par tout médecin de ville.

Le traitement de fond

Des soins quotidiens sont indispensables.

- Les agents émollients

Une peau atopique doit faire l'objet de soins quotidiens par utilisation de crèmes grasses permettant de restaurer la barrière cutanée et de prévenir les pertes hydriques. Elles sont appliquées après légère humidification ou, mieux, immédiatement après le bain. Les agents émollients (souvent des émulsions eau dans huile) mais aussi tous les produits hydratants favorisent la cicatrisation des zones réactives. Les produits utilisés dans cette indication sont nombreux. L'association glycérol, vaseline et paraffine constitue une prescription classique dans ce domaine (Dexeryl, spécialité remboursée dans le cadre de la dermatite atopique), mais d'autres produits indiqués en traitement d'appoint des lésions de sécheresse cutanée sont utilisés (cold-creams, cérat de Galien, crèmes ou laits pour peaux atopiques).

Les agents émollients ne doivent jamais être appliqués sur une dermatose surinfectée.

- Le nettoyage des lésions

Le nettoyage des lésions et du reste du corps est réalisé avec un savon surgras ou un pain dermatologique formulé pour peaux sèches ou atopiques. Il doit toujours précéder l'application des dermocorticoïdes pour débarrasser les lésions des staphylocoques dorés présents.

Les conseils hygiénodiététiques

Les dermocorticoïdes sont actifs sur les poussées de dermatite atopique mais ne préviennent pas les récidives. Seules les mesures d'éviction des allergènes peuvent prévenir les nouvelles poussées. Ce qui nécessite d'adapter l'environnement et l'alimentation, en particulier chez le nourrisson et l'enfant.

La toilette et l'habillement

- Le bain doit être tiède (33 à 35 °C). Au-delà, la vasodilatation qu'il entraîne aggrave l'inflammation et le prurit. Une huile de bain ou des extraits d'avoine apaisants peuvent être ajoutés dans l'eau du bain. Chez l'enfant plus grand, les douches rapides sont souhaitables.

- Le patient doit éviter de porter des vêtements irritants en contact avec les zones lésées ou des vêtements favorisant la transpiration. Les vêtements doivent toujours être abondamment rincés après lavage. On privilégie l'usage de lessives liquides ne contenant pas de phosphates, en quantité limitée. Il faut proscrire l'utilisation d'agents assouplissants. Sous-vêtements et pyjamas en coton sont changés quotidiennement.

L'environnement

- L'éviction des animaux, des jouets en peluche, de la literie contenant des plumes ainsi que celle des acariens de l'environnement sont souhaitables (traitement acaricide en spray, housses de matelas antiacariens, aspiration de la chambre et du salon bihebdomadaire de façon puissante, pas de tissu aux murs ni de moquette, lavage des draps, couvertures et jouets chaque semaine à 60 °C, aération des pièces).

- L'humidification et l'aération du logement doivent être correctes et il faut éviter toute atmosphère surchauffée (19 °C au maximum).

L'usage du tabac et les atmosphères enfumées doivent également être supprimés.

L'alimentation

- Chez le nourrisson

L'allaitement maternel est idéal, relayé par un lait hypoallergénique dès le premier biberon.

Les autres aliments seront introduits avec prudence, de préférence après 6 mois, la muqueuse digestive étant plus fragile et plus perméable en bas âge, en évitant la vanilline, certains légumes (choux, poivrons, navets, salsifis et tomates), les fruits exotiques, les fruits secs (noix, amandes, cacahuètes...), les oeufs et le poisson, l'huile d'arachide...

- Chez le grand enfant et l'adulte

Une adaptation du régime alimentaire ne s'impose que si des aliments allergéniques sont de façon évidente la cause des crises.

Perspectives

- Le tacrolimus, immunosuppresseur en pommade (Prograf), est en cours d'expérimentation dans la dermatite atopique. Efficace sur le prurit, il pourrait constituer une alternative aux dermocorticoïdes, mais il donne lieu à des effets indésirables locaux (brûlures) et à un risque d'infection cutanée grave (herpès).

- De très nombreuses autres pistes sont à l'étude : agents bloquant le développement de l'inflammation, inhibiteurs de cytines, anticorps anti-CD4... Toutefois, le traitement étiologique de la dermatite atopique paraît encore lointain.

Résistance à la corticothérapie locale

Dans la majorité des cas, les dermocorticoïdes améliorent rapidement le prurit et l'inflammation. La persistance de la poussée inflammatoire doit faire rechercher différentes possibilités.

- Traitement non adapté ou mal suivi

- Choix d'une classe trop faible

- Quantités appliquées trop faibles

- Forme galénique inadaptée

- Dermatose associée

- Surinfection bactérienne

- Lésions trop épaisses

- Erreur de diagnostic

- Phénomène allergique

- Persistance de l'allergène

- Sensibilisation au corticoïde

Contre-indications absolues

- Des dermocorticoïdes

- Infections primitives bactériennes, virales, fongiques ou parasitaires.

- Lésions ulcérées.

- Acné rosacée.

- Application sur les paupières (risque de glaucome), sauf pour les dermocorticoïdes d'activité faible à modérée en traitement court.

- Application sur les seins en cas d'allaitement (risque d'ingestion du produit par le nourrisson).

- De l'oxatomide (Tinset)

- Insuffisance hépatique sévère.

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